Dauphins volants, requins cabotants et calmars géants [Vidéos]

La mer est une ressource inépuisable dans de nombreux domaines, comme l’a souligné, à la surprise générale, Jean-Luc Mélanchon lors du débat qui l’a opposé à Jérôme Cahuzac dans l’émissionMots Croisés du lundi 7 janvier 2013 sur France 2. Un autre aspect, moins économique qu’esthétique et spectaculaire, est apporté par trois vidéos publiées ces jours-ci sur Internet. S’il fallait leur trouver un point commun, c’est sans doute notre ignorance. Malgré toutes les études déjà réalisées et les documentaires tournés, une large partie du comportement des espèces marines nous reste inconnue.

Pourquoi ces dauphins bondissent-ils ainsi à la surface de la mer, préférant les sauts fatigants à la nage sous l’eau ? Pourquoi un tel groupe de plusieurs centaines d’individus ? Où vont-ils ainsi ? On aimerait pouvoir les suivre et comprendre.

Justement, c’est ce qui s’est passé en Floride pour le suivi des grands requins blancs, calibre “Dents de la mer“.  Grâce à des balises implantées directement sur la peau, leur cabotage a été pisté. Pour s’apercevoir… qu’ils s’approchent à moins de 200 mètres des côtes. Comment se fait-il que l’on ne découvre qu’aujourd’hui le parcours des grands requins qui s’approchent aussi près des plages de Floride ?

Comment les grands fonds peuvent-ils engendrer des calmars de cette taille ? Quel hommage à Jules Verne et à la pieuvre géante de ses “20 000 lieux sous les mers” ! Une équipe de scientifiques japonais a réalisé les premières images de ces céphalopodes vivant dans leur milieu naturel à plus de 700 mètres de profondeur. Ces calmars géants n’atteignent néanmoins que 3 mètres de longs, bien loin des 10 mètres et 495 kg du plus imposant calmar colossal capturé à ce jour.
Le film réalisé par l’équipe de Tsunemi Kubodera a du résoudre certains problèmes délicats pour approcher ces prédateurs dotés, obscurité abyssales oblige, d’un oeil gigantesque que l’on aperçoit dans la vidéo ci-dessous. Pour cela, le cameraman, transformé en calmarman, a fait appel à de la lumière infra-rouge invisible pour les céphalopodes et les hommes, mais pas pour les capteurs électroniques des caméras, et il s’est posté en restant le plus immobile possible dans l’attente de la visite du monstre. Traque réussie. Le film sera diffusé sur Discovery Channel aux Etats-Unis le 27 janvier 2013, sous le titre: “Le monstre calmar : le géant est réel”, en traduction littérale. Espérons que les images seront rapidement accessibles en Europe, via Internet sans doute. D’ici là, un aperçu de la vedette :

Michel Alberganti

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Chasing Ice : la plus extraordinaire formation d’iceberg jamais filmée

Après l’Antarctique, dont la partie ouest se réchauffe à grande vitesse, voici l’Arctique et le Groenland qui a, lui aussi, fait parlé de lui en 2012, surtout en juillet avec des records de surface de fonte de sa calotte glaciaire. Le 14 décembre 2012, le documentaire Chasing Ice du réalisateur Jeff  Orlowski est sorti sur les écrans… en Angleterre. Auparavant, il avait été diffusé aux États-Unis et avait été sélectionné au festival Pariscience d’octobre 2012 à Paris. Ayant eu l’honneur de faire partie du jury cette année, je l’avais défendu, sans succès. Il vient de remporter le prix du meilleur documentaire aux Satellite Awards de l’International Presse Academy.

Des photos prises pendant des mois sur plusieurs années

Chasing Ice n’a pas que des qualités. Il est trop long, 80 minutes, et trop axé sur un personnage, James Balog, photographe américain qui s’est pris de passion pour le réchauffement climatique et, en particulier, son impact sur le Groenland. Pour démontrer la réalité de ce phénomène, le photographe a consacré plusieurs années à photographier, à l’aide d’appareils installés pendant des mois en différents points du Groenland, l’évolution des glaciers. Il a ainsi pu enregistrer avec précision leur perte de volume au fil du temps comme le montrent ces images prises à trois années d’intervalle :

Le documentaire relate, avec moult détails, les préparatifs des expéditions, la réalisation et l’installation des boitiers de protection contenant les appareils photo ainsi qu’un système spécialement conçu pour ces missions de time-lapse, c’est à dire de prise de vue automatique à intervalle de temps donné. Les difficultés de réalisation n’ont pas manqué dans un environnement aussi hostile. Soumis au froid… polaire, aux vents extrêmes et à de longs mois d’abandon avec les problèmes de durée de vie des batteries, les appareils ont souvent été arrachés par les tempêtes et détruits. A force d’obstination, James Balog a fini par obtenir les images qui montrent la fonte rapide des glaciers.

Comme si l’île de Manhattan s’effondrait

Mais il voulait aussi filmer la fragmentation des icebergs, appelés “vêlage” ou calving en anglais, c’est à dire, littéralement, la mise bas. Mais là, pas question d’abandonner une caméra en fonctionnement pendant des mois. L’équipe du film s’est donc postée, pendant de longues semaines, dans l’attente d’un événement… Au bord du découragement, ils ont finalement été largement récompensés par la plus extraordinaire fragmentation jamais filmée. Pas moins de 7,4 km3 de glace se sont lentement effondrés devant les objectifs pendant 75 minutes. A peu près la taille de l’île de Manhattan s’est ainsi détachée du glacier d’Ilulissat. Un spectacle grandiose et apocalyptique que, espérons le, vous pourrez, un jour, voir sur les grands écrans de cinéma ou de la télévision française. Faute d’une programmation annoncée, en voici l’extrait le plus spectaculaire diffusé sur le site du journal The Guardian à l’occasion de la sortie du film en Angleterre. A recommander aux climatosceptiques qui, souvent dans les commentaires de ce blog, sont persuadés que la température de la Terre n’augmente plus depuis 20 ans…

Michel Alberganti

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L’ouest de l’Antarctique se réchauffe beaucoup plus vite que prévu

Le doute semble levé. L’Antarctique, lui aussi, se réchauffe plus rapidement que prévu. Tout du moins, un point chaud apparaît dans sa partie ouest avec des températures très supérieures à celles des autres régions du continent. Dans l’article publié le 23 décembre dans la revue Nature Geoscience, David Bromwich de l’université de l’Ohio et son équipe déclarent, à la suite d’une analyse des données relevées par la station de Byrd :

“Les enregistrements révèlent une croissance linéaire de la température annuelle entre 1958 et 2010 atteignant 2,4°C (+/- 1,2°C), ce qui établit que le centre de la région ouest de l’Antarctique est l’une des zones du globe dont le réchauffement est le plus rapide.”

Par rapport aux autres régions du continent, la partie ouest autour de la station de Byrd affiche une augmentation de température trois supérieure (+0,9°C contre +0,3°C sur la carte ci-dessus). Et si l’on compare les 2,4°C révélés par cette étude au réchauffement constaté sur le globe depuis le début de la révolution industrielle (+0,51°C), on constate que ce point chaud de l’Antarctique s’est réchauffé 5 fois plus au cours des 25 dernières années que le reste du globe pendant quelque 150 à 200 ans. C’est dire le niveau inquiétant atteint par cette zone.

Est-ce, pour autant, dangereux ? Après tout, il ne s’agit que d’une partie limitée de l’Antarctique. Eh bien, oui, cela pose problème en raison des quantités très importantes de glace stockées au pôle Sud. En 2009, la Nasa notait que cette partie ouest est particulièrement vulnérable au réchauffement parce que la calotte de glace repose que un sol se trouvant en dessous du niveau de la mer. “Si la calotte de glace de l’ouest de l’Antarctique fondait totalement, elle provoquerait une montée des eaux sur le globe comprise entre 5 et 6 mètres”, notait alors la Nasa. L’ordre de grandeur de ces chiffres est très différent de celui que nous avons enregistré jusqu’à présent. Les dernières estimations tablent sur une augmentation du niveaux des mers de 11 mm en 20 ans.

Il apparaît donc que la fonte des glaces des l’ouest Antarctique pourrait, à l’avenir, jouer un rôle majeur sur ce phénomène qui compte parmi les plus préoccupants en matière de conséquences du réchauffement climatique. Les nouveaux relevés devraient ôter un argument aux climatosceptiques qui citaient souvent la situation en Antarctique comme, contrairement à l’Arctique, une preuve d’une stagnation de la température du globe au cours des 20 dernières années. Désormais, il apparaît comme certain que les glaces des deux pôles fondent rapidement et qu’elles joueront, avec le phénomène de dilatation de l’eau des océans, un rôle prépondérant dans l’augmentation future du niveau des mers.

Michel Alberganti

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+ 11 mm en 20 ans : la glace polaire fond, le niveau des mers monte

La question jaillit dès que l’on parle de la fonte des glaces polaires, même dans la rédaction de Slate.fr… “Mais alors où va l’eau ?” La réponse est à la fois simple et compliquée. Simple parce que l’eau provenant de la glace fondue va, bien entendu, dans les mers. Compliquée parce que, à la question corollaire : “Est-ce que cela fait monter le niveau des mers ?”, il était, jusqu’à aujourd’hui, difficile d’apporter une réponse précise.

Banquise ou inlandsis ?

Première difficulté : cela dépend du type de glace. S’il s’agit de la glace de mer constituant les banquises, le niveau ne monte pas. Mais lorsqu’il s’agit de la fonte de glace d’eau douce, celle des glaciers qui forment les calottes polaires, ou islandsis,  à la suite de chutes de neige accumulées pendant des millénaires, le niveau monte. De combien ? Là était la question délicate. Jusqu’à la publication, le 29 novembre 2012 dans la revue Science, de trois études produites par 47 chercheurs de 26 laboratoires. Il fallait cette association pour sortir d’une situation dans laquelle les données étaient aussi nombreuses que différentes.

Le Groenland en fonte libre

Désormais, la conclusion est limpide : la fonte des glaces polaires au cours des 20 dernières années a contribué à la montée du niveau des mers pour 11,1 mm +/- 3,8 mm. Soit une fourchette comprise entre 7,3 mm et 14,9 mm. Mais ce bilan ne reflète pas bien la dynamique du phénomène. Ainsi, le Groenland perd aujourd’hui 5 fois plus de glace qu’en 1992. Aujourd’hui, globalement, la fonte des glaces des pôles est, chaque année, trois fois supérieure à celle des années 1990 L’augmentation annuelle du niveau des mers est ainsi passé de 0,27 mm par an dans les années 1990 à 0,95 mm par an actuellement. Les deux tiers de la perte de glace se produit au Groenland contre un tiers en Antarctique.

Ce résultat tranche une question pendante concernant l’Antarctique. Certains pensaient que la quantité de glace y augmentait. Désormais,  les chercheurs affirment que les deux pôles perdent de la glace chaque année. Même si c’est au Groenland que la perte est la plus spectaculaire, comme on a pu le constater cet été. Les scientifiques ont déjà dû revoir profondément leurs prévisions dans ce domaine.

Un cinquième de la montée totale

Le chiffre de 11,1 mm en 20 ans peut paraître modeste. Il faut néanmoins ne pas oublier que la fonte des glace polaire ne contribue que pour environ un cinquième à la montée totale du niveau des mers liée au réchauffement climatique. La dilatation de l’eau joue un rôle très important. Le total atteint donc plus de 50 mm en 20 ans. Le plus inquiétant étant la forte accélération du phénomène au cours des dernières années.

Michel Alberganti

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La glace de l’Arctique fond beaucoup plus vite que prévu

Un article publié dans le quotidien anglais The Guardian le 11 août 2012 révèle que 900 km3 de glace ont disparu de l’océan Arctique par rapport à l’an dernier. Cette donnée révèle un taux de perte de la calotte glaciaire 50% plus fort que celui que les scientifiques prenaient en compte jusqu’à présent. Ce constat provient des mesures effectuées par le satellite CryoSat-2 lancé par l’Agence spatiale européenne (ESA)en 2010, spécialisé dans le mesure de l’épaisseur des glaces polaires. Le volume de glace de mer dans la partie centrale de l’Arctique serait ainsi passée 17 000 km3 au cours de l’hivers 2004 à 14 000 km3 cet hivers, selon les mesures effectuées par le satellite.

Plus aucune glace en été

A ce volume réduit en hivers, s’ajoute une fonte plus forte en été. Seymour Laxon, chercheur du Centre pour les observations et les modélisations polaires (CPOM) à l’Université College London (UCL) qui traite les données fournies par CyoSat-2, indique que “les analyses préliminaires montrent que le taux de réduction du volume de glace en Arctique semble beaucoup plus élevé que prévu”. Selon The Guardian, il ajoute: “Très bientôt, nous pourrions vivre ce moment symbolique où, un jour d’été, les images satellites ne montreront plus aucune glace sur l’Arctique, juste de l’eau liquide”.

Moins 50% en 8 ans

Déjà, les glaces de mer en été sont passées d’un volume de 13 000 km3 en 2004 à 7 000 km3 en 2012, soit une réduction de près de 50% en 8 ans. A la vitesse de 900 km3 de glace fondue de plus chaque année, il faudrait moins de 10 ans pour atteindre la disparition totale des glace en été. Seymour Laxon a beau appeler à la prudence en raison du caractère préliminaire des résultats de CryoSat ainsi que d’éventuelles modifications de l’évolution du taux de fonte au cours des prochaines années, il est difficile de ne pas constater que ces nouvelles mesures vont dans le sens des précédentes. Toutes les prévisions concernant l’évolution de la calotte glaciaire arctique se sont révélées trop optimistes, c’est à dire qu’elles ont sous-estimé le phénomène, preuve que les modèles climatiques actuels ne sont pas bien adaptés au cas particulier des pôles.

Le spectre du méthane

Si les mesures de CryoSat-2 sont confirmées, elles sonneront une nouvelle fois l’alerte au réchauffement climatique. Mais il ne s’agira plus d’un problème pour les générations futures ou pour la fin du siècle. La disparition des glaces couvrant l’Arctique en été pourraient avoir des conséquences très importantes sur le climat et la météo des prochaines décennies. En effet, moins de glace induit un changement d’albédo de la surface terrestre qui favorise son échauffement (la mer ou la terre absorbent plus de chaleur que la glace dont la couleur blanche réfléchit les rayons solaires). Un réchauffement du pôle Nord réduira la différence de température avec l’Equateur ce qui influencera les grands courants aériens (jet stream) en rendant la météo plus instable. Le réchauffement de océans favorisera les relâchements dans l’atmosphère du méthane stocké au fond des océans. Or, le méthane a un impact beaucoup plus fort sur l’effet de serre que le CO2…

Si la glace de l’Arctique est un indicateur du réchauffement climatique, elle en est également un acteur important. Lorsque la Nasa a révélé que 97% de la surface des glaces du Groenland s’est mise à fondre en juillet 2012, certains ont pu comprendre qu’il ne restait que 3% de la surface couverte par les glaces. C’était faux, bien entendu, en 2012…

Michel Alberganti

 

 

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La Terre absorbe encore 50% du carbone émis par l’homme

La Terre, avec ses océans, ses forêts et ses autres écosystèmes, parvient encore à absorber 50% du carbone produit par les activités humaines, en particulier avec la combustion de carburants fossiles comme le pétrole ou le charbon. Ce résultat provient d’une étude publiée le 2 août 2012 dans la revue Nature par des scientifiques de l’université Boulder du Colorado et de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA). Nul doute qu’il s’agit là d’une bonne nouvelle qui démontre les formidables capacités de la Terre pour jouer un rôle d’amortisseur des variations de la composition de l’atmosphère. Ainsi, l’augmentation de l’effet de serre, principal responsable du réchauffement climatique, n’en déplaise aux sceptiques (voir commentaires d’un billet récent), reste décalée par rapport à celle de la concentration de CO2. La mauvaise nouvelle, c’est que 50% du carbone émis… reste dans l’atmosphère. Et toute la question est de savoir pendant combien de temps la Terre va continuer à être capable d’engloutir de telles masses de carbone. Les chercheurs ne répondent pas à cette interrogation mais ils assurent que le phénomène ne peut être éternel. Tout se passe comme si la planète nous donnait un délai de grâce.

Le résultat publié aujourd’hui signifie que l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère (représentée ci-dessus) serait nettement plus forte sans la part de 50% des émissions absorbée par la Terre. Il faut remarquer que ce phénomène s’est fortement accentué. “Par rapport à 1960, la planète absorbe deux fois plus de CO2”, note Ashley Ballantyne, principal auteur de l’étude publiée dans Nature. Pour autant, et le résultat publié aujourd’hui le montre, les scientifiques ne comprennent pas exactement comment la Terre effectue ce travail d’absorption massive et variable en fonction des quantités émises. D’où l’impossibilité de créer de nouveaux puits de carbone avec une garantie sur leur efficacité. “Comme nous ne savons pas pourquoi ni où le processus se produit, nous ne pouvons pas compter dessus, commente Pieter Tans, climatologue de la NOAA. Nous devons clarifier ce qui se passe afin de pouvoir améliorer nos projections sur les futures concentrations de CO2 et notre compréhension de la façon dont le changement climatique va évoluer dans l’avenir”.

Acidification des océans

Les effets de l’absorption du carbone par les océans, estimée au quart des émissions, se traduit par une acidification des eaux qui a des conséquences sur la vie marine, en particuliers sur les écosystèmes des récifs coralliens qui abritent 25% des espèces de poissons répertoriées sur la planète. “Plus les océans s’acidifient, plus il deviendra difficile pour eux d’absorber plus de carbone”, estime Pieter Tans qui précise néanmoins que le ralentissement de ce phénomène n’est pas encore perceptible. Des irrégularités apparaissent néanmoins avec une absorption qui s’est réduite dans les années 1990 avant d’augmenter entre 2000 et 2010. Cette instabilité pourrait être le signe des difficultés croissantes rencontrées par le mécanisme d’absorption. “Si nous conduisons à 150 km/h, la voiture va commencer à trembler et cliqueter en raison d’instabilités et cela signifie qu’il est temps de relâcher l’accélérateur”, explique Jim White, professeur à l’université Boulder. “C’est la même chose pour les émissions de CO2”.

La courbe de croissance de la concentration en CO2 sur une longue période (courbe de gauche) laisse néanmoins craindre que le moment pour les océans seront saturés en CO2 pourrait arriver assez vite. Les courbes ne laissent pas apparaître le moindre signe d’inflexion malgré la multiplication des “sommets de la Terre” au cours des dernières décennies. En 2010, 33,6 milliards de tonnes de CO2 ont été rejetées dans l’atmosphère et, en 2011, 34,8 milliards de tonnes. A ce rythme, la concentration en CO2 devrait atteindre les 400 parts par million (ppm) en 2016, contre 394 ppm aujourd’hui. Avant l’ère industrielle, cette valeur était de 280 ppm. Entre 1959 et 2010, 350 milliards de tonnes de carbone ont été relâchées dans l’atmosphère, ce qui correspond à environ 1000 milliards de tonnes de CO2. La nouvelle étude montre donc que seulement la moitié de cette quantité a été absorbée par la Terre. “Nous constatons déjà un changement climatique, note Caroline Alden, doctorante à l’université de Boulder. Si les puits naturels de carbone saturent, comme les modèles le prédisent, l’impact des émissions humaines de CO2 dans l’atmosphère doublera”.

Michel Alberganti

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Les poissons aussi pètent la nuit…

Le Mérou nègre (Epinephelus morio) très présent dans la baie de Tampa

“En l’attendant je fais des vents des pets des poums”, chantait Serge Gainsbourg dans un titre quasi éponyme. Eh bien, une équipe de chercheurs de l’université de Floride du Sud a réussi à enregistrer un air assez différent. Il s’agit en effet, semble-t-il, du bruit émis par des poissons qui pètent, la nuit, par plus de 40 mètres de fond. Improbable ? Ecoutez plutôt !



Les chercheurs ont réalisé cette découverte par hasard. Ils utilisaient un robot en forme de suppositoire, genre torpille, baptisé “planeur” pour parcourir la baie de Tampa afin d’enregistrer, à l’aide d’un microphone embarqué, les bruits émis par les poissons au rythme d’un échantillon de 25 secondes capté toutes les 5 minutes. L’objectif scientifique était d’utiliser cette cartographie sonore pour mieux situer les différentes espèces de poissons présentes dans la baie et mesurer la température et la salinité de l’eau de mer ainsi que la profondeur.

Vessie gazeuse

Après une campagne de mesures d’une semaine,  les scientifiques ont comparé leurs enregistrements sonores avec les cris connus de différentes espèces de poissons. Ils ont ainsi constaté que les Mérous nègres et les poissons crapauds étaient les plus nombreux dans la baie. Mais le bruit le plus étrange, que les chercheurs ont attribué à des pets, semble provenir de différentes espèces de harengs, dont les menhadens (Brevoortia tyrannus). Ces pets proviendraient d’un organe de flottaison baptisé “vessie gazeuse”.

Étonnant, non?
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Mise à jour du 2 avril 2012:
Contrairement aux apparences qui ont pu en tromper certains, ce billet n’est pas un poisson d’avril. Tout ce qu’il contient provient d’une véritable étude scientifique publiée dans la revue Marine Ecology Progress Series le 8 mars 2012.

Michel Alberganti

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L’attaque des calmars volants

L’annonce qui vient d’être faite par la revue Nature est de celles qui vous forcent à à vérifier la date, au cas où le 1er avril aurait un peu d’avance… Deux océanographes ont présenté ce lundi à l’occasion d’un colloque des conclusions qui risquent de déclencher une soudaine vocation naturaliste chez tout enfant normalement constitué : les calmars peuvent voler.

La plupart du temps, les calmars se déplacent à reculons en expulsant l’eau qu’ils stockent dans la cavité de leur manteaux : c’est une propulsion à réaction, qui marche plutôt bien dans l’eau. Mais quand on passe à un milieu bien moins résistant, l’efficacité devient impressionnante :

flying squids
Démonstration de la brigade aéroportée céphalopode (© Bob Hulse)

Sur cette photo, on voit trois calmars en plein vol plané, et on peut voir que la longueur de leur saut hors de l’eau est fait plusieurs la longueur de leur corps. Il ne s’agit certes pas d’un vol battu comme celui des oiseaux, mais il s’agit bien de calmars volants, comme le sont les poissons volants.

Un gracieux Ommastrephes bartramii au large du japon (© Geoff Jones)

D’après les calcul des chercheurs, ce déplacement aérien permet des économies d’énergie très substantielles : en passant de l’eau à l’air, le calmar multiplie sa vitesse par cinq sans avoir à plus se dépenser. Cela permettrait d’expliquer les migrations de ces animaux, qui jusque là avaient paru plutôt rapides par rapport à leur morphologie. D’autres scientifiques, comme P.Z. Myers, restent sceptiques devant ces spéculations et soupçonnent que ces sauts hors de l’eau relèvent peut-être plus de la fuite ponctuelle hors de portée d’un prédateur que de l’expédition migratoire.

Ce débat rappelle qu’il y a encore beaucoup à apprendre sur la façon dont les calmars optimisent leur locomotion amphibie, en particulier grâce à leurs tentacules et aux membranes qui les relient. Le phénomène est plutôt difficile à observer dans la nature, mais les chercheurs savent déjà qu’ils reproduisent ce comportement en captivité. En effet, les scientifiques ayant à travailler avec ces espèces ont remarqué que si le niveau d’eau de l’aquarium est trop haut, on trouve des calmars morts autour de l’aquarium le matin…

Un autre aspect remarquable de cette étude est son exploitation de données non professionnelles : les chercheurs ont utilisé entre autres des photos prises par des touristes pour documenter leur analyse. Grâce à la démocratisation d’un matériel photographique longtemps réservé à un petit nombre, il est possible d’exploiter des images prises en rafale automatique pour obtenir des estimations fines, par exemple de la vitesse de vol des calmars.

Source :

Squid Rocket Science, R. O’Dor et J. Steward, présentation à l’Ocean Sciences Meeting, 20 février 2012.

Squid can fly to save energy, Jessica Marshall, Nature News, 20 février 2012.

Bonus Le dessinateur Randall Munroe avait mesuré tout le potentiel des céphalopodes volants, et le danger qui va avec… Ce sont les plus intelligents des mollusques, ils ont des tentacules très agiles, peuvent projeter de l’encre et se déplacent à reculons. Leurs pupilles en W voient la lumière polarisée et ils peuvent changer leurs couleur et leurs motifs pour communiquer ou se camoufler. Il ne reste plus qu’à les dresser pour faire peur aux physiciens.

Une bonne raison de ne pas embêter les biologistes

 

 

 

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Ainsi fond, fond, fond la banquise

La question risque de devenir un des leitmotive des étés à venir. Non pas le traditionnel “Y aura-t-il de la neige à Noël ?” mais bien “Y aura-t-il de la banquise en septembre ?” Septembre, c’est la fin de l’été et le moment de l’année où la glace de mer, dans l’Arctique, atteint son minimum d’extension, recouvre le moins de surface. Et, depuis quelques années, des climatologues scrutent attentivement, via des satellites, la fonte de la banquise, notamment depuis cette année 2007 où le minimum a battu tous les précédents records : avec 4,8 millions de kilomètres carrés, le cru 2007 a pulvérisé le minimum de 5,57 millions de km2 établi seulement deux ans auparavant, en 2005. La moyenne de référence, établie sur les mois de septembre des années 1979-2000, est de 7 millions de km2. Et pour ce qui est de 2011, la courbe de fonte est depuis la mi-mai inférieure ou égale à celle de 2007, comme on peut le voir ci-dessous.

Au cours des deux premières semaines du mois de juillet, la fonte s’est avérée particulièrement rapide avec une perte, en moyenne, de 124 000 kilomètres carrés par jour, soit quasiment la surface d’un pays comme la Grèce. Au-dessus du pôle Nord, la température était en moyenne de 6 à 8°C plus haute qu’à l’ordinaire. Cela ne signifie pas pour autant que le record de 2007 sera battu. Seize groupes de chercheurs ont fourni leurs prévisions pour le mois de septembre et seulement trois d’entre eux estiment que le record tombera. Les chiffres avancés vont entre 4 et 5,5 millions de kilomètres carrés. La glace de mer ne fait pas que se réduire en superficie : les données enregistrées par des sous-marins militaires pendant quarante ans ont montré que, pendant la décennie 1990, le “pack” avait perdu 40 % de son épaisseur par rapport aux années 1958-1976.

Certains considèrent que la fonte de la banquise arctique comporte bien des avantages, en libérant les côtes des glaces, voire en ouvrant les passages maritimes le long des côtes nord du Canada (passage du Nord-Ouest) ou de celles de la Sibérie (passage du Nord-Est) et en facilitant, à terme, la future exploitation des gisements de pétrole arctiques… Ce faisant, ils oublient deux choses. La première est que des espèces animales, comme les phoques ou les ours polaires, doivent leur survie à la banquise et qu’il est peu probable qu’ils aient le temps de s’adapter à sa diminution rapide. Mais après tout, on peut les sacrifier sur l’autel du développement économique de la région… Le second élément est un peu plus problématique : l’Arctique est une sorte de régulateur climatique et le déséquilibrer, par la disparition progressive de la banquise, enclenche une série de cercles vicieux. La glace, blanche, se comporte comme un miroir vis-à-vis des rayons du Soleil et en reflète environ 80 %. Dès que la glace disparaît, c’est l’océan sombre que les rayons du Soleil touchent et 90 % d’entre eux sont absorbés par l’eau, qui se réchauffe, fait fondre plus de glace, etc. L’océan étant plus chaud, l'”été” arctique est de plus en plus long et les nouvelles glaces se forment en moyenne un peu plus tard dans la saison.

Mais ce n’est pas tout. L’Arctique constitue un acteur majeur du climat, en étant un des moteurs de la circulation océanique. Les grands courants mondiaux sont entretenus par les différences de température et de salinité de l’eau. Ainsi, l’Arctique refroidit les eaux chaudes du Gulf Stream, qui donnent à l’ouest de l’Europe son climat tempéré, et les renvoie le long de la côte est américaine, avec quelques degrés en moins. En jouant à la fois sur la température et la salinité de l’eau de mer, la fonte de la glace risque d’enrayer le moteur de la circulation thermohaline. Autres effets indésirables : les répercussions sur les terres voisines, et notamment sur le Groenland, qui supporte une calotte glaciaire dont la disparition provoquerait une hausse de plusieurs mètres du niveau des océans. Puisque l’Arctique est la région du monde la plus sensible au réchauffement climatique qui y connaît un effet d’amplification, on peut également citer la possibilité que les sols gelés du Grand Nord canadien et de la toundra sibérienne se réchauffent, libérant le dioxyde de carbone et le méthane, deux gaz à effet de serre, qu’ils retiennent prisonniers. Dernier risque que je citerai, la déstabilisation de l’énorme réservoir de méthane que sont les clathrates, de fines cages de glace contenant du méthane, qui reposent en grande quantité au fond de l’océan glacial Arctique…

La fonte de la banquise n’est donc pas une simple lubie de climatologues. C’est un risque avéré d’emballement du réchauffement climatique. Il y a un an, face à une vague de phénomènes météorologiques extrêmes, je mettais les pieds dans le plat en disant que, même si les chercheurs restaient encore très (trop ?) prudents pour mettre un nom sur les choses, on commençait à voir le vrai visage du réchauffement. Je pourrais probablement réécrire l’article en mettant, à la place de la canicule russe, la vague de chaleur intense que connaissent les Etats-Unis. Sur la carte ci-dessous, chaque point rouge figure un record de chaleur battu ou égalé dans ce pays depuis le début du mois de juillet.

Voilà. Cette carte ainsi que le graphique que j’ai inséré au début de ce billet donnent un visage à ce que seront probablement la plupart de nos futurs étés. Certes, en France, nous avons eu un mois de juillet pourri. Mais il serait peut-être temps de voir les choses de manière un peu plus globale. De la même manière, la fonte de la banquise arctique n’est pas qu’une histoire d’ours polaires, cela concerne le climat de la planète tout entière.

Pierre Barthélémy

 

klde km2
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Peut-on contrer un tsunami ?

Depuis le séisme japonais du 11 mars dernier, j’ai beaucoup écrit sur le tsunami (ici, et ), en tâchant d’évoquer différents aspects du phénomène. Malgré cela, j’ai omis de mentionner la première remarque que je me suis faite en regardant les images de la catastrophe, quasiment en direct, ce vendredi 11 mars : c’était la première fois que je voyais un tsunami en action, dans ce qui semblait une inexorable marche dans ces champs de la campagne nippone. C’était, vue d’hélicoptère, une vague noire infatigable, déjà jonchée de débris, comme une longue cape de mort qui glissait silencieusement sur les serres et les routes, emportant comme fétus de paille autos, camions, voiliers, cargos, maisons et, malheureusement, les hommes. Lors du grand tsunami du 26 décembre 2004 dans l’océan Indien, qui avait avant tout frappé l’Indonésie, les vidéos qui nous étaient parvenues étaient rares, prises du sol et d’assez mauvaise qualité. Le 11 mars, la télévision nippone avait, elle, les moyens de filmer cet événement exceptionnel. Pour l’histoire et, je suis prêt à le parier, pour la science car chercheurs et ingénieurs se serviront de ces images pour mieux comprendre la mécanique du phénomène sur les côtes et à l’intérieur des terres.

Au début de cette deuxième vidéo, l’hélicoptère survole l’océan et on distingue parfaitement le train d’ondes qui s’avance vers la côte :

Les vidéastes amateurs ont aussi, avec des moyens plus rudimentaires, contribué à la couverture de l’événement. Ici, le tsunami vécu en direct par un automobiliste dans son véhicule. On peut imaginer que si la vidéo est sur Youtube, le (ou les) occupant(s) de la voiture a (ont) pu s’en sortir :

Là, on touche du doigt la petitesse de l’homme et la fragilité de sa technologie. On a en effet tendance à l’oublier mais un seul mètre cube d’eau pèse exactement une tonne, soit plus qu’une voiture moyenne… Quand on sait que ce tsunami s’est répandu sur plus de 400 kilomètres carrés, ce sont probablement des centaines de millions de tonnes d’eau, voire des milliards, qui ont participé à l’inondation. Les petites digues de cette ville sont submergées en un rien de temps :

On n’a sûrement pas fini de compter les morts ni d’évaluer les dégâts et, de la même manière, il faudra encore du temps pour connaître la hauteur exacte des vagues. D’après le quotidien japonais Yomiuri Shimbun, cité par 20minutes.fr, une première étude parle d’une hauteur d’au moins 23 mètres, soit la taille d’un immeuble moderne de 8 étages (rez-de-chaussée compris), ce qui est plus élevé que les immeubles haussmanniens à Paris, dont les plus grandes façades ne devaient pas dépasser les 20 mètres. On comprend que, le 11 mars, des vagues pareilles aient eu raison des digues les plus imposantes, comme celle de Taro, une localité appartenant à la ville de Miyako et qui, déjà frappée par deux tsunamis en 1896 (et pas en 1895 comme indiqué par erreur dans la vidéo qui suit) et 1933, avait cru être protégée en élevant une digue en forme de X de 10 mètres de haut. Cela n’a pas servi à grand chose, comme on peut le voir dans ce reportage :

Dans un article publié le 13 mars, le New York Times rappelait que 40% des côtes nippones étaient protégées par des digues ou des môles, censées les prémunir des grosses vagues, des typhons et, dans le pire des cas, des tsunamis. L’événement du 11 mars montre que, dans le cas d’un tsunami exceptionnel, il s’agit d’une protection illusoire. Autant les constructions ont plutôt bien résisté à un des séismes les plus importants qu’ait connus la planète, grâce aux normes parasismiques en vigueur au pays du Soleil levant, autant rien n’était vraiment dimensionné pour faire face à l’arrivée d’un train de vagues colossales, comme on a pu le voir avec la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Nul doute que le débat sur l’utilité des digues se tiendra lorsque les Japonais auront pansé leurs plaies.

L’alternative est assez simple : construire des digues encore plus hautes, sans avoir l’assurance que le prochain tsunami ne s’en jouera pas, ou bien faire preuve de modestie, constater son impuissance face à ces cataclysmes naturels extrêmes et consacrer cet argent à des systèmes d’alerte et d’évacuation des populations plus performants. Car avec moins de 15% de plaines sur son territoire, le Japon a concentré plus de 100 millions de ses habitants sur les littoraux et ne les fera pas déménager dans les montagnes. Et l’on peut être sûr que, dans cet archipel à la forte sismicité, il y aura d’autres tsunamis.

Pierre Barthélémy

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