2012 : les temps forts de la science

L’année 2012 ira à son terme. Plus vraiment de doute désormais. La fin du monde, promise par certains Cassandre, sera pour plus tard… Et les Mayas, involontaires fauteurs du trouble, sont entrés dans une nouvelle ère avant tout le monde, le 21 décembre dernier, après avoir sans doute bien ri de la panique engendrée par la fausse interprétation de leur antique calendrier. Du coté de la vraie science, la cuvée 2012 restera sans doute dans les annales comme particulièrement riche. Aussi bien en succès qu’en couacs. Pour faire bonne mesure, revenons sur trois grands moments dans ces deux catégories et sur leurs principaux acteurs.

Trois succès :

1°/ Peter Higgs, le père du boson

4 juillet 2012. Un jour peut-être, lorsque les manuels de physique auront intégré un minimum d’histoire des sciences (espérons que cela arrive avant la prochaine nouvelle ère du calendrier Maya), la photo de Peter Higgs ornera cette date du 4 juillet. Dans l’amphithéâtre du CERN, Peter Higgs pleurait. Il racontera ensuite que l’ambiance y était celle d’un stade de foot après la victoire de l’équipe locale. Ce jour là, les résultats des deux expériences menées avec le LHC ont montré qu’ils convergeaient vers la valeur de 125 GeV. Soit la masse du boson dont l’existence avait été prédite par Peter Higgs et ses collègues, parmi lesquels  François Englert et Tom Kibble sont toujours vivants, en… 1964. Fantastique succès, donc, pour ces théoriciens qui voient, 48 ans plus tard, leurs calculs vérifiés par l’expérience. Il faudra néanmoins attendre le mois de mars 2013 pour une confirmation définitive des résultats. Et septembre pour un possible (probable ?) prix Nobel de physique pour Peter Higgs. En 2013, notons donc sur nos tablettes:  “Le boson”, saison 2.

2°/ Curiosity, le rover sur Mars

6 août 2012. 7h32 heure française. Le rover Curiosity se pose en douceur sur Mars après un voyage de 567 millions de km qui a duré 8 mois et demi. Comme au CERN un mois plus tôt, c’est l’explosion de joie dans la salle de contrôle du Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la Nasa à Pasadena (Californie). C’est la première fois qu’un robot de ce calibre (3 x 2,7 m sur 2,2 m de haut, 899 kg) est expédié sur une planète du système solaire. Près de 7000 personnes ont travaillé sur le projet qui a coûté la bagatelle de 2,5 milliards de dollars. On comprend le soulagement apporté par l’atterrissage réussi. Pour autant, la véritable mission de Curiosity a commencé après cet exploit. Et force est de constater qu’elle n’a pas, pour l’instant, été à la hauteur des espoirs mis en elle. Le comble étant que c’est plutôt son petit prédécesseur, Opportunity, qui fait l’actualité avec ses découvertes géologiques. Curiosity, de son coté, doit découvrir des traces de vie passée sur Mars. Pour lui aussi, la saison 2 pourrait être décisive.

3°/ Serge Haroche, prix Nobel de physique

9 octobre 2012. A Stockolm, la nouvelle prend presque tout le monde par surprise. Alors que l’on attendait le Britannique Peter Higgs, c’est le Français Serge Haroche qui décroche le prix Nobel de physique avec l’Américain et David J. Wineland. Après des années où ce prix allait plutôt à des chercheurs en physique appliquée, c’est le grand retour du fondamental.  Avec Serge Haroche, la mécanique quantique et le chat de Schrödinger sont à l’honneur. Le Français, issu du même laboratoire de l’Ecole Nationale Supérieure (ENS) de la rue d’Ulm, à Paris, que deux précédents Nobel, a réussi à maintenir des particules dans cet état improbable où la matière hésite et se trouve, un bref instant, dans deux situations contradictoires. Comme un chat qui serait à la fois mort et vivant… Seuls les physiciens quantiques peuvent imaginer un tel paradoxe. Serge Haroche a été plus loin et a réussi à maintenir réellement des particules dans cet état assez longtemps pour faire des mesures. La médiatisation de son prix Nobel a révélé l’impact de cette distinction dont la science française avait besoin. Depuis Claude Cohen-Tannoudji en 1997, elle n’avait été primée qu’une fois avec Albert Fert en 2007.

Trois échecs :

1° / Les neutrinos trop rapides

16 mars 2012 : Eh oui ! Einstein a dû en rire dans sa tombe. Les scientifiques du CERN, eux, ont dû rire jaune en devant admettre, en mars 2012, que les neutrinos ne vont pas plus vite que la lumière. Pas moins de 6 mois ont été nécessaires pour débusquer l’erreur de manip. Une vulgaire fibre optique mal branchée. Au CERN de Genève ! Le temple de la physique doté du plus gros instrument, le LHC ! Avec des milliers de scientifiques venus du monde entier… Bien entendu, l’erreur est humaine. Ce qui l’est aussi, sans être aussi défendable, c’est le désir irrépressible de communiquer le résultat d’une expérience avant d’être absolument certain du résultat. Risqué, surtout lorsque ce résultat viole l’une des lois fondamentales de la physique : l’impossibilité de dépasser la vitesse de la lumière établie par Albert Einstein lui-même. Nul doute que la mésaventure laissera des traces et favorisera, à l’avenir, une plus grande prudence.

2°/ Les OGM trop médiatiques

19 septembre 2012. Gilles-Eric Séralini, biologiste de l’université de Caen, avait préparé son coup de longue date. Plus de deux ans pour mener à terme une étude d’impact des OGM et de l’herbicide Roundup sur une vie entière de rats. Et puis, le 19 septembre, coup de tonnerre médiatique. Le Nouvel Obs titre: “Oui, les OGM sont des poisons”. Si les physiciens du CERN ont manqué de prudence, nos confrères de l’hebdomadaire n’ont pas eu la moindre retenue lorsqu’ils ont conçu cette Une. Les ventes ont sans doute suivi. Le ridicule, aussi, lorsqu’il est apparu que l’étude était très contestable. En déduire que les OGM sont des poisons, en laissant entendre “pour les hommes”, est pour le moins regrettable. En revanche, le coup de Gilles-Eric Séralini a mis en lumière les carences des procédures de test des OGM. Sil en reste là, ce sera une terrible défaite, aussi bien pour la science que pour les médias.

3°/ Voir Doha et bouillir…

8 décembre 2012. Si c ‘était encore possible, la 18e conférence internationale sur le réchauffement climatique qui s’est tenue à Doha, capitale du Qatar, du 26 novembre au 6 décembre 2012 avec prolongation jusqu’au 8 décembre, aura battu tous les records de ridicule. On retiendra deux images : la grossièreté du vice-Premier ministre Abdallah al-Attiya et l’émotion de Naderev Saño, négociateur en chef de la délégation des Philippines, parlant du typhon Bopha qui a fait plus de 500 morts dans son pays. Quelle distance entre ces deux personnages. Aucun dialogue n’a pu s’établir dans ce pays qui est le plus pur symbole de la contribution éhontée au réchauffement climatique (numéro un mondial en émission de CO2 par habitant). La conférence s’est soldée par un échec cuisant. Un de plus. Au point de conduire à s’interroger sur l’utilité de tels rassemblements. Forts coûteux en énergie.

Michel Alberganti

Photo: Vue d’artiste. REUTERS/NASA/JPL-Caltech

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Les changements climatiques ont stimulé l’évolution du genre Homo

Et si les changements climatiques du passé avaient joué un rôle important dans l’évolution de nos ancêtres au cours des deux derniers millions d”années ? Telle est la thèse soutenue par trois chercheurs, Katerine Freeman, professeur de géoscience et Clayton Magill, docteur en géosciences, à l’université de Pennsylvanie et Gail Ashley, professeur de sciences de la Terre à l’université Rutgers. Dans un article publié le 24 décembre 2012 dans la revue PNAS, ils suggèrent qu’une succession de rapides changements environnementaux auraient dirigé l’évolution humaine à cette époque.

Dans les sédiments d’un ancien lac

Les chercheurs ont étudié la matière organique préservée par les sédiments d’un ancien lac dans les gorges d’Olduvai, sur le versant ouest de la vallée du Rift, au nord de la Tanzanie. Ce lieu qui fait l’objet de recherches depuis 1931, est parfois considéré comme le berceau de l’humanité, en raison des nombreux témoignages de la présence de groupes humains préhistoriques dans cette région.

5 ou 6 changements d’environnement en 200 000 ans

“Le paysage dans lesquels les premiers hommes vivaient ont basculé rapidement de la forêt fermée à la prairie ouverte de 5 à 6 fois au cours d’une période de 200 000 ans”, indique Clayton Magill.  “Ces changements se sont produits de façon très brusque avec des transitions ne durant que quelques centaines ou quelques milliers d’années”, précise-t-il. Pour Katherine Freeman, la principale hypothèse suggère que les changements provoqués chez l’homme par l’évolution pendant ces périodes sont liés à cette modification constante de leur environnement et a un important changement climatique. “Alors que certains pensent que l’Afrique a subi un “grand assèchement” progressif et lent pendant 3 millions d”années, les données que nous avons recueillies montrent une absence de progression vers la sécheresse et, au contraire, un environnement extrêmement variable”, déclare-t-elle. Des périodes humides longues auraient alterné avec des périodes plus sèches.

La vie est plus difficile dans les périodes de changement que dans celles de stabilité. Clayton Magill note que de nombreux anthropologues considèrent que ces modifications de l’environnement pourraient avoir déclenché des développements cognitifs. Le bon sens conduit à la même conclusion. Soumis à des situations nouvelles, toutes les espèces vivantes doivent relever le défi : s’adapter ou disparaître. L’homme étant toujours là, il n’est pas incongru de penser… qu’il s’est adapté.

Plusieurs passages de la forêt à la prairie

“Les premiers humains ont dû passer d’une situation où ils ne disposaient que d’arbres à une autre où ils n’avaient plus que de l’herbe en seulement 10 à 100 générations et ils ont donc été conduit à modifier leur régime en conséquence”, indique Clayton Magill. Changement de nourriture disponible, changement de type de nourriture à manger, changement de façon d’obtenir la nourriture, autant de puissants déclencheurs de l’évolution. Seuls les plus malins, comme d’habitude, ont survécu. Sans doute grâce à un cerveau plus gros et, donc, à des capacités cognitives supérieures, ainsi que des modes de locomotion nouveaux et des organisations sociales différentes. “Nos données sont cohérentes avec ces hypothèses. Nous montrons que les variations rapides de l’environnement coïncident avec une période importante de l’évolution humaine lorsque le genre Homo est apparu pour la première fois avec les premières preuves de l’usage d’outils”, explique le chercheur.

Pour parvenir à ces conclusions, l’équipe de scientifiques a analysé la matière organique, les microbes et les autres organismes piégés dans les sédiments depuis 2 millions d’années dans les gorges d’Olduvai. En particulier, ils se sont intéressés à certains biomarqueurs, des molécules fossiles provenant du revêtement en cire des feuilles qui survit particulièrement bien dans les sédiments. Ensuite, la chromatographie gazeuse et la spectrométrie de masse leur ont permis de mesurer l’abondance relative des types de cires liés à différents isotopes du carbone. Ils ont ainsi pu détecter les transitions entre les environnement riches en arbres et ceux où seule l’herbe subsistait.

Sur une période de deux millions d’années, de nombreux facteurs interviennent. Comme l’évolution de l’orbite de la Terre qui influence les régimes de mousson en Afrique ou les durées d’ensoleillement qui agissent sur la circulation atmosphérique et l’apport en eau. Autant que paramètres dont les chercheurs ont dû tenir compte dans leurs modèles mathématiques.

Cela nous rappelle quelque chose…

Un tel travail nous ramène forcément à la situation que nous sommes en train de vivre aujourd’hui même. Nous aussi sommes confrontés à un changement climatique rapide. De nombreuses espèces vivantes en font et en feront les frais, faute de capacités d’adaptation suffisantes. Et l’homme ? Le réchauffement climatique actuel est le premier dont l’humanité a conscience pendant qu’il se produit. Pour la première fois, l’homme a même la sensation de pouvoir agir sur ce phénomène auquel son activité sur Terre contribue. Mais cela changera-t-il quelque chose ? Pourrons-nous prolonger la période climatique stable qui a prévalu sur la planète pendant la révolution industrielle ? Ou bien faut-il nous préparer à évoluer pour nous adapter ?

Michel Alberganti

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Chasing Ice : la plus extraordinaire formation d’iceberg jamais filmée

Après l’Antarctique, dont la partie ouest se réchauffe à grande vitesse, voici l’Arctique et le Groenland qui a, lui aussi, fait parlé de lui en 2012, surtout en juillet avec des records de surface de fonte de sa calotte glaciaire. Le 14 décembre 2012, le documentaire Chasing Ice du réalisateur Jeff  Orlowski est sorti sur les écrans… en Angleterre. Auparavant, il avait été diffusé aux États-Unis et avait été sélectionné au festival Pariscience d’octobre 2012 à Paris. Ayant eu l’honneur de faire partie du jury cette année, je l’avais défendu, sans succès. Il vient de remporter le prix du meilleur documentaire aux Satellite Awards de l’International Presse Academy.

Des photos prises pendant des mois sur plusieurs années

Chasing Ice n’a pas que des qualités. Il est trop long, 80 minutes, et trop axé sur un personnage, James Balog, photographe américain qui s’est pris de passion pour le réchauffement climatique et, en particulier, son impact sur le Groenland. Pour démontrer la réalité de ce phénomène, le photographe a consacré plusieurs années à photographier, à l’aide d’appareils installés pendant des mois en différents points du Groenland, l’évolution des glaciers. Il a ainsi pu enregistrer avec précision leur perte de volume au fil du temps comme le montrent ces images prises à trois années d’intervalle :

Le documentaire relate, avec moult détails, les préparatifs des expéditions, la réalisation et l’installation des boitiers de protection contenant les appareils photo ainsi qu’un système spécialement conçu pour ces missions de time-lapse, c’est à dire de prise de vue automatique à intervalle de temps donné. Les difficultés de réalisation n’ont pas manqué dans un environnement aussi hostile. Soumis au froid… polaire, aux vents extrêmes et à de longs mois d’abandon avec les problèmes de durée de vie des batteries, les appareils ont souvent été arrachés par les tempêtes et détruits. A force d’obstination, James Balog a fini par obtenir les images qui montrent la fonte rapide des glaciers.

Comme si l’île de Manhattan s’effondrait

Mais il voulait aussi filmer la fragmentation des icebergs, appelés “vêlage” ou calving en anglais, c’est à dire, littéralement, la mise bas. Mais là, pas question d’abandonner une caméra en fonctionnement pendant des mois. L’équipe du film s’est donc postée, pendant de longues semaines, dans l’attente d’un événement… Au bord du découragement, ils ont finalement été largement récompensés par la plus extraordinaire fragmentation jamais filmée. Pas moins de 7,4 km3 de glace se sont lentement effondrés devant les objectifs pendant 75 minutes. A peu près la taille de l’île de Manhattan s’est ainsi détachée du glacier d’Ilulissat. Un spectacle grandiose et apocalyptique que, espérons le, vous pourrez, un jour, voir sur les grands écrans de cinéma ou de la télévision française. Faute d’une programmation annoncée, en voici l’extrait le plus spectaculaire diffusé sur le site du journal The Guardian à l’occasion de la sortie du film en Angleterre. A recommander aux climatosceptiques qui, souvent dans les commentaires de ce blog, sont persuadés que la température de la Terre n’augmente plus depuis 20 ans…

Michel Alberganti

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L’ouest de l’Antarctique se réchauffe beaucoup plus vite que prévu

Le doute semble levé. L’Antarctique, lui aussi, se réchauffe plus rapidement que prévu. Tout du moins, un point chaud apparaît dans sa partie ouest avec des températures très supérieures à celles des autres régions du continent. Dans l’article publié le 23 décembre dans la revue Nature Geoscience, David Bromwich de l’université de l’Ohio et son équipe déclarent, à la suite d’une analyse des données relevées par la station de Byrd :

“Les enregistrements révèlent une croissance linéaire de la température annuelle entre 1958 et 2010 atteignant 2,4°C (+/- 1,2°C), ce qui établit que le centre de la région ouest de l’Antarctique est l’une des zones du globe dont le réchauffement est le plus rapide.”

Par rapport aux autres régions du continent, la partie ouest autour de la station de Byrd affiche une augmentation de température trois supérieure (+0,9°C contre +0,3°C sur la carte ci-dessus). Et si l’on compare les 2,4°C révélés par cette étude au réchauffement constaté sur le globe depuis le début de la révolution industrielle (+0,51°C), on constate que ce point chaud de l’Antarctique s’est réchauffé 5 fois plus au cours des 25 dernières années que le reste du globe pendant quelque 150 à 200 ans. C’est dire le niveau inquiétant atteint par cette zone.

Est-ce, pour autant, dangereux ? Après tout, il ne s’agit que d’une partie limitée de l’Antarctique. Eh bien, oui, cela pose problème en raison des quantités très importantes de glace stockées au pôle Sud. En 2009, la Nasa notait que cette partie ouest est particulièrement vulnérable au réchauffement parce que la calotte de glace repose que un sol se trouvant en dessous du niveau de la mer. “Si la calotte de glace de l’ouest de l’Antarctique fondait totalement, elle provoquerait une montée des eaux sur le globe comprise entre 5 et 6 mètres”, notait alors la Nasa. L’ordre de grandeur de ces chiffres est très différent de celui que nous avons enregistré jusqu’à présent. Les dernières estimations tablent sur une augmentation du niveaux des mers de 11 mm en 20 ans.

Il apparaît donc que la fonte des glaces des l’ouest Antarctique pourrait, à l’avenir, jouer un rôle majeur sur ce phénomène qui compte parmi les plus préoccupants en matière de conséquences du réchauffement climatique. Les nouveaux relevés devraient ôter un argument aux climatosceptiques qui citaient souvent la situation en Antarctique comme, contrairement à l’Arctique, une preuve d’une stagnation de la température du globe au cours des 20 dernières années. Désormais, il apparaît comme certain que les glaces des deux pôles fondent rapidement et qu’elles joueront, avec le phénomène de dilatation de l’eau des océans, un rôle prépondérant dans l’augmentation future du niveau des mers.

Michel Alberganti

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Doha 2012 : le climat échec et mat

Après quinze années d’efforts diplomatiques, quinze jours de négociations, prolongés de 24 heures, ont suffi pour sonner le glas des conférences internationales sur le réchauffement climatique. Comme on pouvait s’y attendre, Doha 2012 restera comme le sommet de l’enterrement des espoirs de réduction volontaire des émissions de CO2 par les pays industrialisés et les pays en développement.

Depuis le protocole de Kyoto signé en 1997 et entré en vigueur en 2005, les conférences internationales ont toutes donné le sentiment d’une lente évolution vers le blocage complet du processus. Cette fois, nous y sommes. Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner l'”accord” final de Doha 2012, publié par l”AFP le 8 décembre 2012. Sans oublier qu’il a été obtenu à l’arraché…

  • Acte II du protocole de Kyoto
    La seconde période d’engagement s’étalera du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2020. Elle concerne l’Union européenne, la Croatie et l’Islande, et huit autres pays industrialisés dont l’Australie, la Norvège et la Suisse, soit 15 % des émissions globales de gaz à effet de serre (GES) dans le monde. Chaque pays “réexaminera” ses objectifs chiffrés de réduction de GES “au plus tard en 2014”.
  • Aide financière aux pays du Sud pour faire face au changement climatique
    Le texte de Doha “presse” les pays développés à annoncer de nouvelles aides financières “quand les circonstances financières le permettront” et à soumettre au rendez-vous climat de 2013, à Varsovie, “les informations sur leurs stratégies pour mobiliser des fonds afin d’arriver à 100 milliards de dollars par an d’ici 2020”.
  • Réparation pour les “pertes et dommages” causés aux pays du sud par le réchauffement
    A Varsovie, des “arrangements institutionnels, comme un mécanisme international, seront décidés au sujet de la question des pertes et dommages liés aux impacts du changement climatique dans les pays en développement particulièrement vulnérables”. Ce point a été très disputé entre les pays du Sud, qui s’estiment victimes des actions du Nord ayant déréglé le climat, et les Etats-Unis, qui craignent qu’un “mécanisme” ne mène un jour à des actions en justice et ne veulent pas débourser plus que ce qui a déjà été prévu dans les divers accords de l’ONU sur le climat.
  • Vers un accord global et ambitieux en 2015
    L’accord de Doha réaffirme l’ambition d’adopter “un protocole, un autre instrument juridique ou un accord ayant force juridique” à la conférence de l’ONU prévue en 2015 pour une entrée en vigueur en 2020, et rappelle l’objectif de parvenir à limiterla hausse de la température à + 2°C. Contrairement au protocole de Kyoto, cet accord ne concernera pas que les nations industrialisées mais tous les pays, y compris les grands émergents et les Etats-Unis. Un texte devant servir de base pour les négociations doit être disponible “avant mai 2015” et l’accord de Doha “accueille favorablement” la proposition du secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon de réunir les dirigeants mondiaux en 2014 sur cette question.

Traduction :

  • Le nouveau protocole de Kyoto, sans engagement sur un taux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), ne concerne que 15% des émissions mondiales. Renvoi à Varsovie en 2013.
  • L’aide financière aux pays du Sud n’est pas financée. Renvoi à Varsovie.
  • La question de la dette climatique des pays n’est pas règlée. Renvoi à Varsovie.
  • Le nouveau protocole de Kyoto, “global et ambitieux”, reste vide d’engagement. Renvoi en 2014 et 2015.

L’avantage, avec les conférences climatiques, c’est que le programme peut être réutilisé à l’identique de l’une à l’autre. Pour la prochaine, il suffira de remplacer Doha par Varsovie dans les entêtes. A moins d’organiser, d’ici là, une conférence pour statuer sur la nécessité de poursuivre l’organisation coûteuse, en argent et en CO2, de tels rassemblements. La mascarade de Doha pose clairement la question. Son déroulement, comme ses résultats, se retournent contre son objectif même. Au lieu de promouvoir la prise au sérieux des enjeux climatiques, elle démontre l’incapacité totale des Etats à engager une véritable dynamique de lutte contre le réchauffement. Ce qui révèle une totale impréparation de cette réunion.

Dans la situation actuelle, ne vaut-il pas mieux arrêter les débats stériles et les dégâts qu’ils engendrent dans l’opinion publique ? C’est sans doute la question que l’on doha désormais se poser.

Michel Alberganti

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Climat : tout Doha dans le mur

Moment d’émotion à Doha, au Qatar, lorsque Naderev Saño, négociateur en chef de la délégation des Philippines, a fait le lien entre les négociations de la 18ème conférence internationale sur le changement climatique et le nouveau drame qui a frappé les Philippines cette semaine avec le passage du typhon Bopha qui a fait plus de 500 morts et des centaines de milliers de sans abri. Mais les sanglots dans la voix de Naderev Saño n’y feront rien. Doha va se terminer sur un échec cuisant. Un de plus. Avec une fracture grandissante entre les pays pauvres et les pays riches sur la gestion du réchauffement climatique.

En effet, le temps des objectifs de réductions des émissions de CO2 semble désormais révolu. Les discussions se concentrent sur la gestion  des conséquences d’un réchauffement planétaires qui pourrait atteindre 3 à 5°C en 2100 au lieu des 2°C visés pour limiter les risques d’emballement du système climatique.

La conférence de Doha, qui a rassemblé les représentants de 190 pays du 26 novembre au 6 décembre 2012 au Qatar, le pays dont les habitants sont les plus gros pollueurs de la planète, est en passe de s’achever en farce. D’autant que le pays hôte n’a pas jugé utile de saisir cette occasion pour faire le moindre effort en matière de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre (GES).

Le vice-Premier ministre Abdallah al-Attiya qui dirige les débats en séance plénière a même fait preuve de cynisme, voire de mépris, pour les participants. Vendredi 7 décembre, il a ouvert une séance en diffusant le clip d’une “chanson de la société civile” appelant à “se réveiller” sur l’air de Bella Ciao. Face au risque de prolongation des débats dans la nuit, il a déclaré avec élégance: “Je ne suis pas pressé. Ma maison est seulement à 10 minutes en voiture”. Visiblement, le Qatar n’avait pas d’objectif écologique en organisant cette conférence.  On découvre qu’il ne s’agissait pas, non plus, de donner une bonne image du monde arabe. Tout cela tourne donc de plus en plus à la mascarade et justifie de se poser la question de la nécessité de continuer à rassembler, tous les ans à grand frais, des milliers de personnes autour de la question du climat.

Un fiasco de plus

Doha s’inscrira donc dans la longue liste des fiascos. Pas d’accord sur des objectifs contraignant de réduction des émissions de gaz à effets de serre. Pas d’accord sur le programme de soutien financier aux pays victimes des conséquences du réchauffement climatique. “L’UE ne peut pas accepter un texte qui contiendrait un engagement à 60 mds d’argent public en 2015 compte tenu des contraintes budgétaires dans lesquelles nous sommes”, a déclaré le ministre français du Développement, Pascal Canfin, indiquant que les négociateurs tentaient de trouver une “formule” qui “dessinerait un chemin pour arriver aux 100 milliards”, rapporte l’AFP. Comme on le sentait déjà lors des précédents sommets, comme celui de Durban, la crise économique a achevé les timides velléités d’engagement financier des pays riches. Les pays pauvres vont devoir s’y faire. Les riches n’ont plus d’argent à leur donner.

Alors, Doha accouchera sans doute de décisions strictement symboliques. Le protocole de Kyoto, version 2, qui doit débuter le 1er janvier 2013 reste sur la sellette. Il est déjà vidé de sa substance avec le désistement du Japon, de la Russie et du Canada. Les décisions ne concerneront que l’UE et l’Australie qui émettent 15% des GES globaux. Autant dire que leurs efforts n’auront aucun effet significatif sur le réchauffement. Et puis, il sera temps de se donner rendez-vous… pour la prochaine réunion, à Paris en 2015 avec l’espoir de moins en moins ferme d’un accord mondial sur des réductions d’émissions à partir de 2020.

On aurait donc probablement pu se passer de Doha et des railleries de son vice-premier ministre. Les choses en sont arrivées au point de presque donner raison au climato-sceptique Lord Monckton qui a réussi à prendre la parole en se faisant passer pour un représentant de la Birmanie (Myanmar) pour exposer ses vues contestant la réalité du réchauffement et l’absurdité de lutter contre les émissions de GES. Qu’il ait pu, ainsi, s’infiltrer dans la conférence est tout un symbole…

Michel Alberganti

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Doha : les chevaux sont climatisés, la conférence passe

Doha, capitale du Qatar,  accueille la dix-huitième conférence des Nations unies sur le climat du 26 novembre au 7 décembre 2012. Dix-huit conférences depuis 1997. Plus d’une par an… Cette fois, le pays choisit est un symbole. C’est lui qui détient le record du monde d’émission de CO2 par habitant. Pas moins de 44 tonnes en 2009, contre 17,2 pour les Américains, 6,1 pour la France et… 5,3 pour la Chine. Ne parlons pas de l’Inde avec ses 1,4 tonne par habitant.

Premier émetteur mondial de CO2 par habitant

Ce classement, s’il ne reflète pas la contribution de chaque Etat à l’augmentation du taux de CO2 dans l’atmosphère, est très révélateur des différences de mode de vie entre les pays. Ainsi, la Chine (24% des émissions mondiales) est en tête de pays émetteurs de CO2 devant les Etats-Unis (18%). Par habitant, ces deux pays se retrouvent, respectivement, à la 78e et à la 12e place.

Le Qatar est donc bien le symbole du mode de vie auquel il faut absolument tourner le dos pour réduire les émissions de CO2. L’émir, Hamad bin Khalifa Al Thani, lui, a construit un haras entièrement climatisé. On imagine les participants de la 18e conférence sur le climat installés dans un auditorium ultra-moderne consommant le maximum d’énergie fossile possible. Un lieu idéal pour porter le fer, diront les plus militant. Le symbole d’une bataille perdue, penseront les plus réalistes…

Premier exportateur mondial… de gaz

Ambiance surréaliste, donc, au coeur du premier pays exportateur mondial… de gaz. Que l’on soupçonne d’ailleurs de profiter de la conférence pour faire la promotion de sa première ressource, réputée moins émettrice de CO2 que le charbon. Tout cela au moment où la Banque mondiale publie un rapport alarmant sur la poursuite de la croissance des émissions de ce même CO2.  Et que, dans la revue Nature du 2 décembre, est publié un article confirmant que les années 2011 et 2012 battent, chacune, les records d’émission précédents.

Entre +4 et +6°C en 2100

Les chercheurs du Global Carbon Project enregistrent ainsi une progression de 2,6% en 2011 à 35,6 milliards de tonnes de CO2 rejetées dans l’atmosphère. Ils estiment qu’environ 80% de la croissance est imputable à la Chine. La légère réduction des émissions des Etats-Unis et de l’Europe ne parvient pas à compenser l’explosion de celles des pays émergents. Désormais, il faut oublier l’objectif d’une augmentation de température limitée à 2°C en 2100 (par rapport à la température de l’ère pré-industrielle). Les projections tablent désormais sur une fourchette comprise entre 4 et 6°C. Une excellente motivation pour les représentants des 190 pays présents à Doha.

Michel Alberganti

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+ 11 mm en 20 ans : la glace polaire fond, le niveau des mers monte

La question jaillit dès que l’on parle de la fonte des glaces polaires, même dans la rédaction de Slate.fr… “Mais alors où va l’eau ?” La réponse est à la fois simple et compliquée. Simple parce que l’eau provenant de la glace fondue va, bien entendu, dans les mers. Compliquée parce que, à la question corollaire : “Est-ce que cela fait monter le niveau des mers ?”, il était, jusqu’à aujourd’hui, difficile d’apporter une réponse précise.

Banquise ou inlandsis ?

Première difficulté : cela dépend du type de glace. S’il s’agit de la glace de mer constituant les banquises, le niveau ne monte pas. Mais lorsqu’il s’agit de la fonte de glace d’eau douce, celle des glaciers qui forment les calottes polaires, ou islandsis,  à la suite de chutes de neige accumulées pendant des millénaires, le niveau monte. De combien ? Là était la question délicate. Jusqu’à la publication, le 29 novembre 2012 dans la revue Science, de trois études produites par 47 chercheurs de 26 laboratoires. Il fallait cette association pour sortir d’une situation dans laquelle les données étaient aussi nombreuses que différentes.

Le Groenland en fonte libre

Désormais, la conclusion est limpide : la fonte des glaces polaires au cours des 20 dernières années a contribué à la montée du niveau des mers pour 11,1 mm +/- 3,8 mm. Soit une fourchette comprise entre 7,3 mm et 14,9 mm. Mais ce bilan ne reflète pas bien la dynamique du phénomène. Ainsi, le Groenland perd aujourd’hui 5 fois plus de glace qu’en 1992. Aujourd’hui, globalement, la fonte des glaces des pôles est, chaque année, trois fois supérieure à celle des années 1990 L’augmentation annuelle du niveau des mers est ainsi passé de 0,27 mm par an dans les années 1990 à 0,95 mm par an actuellement. Les deux tiers de la perte de glace se produit au Groenland contre un tiers en Antarctique.

Ce résultat tranche une question pendante concernant l’Antarctique. Certains pensaient que la quantité de glace y augmentait. Désormais,  les chercheurs affirment que les deux pôles perdent de la glace chaque année. Même si c’est au Groenland que la perte est la plus spectaculaire, comme on a pu le constater cet été. Les scientifiques ont déjà dû revoir profondément leurs prévisions dans ce domaine.

Un cinquième de la montée totale

Le chiffre de 11,1 mm en 20 ans peut paraître modeste. Il faut néanmoins ne pas oublier que la fonte des glace polaire ne contribue que pour environ un cinquième à la montée totale du niveau des mers liée au réchauffement climatique. La dilatation de l’eau joue un rôle très important. Le total atteint donc plus de 50 mm en 20 ans. Le plus inquiétant étant la forte accélération du phénomène au cours des dernières années.

Michel Alberganti

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Taux de CO2 dans l’atmosphère: la lutte contre le réchauffement climatique a échoué

L’organisation météorologique mondiale (WMO) a publié, le 20 novembre 2012, son bilan annuel sur l’évolution de la concentration des gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère. En 2011, un nouveau niveau record a été atteint, ce qui signifie que toutes les conférences internationales sur le réchauffement climatique ont échoué. Elles ne sont pas parvenues à infléchir la courbe de croissance de ces gaz. Le CO2 a atteint les 390,9 parties par million (ppm) en 2011, soit 40% de plus que les 280 ppm de l’ère pré-industrielle.

Ainsi, entre 1990 et 2011, le forçage radiatif a augmenté de 30% à cause du CO2 et des autres GES comme le méthane. Depuis le début de l’ère industrielle, au XIXe siècle, 375 milliards de tonnes de carbone ont été relâchées dans l’atmosphère, prioritairement par la combustion de combustibles fossiles. Environ la moitié de ce carbone reste dans l’atmosphère tandis que l’autre moitié a été absorbée par les océans et la biosphère terrestre.

“Ces milliards de tonnes de CO2 ajoutées dans l’atmosphère terrestre vont y rester pendant des siècles, contribuant au réchauffement de la planète avec des impacts sur tous les aspects de la vie sur Terre. Les émissions futures ne feront qu’aggraver la situation”, a commenté Michel Jarraud, secrétaire général de la WMO. Avant l’ère industrielle, la quantité de CO2 émise dans l’atmosphère était entièrement récupérée par les écosystèmes marin et terrestre. Aujourd’hui, cette captation n’atteint plus que 50% des émissions et rien ne permet de prédire que cette proportion va rester stable.

On peut se satisfaire d’une croissance qui n’accélère pas malgré l’augmentation de la population sur Terre et le développement de pays comme la Chine et l’Inde. Néanmoins, ce résultat est loin de permettre d’atteindre l’objectif d’une augmentation limitée à 2°C en 2100. Désormais, les projections, comme celle de l’étude commandée par la Banque mondiale, tablent plutôt sur 4°C. Sans certitude.

Ainsi, la température sur Terre, qui était de 13,9°C en moyenne au XXe siècle, a affiché en 2011, un écart de + 0,51°C, soit:

14,41 °C

Michel Alberganti

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La Banque mondiale envisage un réchauffement de 4°C en 2100

La prise de conscience du réchauffement climatique pourrait franchir une étape importante avec le rapport publié le 18 novembre 2012 par… la Banque mondiale. Si l’économie s’empare du problème, cela démontre peut-être qu’il a changé d’orbite dans le cerveau mondial. Déjà, les sociétés d’assurance avaient tiré la sonnette d’alarme en raison de l’envolée des coûts engendrés par la multiplication des catastrophes météorologiques comme la tempête Sandy qui a touché les Etats-Unis fin octobre.

Turn down the heat

Intitulé sobrement “Turn down the heat” (Baissons la chaleur), ce rapport scientifique a été réalisé par le Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK) et par Climate Analytics pour la Banque mondiale. Il répond à la question: “Que serait le monde s’il était plus chaud de 4°C ?” Ces instituts prennent ainsi le relais du GIEC qui, jusqu’à son dernier rapport de 2007, s’attachait à un objectif de réchauffement de 2°C en 2100.  Plus personne, aujourd’hui, ne parie sérieusement sur un tel résultat. Les réductions d’émissions de gaz à effet de serre (GES) nécessaires pour l’atteindre sont loin d’être réalisées. Les années passent et c’est toujours à une augmentation mondiale de ces émissions de GES que l’on assiste. Le manque de volontarisme des Etats-Unis et le développement de la Chine font partie des principales raisons de cet échec patent.

Désormais, donc, l’heure n’est plus aux imprécations. Nous entrons dans la période de préparation. Et cette perspective de 4°C en 2100, adoptée par le rapport de la Banque mondiale, paraît raisonnable, voire optimiste. Même si le président du groupe de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, fait mine de persister dans le rêve antérieur :

« Nous pouvons et nous devons éviter une hausse de 4 degrés. Il faut limiter le réchauffement à 2 degrés. Si nous n’agissons pas suffisamment contre le changement climatique, nous risquons de léguer à nos enfants un monde radicalement différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. Le changement climatique est l’un des  principaux obstacles auquel se heurtent les efforts de développement, et nous avons la responsabilité morale d’agir pour le bien des générations futures, et en particulier les plus pauvres. »

Déjà 0,8°C

A l’appui de cette thèse, le rapport tente d’imaginer ce que serait une Terre où régnerait une température supérieure de 4°C par rapport à l’ère préindustrielle, c’est à dire vers le milieu du 19e siècle. En raison de la forte accélération du réchauffement à partir des années 1960, nous en sommes aujourd’hui à +O,8 °C en moyenne sur la planète. Le rapport rappelle que la température des océans a augmenté de 0,09°C depuis les années 1950 ce qui a entraîné une acidification des eaux, que le niveau des mers a augmenté de 20 cm par rapport à l’ère préindustrielle et que cette tendance se poursuit au rythme de 3,2 cm par an. Sans parler de la multiplication des canicules, des sécheresses et ouragans et autres tempêtes dévastatrices. Tout indique donc que nous préparons une température moyenne supérieure d’au moins 4°C à celle de l’ère préindustrielle pour 2100.

Impacts sur le développement

Quelles en seront les implications, en particulier sur le développement, facteur important pour la Banque mondiale ? Le rapport détaille plusieurs conséquences graves :

– inondation des villes côtières
– risques accrus pesant sur la production vivrière
– hausse des taux de sous-alimentation et de malnutrition
– aggravation de la sécheresse dans les zones arides et du niveau d’humidité dans les zones humides
– vagues de chaleur sans précédent dans beaucoup de régions, et particulièrement sous les tropiques
-aggravation sensible des pénuries d’eau dans beaucoup de régions
– intensification des cyclones tropicaux
– perte irréversible de la biodiversité, y compris dans les systèmes de récifs coralliens

John Schellnhuber, directeur du PIK, souligne que “les réactions du système terrestre au changement climatique ne sont pas linéaires”. Un point très important car il peut expliquer pourquoi le dépassement des 2°C peut se révéler délicat. Au delà, en effet, une sorte de point de non retour peut être franchi. Il s’agit donc bien d’une cause qui devrait être mondiale. La seule solution passe par “la croissance verte et solidaire”, des mots qui peuvent prêter à sourire à une époque où la course aux profits immédiats semble l’emporter sur toute autres considérations sur l’avenir. Cet avenir que nous nous préparons en accordant 1000 milliards de dollars de subvention à l’exploitation de combustibles fossiles, comme le note le rapport qui précise certaines conséquences climatiques:

  • Les vagues de chaleur extrême qui, dans un monde sans réchauffement climatique, ne devraient survenir qu’une fois toutes les quelques centaines d’années, séviront presque tous les étés dans beaucoup de régions. Leurs incidences ne seront pas réparties uniformément. Les hausses de température les plus importantes devraient survenir en zones terrestres et varier de 4 à 10 °C. On devrait s’attendre à des hausses de 6 °C ou plus des températures mensuelles estivales moyennes dans la région méditerranéenne, en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et dans certaines parties des États-Unis.
  • On observera vraisemblablement une élévation de 0,5 à 1 mètre du niveau moyen des mers d’ici à 2100, et des niveaux plus élevés sont également possibles. Certaines des villes les plus vulnérables à ce phénomène sont situées au Mozambique, à Madagascar, au Mexique, au Venezuela, en Inde, au Bangladesh, en Indonésie, aux Philippines et au Viet Nam.
  • Les régions les plus vulnérables se trouvent en zones tropicales, subtropicales et polaires, où de multiples impacts risquent de s’additionner.
  • L’agriculture, les ressources en eau, la santé humaine, la biodiversité et les services écosystémiques seront vraisemblablement gravement touchés. Ces répercussions pourraient engendrer de vastes déplacements de populations, réduire la sécurité et perturber les systèmes économiques et le commerce.
  • Beaucoup de petits États insulaires risquent de se trouver incapables d’assurer la survie de leurs populations.

Un changement d’ère climatique ?

La nouvelle perspective d’un réchauffement de 4°C nous projette dans un scénario proche de celui d’une changement d’ère climatique. En effet, la dernière période glaciaire se caractérise par une baisse de température de 4,5 à 7°C. On peut donc craindre qu’une augmentation de 4°C de la température moyenne sur Terre n’engendre pas une simple amplification des phénomènes climatiques que nous connaissons aujourd’hui. Nous risquons une véritable rupture avec des dérèglements dont l’ampleur semble difficile à prévoir avec précision. Nul doute qu’ils seront forts désagréables pour une grande partie des habitants de la planète d’ici 2100.

Michel Alberganti

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