Le scarabée bousier marche droit grâce à la Voie Lactée

La vie d’un scarabée bousier évoque celle de Sisyphe. Éternellement, il fait rouler des boulettes d’excréments pour aller les enterrer dans son garde-manger souterrain. De façon surprenante, il parvient à se déplacer en ligne droite en pleine nuit. La performance est d’autant plus remarquable que l’insecte la réalise tout en poussant une boulette et en marche arrière, comme le montre la vidéo ci-dessous. Comment prend-il ses repères ? Quel GPS le guide ?

La lumière de la Lune

La question tourmente une équipe de chercheurs de l’université de Lund, en Suède, depuis des années. La biologiste Marie Dacke avait déjà publié un article dans la revue Nature le 3 juillet 2003 dans lequel elle révélait que les scarabées bousiers utilisent la lumière polarisée provenant de la Lune pour se déplacer ainsi en ligne droite. Ceci malgré la puissance extrêmement faible d’une telle lumière. Dans un nouvel article paru le 24 janvier 2013 dans la revue Current Biology, Marie Dacke, associée à Emily Baird, Marcus Byrne, Clarke Scholtz et Eric Warrant, expliquent leur nouvelle découverte : la lumière des étoiles, en particulier celles provenant de la Voie Lactée, sert aussi de GPS aux insectes coprophages.

Les étoiles de la Voie Lactée

En effet, contrairement à ce qu’induisait la seule hypothèse de la Lune, le scarabée bousier se déplace également sans problème par une nuit sans Lune mais dont le ciel est constellé d’étoiles. Toutes les étoiles sont-elles utilisées ? Les chercheurs ont réalisé des tests dans lesquels ils ont masqué tout le ciel sauf la Voie Lactée. Pas de problème pour le rouleur de billes fécales. Mais lorsqu’ils ont masqué la Voie Lactée, plus de guidage, panne de GPS. Finie, la belle ligne droite. Pour les chercheurs, la plupart des étoiles ne sont pas assez lumineuses pour servir de point de repère aux scarabées. Mais la Voie Lactée, elle, brille suffisamment. La Lune aussi, lorsqu’elle est présente. Les pousseurs de boules odorantes disposent donc de plusieurs GPS célestes.

Toujours est-il que ce sont les premiers insectes capables d’une telle navigation. Jusque là, les spécialistes pensaient que seuls les hommes, les phoques et les oiseaux savaient utiliser les étoiles pour se diriger. Il faut donc ajouter le scarabée bousier à cette courte liste. On peut se demander pourquoi ces insectes ont développé un instrument de navigation aussi sophistiqué et si précis qu’il lui permet n,on seulement de se diriger mais aussi de se déplacer en ligne droite. La réponse réside peut-être dans une caractéristique sociale des bousiers. En effet, ils sont prompts à chiper la boule de leur voisin. Pour mettre à l’abri le plus vite possible son butin fécal, le scarabée a sans doute également compris une autre règle que les hommes connaissent bien: la plus courte distance entre deux points…

Michel Alberganti

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Pourquoi l’homme ne galope pas…

Oui, pourquoi l’homme ne galope-t-il pas ? Une réponse hâtive serait sans doute : “Parce qu’il n’a que deux jambes…”. Trop hâtif pour trois chercheurs des universités d’Anvers et de Gand. “Le saut unilatéral et le galop bipède sont des types de démarche que les humains sont capables d’effectuer”, assurent Pieter Fiers, Dirk De Clercq et Peter Aerts dans l’article publié par le très sérieux Journal of Experimental Biology du 13 décembre 2012. “Contrairement à de nombreux animaux, qui préfèrent le galop comme leur course rapide, le galop bipède humain ne se produit que dans des conditions très particulières, comme la descente de la pente d’une colline”. Étonnant, en effet…

12 volontaires au galop

Pour en avoir le cœur net, les scientifiques belges se sont lancés dans une expérience scientifique permettant d’examiner la mécanique des membres inférieurs de l’être humain et d'”explorer les possibles raisons pour lesquelles des humains n’optent pas spontanément pour le galop pour leur déplacement en régime stable  sur terrain plat”, précisent les auteurs. Afin de tirer ce mystère au clair, les chercheurs ont fait appel à 12 volontaires auxquels ils ont demandé de courir et de galoper à la vitesse de leur choix. Pendant ce temps, ils ont enregistré une série de données cinématiques et cinétiques ainsi que les valeurs du travail mécanique produit par les jointures des membres inférieurs (hanche, genou cheville). Grâce à cette analyse, les scientifiques ont pu découvrir que les principales différences entre la course et le galop se situent au niveau de la hanche.

En effet, le galop, du fait de sa configuration asymétrique, induit des actions de la hanche et des positions des pieds différentes. A ce stade, il est bon de rappeler la définition du galop. Pour ceux qui ne sont pas familiers de cette démarche, il s’agit d’une “allure sautée, basculée, diagonale et asymétrique à trois temps inégaux suivis d’une phase de projection”. Les scientifiques belges notent que “la jambe trainante freine le corps dans la direction verticale mais le propulse vers l’avant tandis que la jambe qui mène agit en sens opposé”. Cela se complique donc un peu. D’autant que les chercheurs ajoutent que “bien que chaque jambe conserve l’énergie mécanique en échangeant l’énergie mécanique externe avec l’énergie potentielle élastique, l’orientation spécifique de la jambe entraine plus de dissipation et de production d’énergie dans le galop que la course“. Dont acte…

Les chercheurs belges ont installé sur la piste d’essai de 30 mètres des capteurs pour mesurer les forces exercées par les pieds des volontaires équipés, par ailleurs, d’un système de capture de mouvements en trois dimensions qui a permis de réaliser un modèle numérique animé du galop bipède (vidéo ci-dessus). Tous comptes faits, le galop consomme donc plus d’énergie que la course pour un être humain. Nous voilà rassurés. Imaginons que les chercheurs aient découvert que nous aurions tout intérêt à galoper… Nous aurions soudain dû admettre quelques millions d’années d’erreur.

Il existe toutefois de rares exceptions. Ainsi, les Chevaliers de la table ronde, revus par les Monty Python (Sacré Graal), n’hésitaient pas à galoper au son de noix de coco…

Michel Alberganti

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Les changements climatiques ont stimulé l’évolution du genre Homo

Et si les changements climatiques du passé avaient joué un rôle important dans l’évolution de nos ancêtres au cours des deux derniers millions d”années ? Telle est la thèse soutenue par trois chercheurs, Katerine Freeman, professeur de géoscience et Clayton Magill, docteur en géosciences, à l’université de Pennsylvanie et Gail Ashley, professeur de sciences de la Terre à l’université Rutgers. Dans un article publié le 24 décembre 2012 dans la revue PNAS, ils suggèrent qu’une succession de rapides changements environnementaux auraient dirigé l’évolution humaine à cette époque.

Dans les sédiments d’un ancien lac

Les chercheurs ont étudié la matière organique préservée par les sédiments d’un ancien lac dans les gorges d’Olduvai, sur le versant ouest de la vallée du Rift, au nord de la Tanzanie. Ce lieu qui fait l’objet de recherches depuis 1931, est parfois considéré comme le berceau de l’humanité, en raison des nombreux témoignages de la présence de groupes humains préhistoriques dans cette région.

5 ou 6 changements d’environnement en 200 000 ans

“Le paysage dans lesquels les premiers hommes vivaient ont basculé rapidement de la forêt fermée à la prairie ouverte de 5 à 6 fois au cours d’une période de 200 000 ans”, indique Clayton Magill.  “Ces changements se sont produits de façon très brusque avec des transitions ne durant que quelques centaines ou quelques milliers d’années”, précise-t-il. Pour Katherine Freeman, la principale hypothèse suggère que les changements provoqués chez l’homme par l’évolution pendant ces périodes sont liés à cette modification constante de leur environnement et a un important changement climatique. “Alors que certains pensent que l’Afrique a subi un “grand assèchement” progressif et lent pendant 3 millions d”années, les données que nous avons recueillies montrent une absence de progression vers la sécheresse et, au contraire, un environnement extrêmement variable”, déclare-t-elle. Des périodes humides longues auraient alterné avec des périodes plus sèches.

La vie est plus difficile dans les périodes de changement que dans celles de stabilité. Clayton Magill note que de nombreux anthropologues considèrent que ces modifications de l’environnement pourraient avoir déclenché des développements cognitifs. Le bon sens conduit à la même conclusion. Soumis à des situations nouvelles, toutes les espèces vivantes doivent relever le défi : s’adapter ou disparaître. L’homme étant toujours là, il n’est pas incongru de penser… qu’il s’est adapté.

Plusieurs passages de la forêt à la prairie

“Les premiers humains ont dû passer d’une situation où ils ne disposaient que d’arbres à une autre où ils n’avaient plus que de l’herbe en seulement 10 à 100 générations et ils ont donc été conduit à modifier leur régime en conséquence”, indique Clayton Magill. Changement de nourriture disponible, changement de type de nourriture à manger, changement de façon d’obtenir la nourriture, autant de puissants déclencheurs de l’évolution. Seuls les plus malins, comme d’habitude, ont survécu. Sans doute grâce à un cerveau plus gros et, donc, à des capacités cognitives supérieures, ainsi que des modes de locomotion nouveaux et des organisations sociales différentes. “Nos données sont cohérentes avec ces hypothèses. Nous montrons que les variations rapides de l’environnement coïncident avec une période importante de l’évolution humaine lorsque le genre Homo est apparu pour la première fois avec les premières preuves de l’usage d’outils”, explique le chercheur.

Pour parvenir à ces conclusions, l’équipe de scientifiques a analysé la matière organique, les microbes et les autres organismes piégés dans les sédiments depuis 2 millions d’années dans les gorges d’Olduvai. En particulier, ils se sont intéressés à certains biomarqueurs, des molécules fossiles provenant du revêtement en cire des feuilles qui survit particulièrement bien dans les sédiments. Ensuite, la chromatographie gazeuse et la spectrométrie de masse leur ont permis de mesurer l’abondance relative des types de cires liés à différents isotopes du carbone. Ils ont ainsi pu détecter les transitions entre les environnement riches en arbres et ceux où seule l’herbe subsistait.

Sur une période de deux millions d’années, de nombreux facteurs interviennent. Comme l’évolution de l’orbite de la Terre qui influence les régimes de mousson en Afrique ou les durées d’ensoleillement qui agissent sur la circulation atmosphérique et l’apport en eau. Autant que paramètres dont les chercheurs ont dû tenir compte dans leurs modèles mathématiques.

Cela nous rappelle quelque chose…

Un tel travail nous ramène forcément à la situation que nous sommes en train de vivre aujourd’hui même. Nous aussi sommes confrontés à un changement climatique rapide. De nombreuses espèces vivantes en font et en feront les frais, faute de capacités d’adaptation suffisantes. Et l’homme ? Le réchauffement climatique actuel est le premier dont l’humanité a conscience pendant qu’il se produit. Pour la première fois, l’homme a même la sensation de pouvoir agir sur ce phénomène auquel son activité sur Terre contribue. Mais cela changera-t-il quelque chose ? Pourrons-nous prolonger la période climatique stable qui a prévalu sur la planète pendant la révolution industrielle ? Ou bien faut-il nous préparer à évoluer pour nous adapter ?

Michel Alberganti

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Dans le Tarn, des poissons-chats pratiquent la chasse aux pigeons

Qui les connaît, surtout s’il est pêcheur, n’a guère de sympathie pour les poissons-chats. Outre leur aspect peu esthétique de prime abord, les Ameiurus melas et autres Silurus glanis, avec leur 6 barbillons et leurs trois épines aux piqûres douloureuses, ont la désagréable habitude de dépeupler les eaux de leurs autres habitants. Ils se nourrissent en effet essentiellement de poissons. Et ils grossissent très rapidement. Le Silure glane peut atteindre 1 à 2 mètres de long, voire 2,5 mètres, et peser jusqu’à 100 kg. Espèce invasive, les étangs et autres cours d’eau qu’ils investissent ne laissent rapidement aux pêcheurs d’autres possibilités que d’abandonner les gardons et les brèmes pour se résoudre à pêcher… des poissons-chats.

La voracité de ces envahisseurs est telle que cette pêche peut se révéler sportive. Une voracité que l’étude publiée dans la revue PLOS One du 5 décembre 2012 par Julien Cucherousset, biologiste du CNRS à l’université de Toulouse, confirme au delà de ce que l’imaginait jusqu’à présent. Avec son équipe, il a étudié les pratiques de chasse au pigeon de ces prédateurs d’eau douce.

Les scientifiques rappellent d’abord plusieurs stratégies de captures des carnassiers dont la fameuse technique des crocodiles pour sauter à la gorge des gazelles ou des gnous en Afrique. Difficile de ne pas y penser lorsque l’on observe la technique des poissons-chats vis à vis des pigeons.

L’équipe de Julien Cucherousset a analysé 24 scènes de chasse dans le Tarn, rivière dans laquelle les poissons-chats ont été introduits en 1983. De 1 à 9 poissons-chats de 90 cm à 1,5 mètre de long chassaient tandis que, sur la berge, un groupe de pigeons était venu boire et faire toilette. Les chercheurs ont ainsi analysé et filmé 54 attaques de silures sur les pigeons. Dans 28% des cas, le poisson a capturé l’oiseau sur la terre, est retourné dans l’eau et l’a avalé. Une seule fois, le poisson est entièrement sorti de l’eau, mais sans succès. Dans environ 40% des attaques, plus de la moitié de la longueur du corps du poisson-chat est sorti de l’eau. Dans tous les cas, l’assaut a été rapide puisqu’il a duré de 1 à 4 secondes. Les chercheurs ont remarqué que seuls les pigeons en mouvement étaient attaqués, même lorsque l’un d’entre eux était plus proche mais restait immobile. La vue du poisson-chat n’est pas son point fort. Il semble ainsi que ce soit plutôt leurs barbillons détectant les vibrations de l’eau qui les guident.

Pour tenter d’évaluer la part prise par les pigeons dans l’alimentation des poissons-chats, les chercheurs ont analysé la chair de 14 d’entre eux mesurant entre 90 cm et 2 mètres. Ils ont ainsi découvert une grande dispersion dans la part des volatiles dans le menu des poissons. Il semble donc qu’il s’agisse d’une pratique de certains individus seulement. En revanche, le pigeon se substitue au poisson dans le régime. Cette chasse, coûteuse en énergie, est-elle causée par un manque de nourriture aquatique ou bien par l’attrait du goût du volatile ? L’étude ne répond pas à cette question. Néanmoins, la taille semble jouer un rôle. Celle des chasseurs de pigeons varie entre 90 cm et 1,5 mètre lorsque celle de l’échantillon total observé va de 90 cm à 2 mètres. Cela pourrait indiquer que les plus gros poissons sont moins habiles chasseurs sur terre.


La découverte de l’équipe de Julien Cucherousset apparaît comme totalement inédite. Elle induit d’autres questions concernant l’impact de la part de nourriture terrestre sur la capacité invasive de l’espèce. Sur le plan écologique, la chasse aux pigeons des poissons-chats interroge sur leur équilibre avec les ressources de leur milieu. Sont-ils trop nombreux par rapport aux poissons ? Leurs proies aquatiques sont-elles devenues moins nombreuses, peut-être à cause, justement, de l’augmentation de la population de poissons-chats ?

Ce dont les chercheurs sont sûrs, à ce stade, c’est qu’ils ont observé un cas assez extraordinaire d’adaptation d’une espèce à son milieu. Une pratique entièrement nouvelle a été développée par les poissons-chats, malgré la difficulté. Cela montre une espèce en pleine évolution. Mais la chasse au pigeon est sujette à l’absence d’évolution… des pigeons eux-mêmes. Combien de temps leur faudra-t-il pour apprendre à se méfier de l’eau qui ne dort qu’en apparence ?

Une autre vidéo, glanée sur Flickr, montre, ci-dessous, que la prochaine victime des poissons-chats pourrait bien être le canard. Un futur sujet d’étude, peut-être, pour les chercheurs toulousains.

La revanche de l’oiseau :

Michel Alberganti

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L’Ircam nous invite à découvrir une véritable Matrice sonore (Vidéo)

Aimer la musique, c’est, d’abord, être sensible au son. A tous les sons. Au bruit même. Mais dans la vie, l’essentiel du sonore est nuisance. On se protège plus du son qu’on ne l’écoute. Sauf lors d’un concert. Là, soudain, le silence d’abord, ce grand absent de la ville, s’installe. Rupture. Et puis, le son naît. D’une pureté douloureuse, presque, au début, tant il faut convaincre notre cerveau de l’accepter, de le laisser nous pénétrer.

L’expérience sonore peut transporter dans un autre monde plus surement que toute autre. Il suffit de fermer les yeux pour entrer dans l’univers parallèle créé par le compositeur. A quelques imperfections près. Ce monde parallèle n’en est est pas vraiment un. Les limites de la technologie brident le son et, de l’univers rêvé, ne nous parvient que des pans, des bribes, des traversées, parfois, au mieux.

Mais que se passerait-il si ces imperfections disparaissaient ? Si l’autre monde était aussi parfait que celui de la Matrice ? Avec tous ses volumes, ses angles, ses raclements, ses brisures, ses échos et ses étouffements, ses émergences et ses effondrements, ses voix d’un au-delà qui serait bien là ? A portée de la main, au sens propre. Un son qui peut naître au milieu des spectateurs avant de s’évanouir pour ressurgir là-bas, tout près ou au loin. Un son libre dans l’espace tout entier d’une salle. Le compositeur devient alors l’architecte de sa musique.  Il rejoint le sculpteur, autre maître de l’espace. Alors, sans doute, serions-nous vraiment transportés ailleurs, aussi surement qu’avec ce que promet la téléportation.

Bien sûr, il faudra laisser le temps à nos neurones ancestraux d’apprendre à voyager, les oreilles grandes ouvertes, dans ce nouvel espace. “A l’origine, l’audition spatiale servait essentiellement à nous prévenir d’un danger pouvant surgir derrière nous ou hors de notre vue”, rappelle Huges Vinet, directeur de la recherche et développement de l’Ircam. Depuis, les choses ont empiré. Si les risques de danger sont plus faibles, c’est du son lui-même, du bruit, que nous avons appris à nous protéger. Tout un nouveau parcours est donc nécessaire.

Eh bien, un tel voyage initiatique dans une Matrice sonore est désormais possible. Le 29 novembre 2012, le grand public pourra le découvrir dans les entrailles de l’Ircam, à Paris lors de l’inauguration du nouveau système de spatialisation, l’aboutissement d’une dizaine d’années de travail. L’installation est sans doute unique au monde en raison de l’association, dans le même espace, de deux systèmes : le Wave Field Synthesis et l’Ambisonique.

Pour Globule et Télescope, Hugues Vinet présente la nouvelle installation de l’Ircam. Le fondateur des lieux, Pierre Boulez, peut être fier de cette réalisation qui permet de nous projeter dans ce que sera l’univers sonore des salles de concert bientôt, des salles de cinéma demain et de nos voitures et salons, après-demain.

Pour assister à la soirée d’inauguration, le 29 novembre 2012, à 19 heures :
www.ircam.fr/eac.html
Accès gratuit sur réservation au : 01 44 78 12 40
Lieu : Ircam, 1 place Igor-Stravinsky, 75004 Paris – Métro Hôtel de ville, Rambuteau, Les Halles ou Châtelet

Michel Alberganti

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Les femmes sont plus stressées par la lecture des mauvaises nouvelles

Étonnant résultat de l’étude réalisée par une doctorante canadienne, Marie-France Marin du Centre d’études sur le stress humain de l’Hôpital Louis-H. Lafontaine (CESH) de l’université de Montréal, et publiée dans la revue PLOS One, le 10 octobre 2012.  Lorsque l’on donne à lire de mauvaises nouvelles publiées dans la presse, la sensibilité au stress des femmes augmente alors que ce n’est pas le cas chez les hommes. Cette découverte est d’autant plus intéressante qu’elle ne révèle pas une différence de réaction immédiate des participants à cette lecture mais postérieure. Après avoir lu de mauvaises nouvelles, les femmes et elles-seules, seraient plus vulnérables à des situations stressantes. La leçon, Mesdames, est claire : évitez les rubriques “catastrophes” ou faits divers, qui sont en général des faits criminels, des journaux. L’étude ne dit pas si ce type de nouvelles diffusées à la télévision ont le même effet. Mais, à la lire, on peut penser que c’est le cas.

60 participants des deux sexes

Marie-France Marin et son équipe sont partis du constat que nous sommes de plus en plus bombardés par les mauvaises nouvelles transmises par les médias de masse. Mais mesurer l’impact sur le cerveau de ce matraquage négatif n’est pas simple, comme le démontre le protocole assez complexe de l’étude.

Les chercheurs ont rassemblé 60 participants divisés en 4 groupes qui ont tous lu des résumés de nouvelles récentes publiées dans la presse. Un groupe de femmes et un groupe d’hommes ont lu des informations neutres (ouverture d’un nouveau jardin public, première d’un film…). Un autre groupe d’hommes et un autre groupe de femmes ont lu des nouvelles négatives (accidents, meurtres…). A chaque étape de l’expérience, les chercheurs ont prélevé des échantillons de salive sur les participants. “Quand notre cerveau est confronté à une situation qui provoque de la peur, notre corps produit des hormones du stress qui pénètrent dans le cerveau et peuvent agir sur la mémorisation des événements effrayants ou stressant”, explique Sonia Lupien, directrice du CESH et professeur au département de psychiatrie de l’université de Montréal. “Cela nous a conduit à penser que la lecture de nouvelles négatives peut stimuler une réaction de stress”. C’est le taux de l’une des hormones du stress, le cortisol, qui est mesuré sur les prélèvements de salive des participants.

Une plus grande sensibilité au stress

Après la lecture, l’exercice mental. Les participants ont dû effectuer différents tests mettant en jeu la mémoire et le calcul afin de mesurer et de comparer leurs réactions à des situations stressantes (les exercices sont réalisés devant une glace sans tain et commandés par la voix d’examinateurs invisibles). Nouveaux prélèvements de salive. Le lendemain de cette expérience, les participants ont tous été rappelés par téléphone afin qu’ils parlent des nouvelles négatives dont ils avaient gardé le souvenir. En dépouillant les résultats, les chercheurs ont eu une surprise. “Alors que la lecture des nouvelles négatives seule n’avait pas eu d’impact sur le niveau de stress, elle avait rendu les femmes plus réactives en affectant leurs réponses psychologiques à des situations stressantes ultérieures”, note Marie-France Marin.

Pas d’effet sur les hommes

En effet, le niveau de cortisol n’a pas augmenté après la lecture mais il s’est retrouvé nettement plus élevé chez les femmes ayant lu les mauvaises nouvelles après la partie stressante (exercices mentaux) du test. En revanche, cet effet n’était pas présent chez les femmes ayant lu des nouvelles neutres. “De plus, les femmes ont mémorisé plus de détails sur les mauvaises nouvelles”, indique Marie-France Marin. “Il est intéressant de noter que nous n’avons pas observé ce phénomène chez les hommes”. Intéressant, en effet, et intriguant. Les chercheurs n’ont pu percer le mystère. D’autres études seront nécessaires pour l’élucider. Néanmoins, ils ont émis certaines hypothèses.

Un héritage de l’évolution ?

L’une des plus intéressantes concerne l’évolution. Les femmes sont, depuis toujours, particulièrement attentives à la protection de leurs enfants. Le souci de leur survie aurait ainsi affecté l’évolution du système gérant le stress dans leur cerveau. Elles seraient ainsi devenues plus empathiques. La lecture de mauvaises nouvelles déclencherait alors une mise en éveil de la réaction de stress. Comme si le danger, révélé par le journal, pouvait les affecter directement, elles et leur progéniture. Ainsi, dans une situation stressante réelle postérieure à la lecture, leur réaction est plus forte en raison d’une sensibilité exacerbée par l’impact des mauvaises nouvelles.

Il reste à affiner cette analyse en incluant des variantes dans l’échantillon des participants. “D’autres études permettront de comprendre comment le sexe, les différences de génération et d’autres facteurs socio-culturels peuvent affecter la perception, par les participants, de l’information négative dans laquelle nous baignons en permanence”, conclue Marie-France Marin.

Michel Alberganti

 

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L’excitation sexuelle atténue nos sensations de dégoût

Le sexe a longtemps été considéré comme “sale”. Et nombre de pratiques sont encore, parfois, qualifiées de repoussantes, dégradantes ou dégoutantes. Pourtant, il semble que ces jugements, émis en général à froid, ne correspondent pas forcément aux sensations à chaud, c’est à dire sous l’emprise d’une excitation sexuelle. L’étude publiée le 12 septembre 2012 dans la revue PLoS One par Charmaine Borg et Peter J. de Jong, du département de psychologie clinique et de psychothérapie expérimentale de l’université de Groningen, aux Pays-Bas, s’attache à montrer que les sensations de dégoût s’atténuent sous l’effet de l’excitation sexuelle chez les femmes, comme chez les hommes.

Stimulants du dégoût ou dégoût des stimulants

“La salive, la sueur, le sperme et les odeurs corporelles comptent parmi les plus forts stimulants du dégoût”, notent-ils. Et de se demander, dans ces conditions, comment les gens parviennent à ressentir le moindre plaisir dans la relation sexuelle. Pour répondre à cette interrogation fondamentale, puisqu’elle est à la base même de l’acte permettant à l’être humain de se reproduire et dont le moteur est fondé sur la recherche du plaisir, les chercheurs sont partis d’une hypothèse : “l’engagement sexuel pourrait réduire temporairement les sensations de dégoût engendrées par certaines stimulations”. Par ailleurs, ils se sont demandé si la relation sexuelle n’atténue pas l’hésitation à réellement agir face à ces stimulations.

90 femmes, trois groupes

Pour répondre à ces questions, Charmaine Borg et Peter J. de Jong ont réalisé une expérience à l’aide d’un groupe de 90 femmes en bonne santé affectées au hasard à trois groupes : celui des femmes excitées sexuellement, celui des femmes excitées non sexuellement et celui du groupe de contrôle neutre, des femmes non excitées du tout. Des films ont été utilisés pour induire ces trois états (érotique pour le premier groupe, sportif pour le second et touristique pour le troisième). L’ensemble des participantes ont ensuite effectué des tâches comportementales sexuelles, comme la lubrification d’un vibromasseur avec les mains, ou non sexuelles comme la boisson dans un verre de jus de fruit contenant un gros insecte. Le tout pour mesurer l’impact de l’excitation sexuelle sur les réactions de dégoût et les comportements d’évitement des tâches demandées. Ces dernières ne manquaient pas de piment…

Fort Boyard…

Autres exemples : retirer un papier toilette souillé d’un bocal et l’y remettre, manger un morceau d’un biscuit posé à coté d’un ver vivant, tenir un pansement utilisé sur une blessure pendant 5 secondes, frotter une brosse à dent usagée sur sa joue pendant 5 secondes, enfoncer une aiguille dans un œil de vache …  Plus sexe mais tout aussi dégoutant : enfoncer son doigt dans un bol de préservatifs usagés et toucher chacun d’eux, sortir d’un sac et serrer dans ses bras une chemise portée par un pédophile pendant un viol, lire et dire à haute voix: “j’étais si excitée de l’avoir (le chien) en moi”…

Des chercheurs pudiques

Il faut donc reconnaître que les chercheurs n’y sont donc pas allés de main morte. A leur décharge, les tests étaient truqués lorsque nécessaire et possible. Ainsi, la chemise du supposé pédophile était neuve et propre, tout comme la brosse à dents ou les préservatifs. En revanche, le ver était bien vivant et l’œil de vache bien réel, mais les participantes n’avaient, en fait, qu’à le toucher avec le bout de l’aiguille. Néanmoins, les chercheurs ont préféré exclure le détail des épreuves du corps de leur publication et le renvoyer en annexe. Les 16 tâches devaient être effectuées par ensembles de 2, chacun suivi par un clip de 2 minutes destiné à entretenir l’état d’excitation de chacun des trois groupes de femmes.

Résultats

Les chercheurs ont été récompensés de leur peine. Il ont trouvé exactement ce qu’ils imaginaient. D’abord, les femmes du groupe sexuellement excité ont jugé les stimulations à caractère sexuel comme significativement moins dégoutantes que les femmes non excitées et celles du groupe des femmes excitées non sexuellement. En revanche, les jugements de degré de dégoût ont été similaires pour les trois groupes vis à vis des stimulations non sexuelles. Ensuite, pour l’ensemble des tâches sexuelles et non sexuelles, c’est le groupe sexuellement excité qui a effectué le plus grand nombre d’entre elles. Ces résultats corroborent ceux obtenus lors d’une étude précédente avec des hommes, malgré quelques différences dans la procédure de l’expérience.

Vive les préliminaires

Les chercheurs peuvent ainsi confirmer que l’excitation sexuelle, agissant sur la perception subjective du dégoût ainsi que sur les réactions d’évitement des situations induisant ce dégoût, “facilite l’engagement dans une relation sexuelle satisfaisante. En revanche, si l’un des deux partenaires ne parvient pas à cet état d’excitation, cela peut poser problème”. Sur le plan thérapeutique, cette étude peut conduire à aller chercher du coté d’un manque d’excitation sexuelle les problèmes rencontrés par certains couples. Une façon de justifier pleinement le rôle des préliminaires qui ont justement pour objet d’induire cet état d’excitation sexuelle permettant d”éviter les réactions de dégoût ultérieures. Moralité: une fois de plus, on constate que la nature est bien faite et qu’elle a pensé à tout…

Michel Alberganti

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L’égalité des sexes modifie les critères de choix d’un partenaire

Cela n’a rien de vraiment étonnant, mais cela valait la peine de le vérifier. Ne serait-ce que pour être certain que le choix d’un partenaire sexuel ne relève pas uniquement d’un conditionnement généré par l’évolution de l’espèce humaine. L’étude de Marcel Zentner et Klaudia Mitura de l’université de York en Grande-Bretagne, publiée dans Psychological Science, part de l’hypothèse que les influences du comportement forgé au cours de milliers d’années peuvent s’estomper proportionnellement au développement de l’égalité des sexes dans la société.

Hommes riches et femmes jeunes

Traditionnellement, les hommes et les femmes n’utilisent pas les mêmes critères en matière de choix d’un partenaire sexuel. Ces différences sont expliquées par des évolutions distinctes des cerveaux chez les deux sexes. Ainsi, la recherche d’une réussite sur le plan de l’évolution de l’espèce conduit les femmes à satisfaire leur besoin de ressources pour élever leur progéniture. Elles vont donc préférer des hommes capables d’investir dans leurs enfants, c’est-à-dire qui ont les moyens financiers de le faire. Autrement dit, les femmes seraient attirées par les partenaires financièrement aisés. La même recherche conduit les hommes à rechercher avant tout la fertilité de leur partenaire, ce qui les inclineraient à privilégier des partenaires jeunes. Modèle ultra classique donc: les femmes choisissent des hommes riches et les hommes des femmes jeunes.

L’impact de l’égalité homme-femme

Au fil du temps, ces tendances ont été inscrites profondément dans les cerveaux des deux sexes et elles agissent donc inconsciemment quand il ne s’agit pas d’une démarche délibérée. Ce qui arrive parfois… En dehors de toute morale et de tout romantisme, il ne s’agit là que de conditions favorables à la survie de l’espèce. Mais ces réflexes perdurent-ils lorsque la société évolue dans le sens d’une égalité de plus en plus grande entre les hommes et les femmes?

Pour le savoir, les deux chercheurs ont interrogé 3.177 personnes provenant de 10 pays différents à l’aide de questionnaires en ligne. Le choix des pays représentés a tenu compte de l’Index mondial de l’égalité des sexes (Global Gender Gap Index) établi par le Forum économique mondial (La France arrive en 48e position dans ce classement…). L’échantillon va de pays à faible discrimination (Finlande) à des pays à forte discrimination (Turquie). Les participants ont répondu à des questions permettant d’évaluer l’importance qu’ils accordent à certains critères dans le choix de leurs partenaires: avoir de bons revenus, être une bonne cuisinière…

Résultat: Marcel Zentner note que «la différence entre les critères des deux sexes conformes à ceux des modèles psychologiques liés à l’évolution est la plus forte dans les sociétés les plus inégalitaires  et la plus faible dans les sociétés les plus égalitaires». Ce résultat a été confirmé par une seconde étude portant que 8.953 volontaires de 31 pays. La réduction des différences de stratégie de choix des partenaires due à une évolution sociale démontrerait que les critères ancestraux ne sont gravés aussi profondément dans nos cerveaux que les chercheurs le pensaient a priori.

Et si l’évolution privilégiait la capacité d’adaptation?

Rien ne semblerait donc biologiquement programmé de façon définitive en la matière. Pas sûr. «En fait, la capacité à changer nos comportement assez rapidement en fonction d’un changement sociétal pourrait également répondre à un programme d’évolution qui privilégie la flexibilité sur la rigidité», note Marcel Zentner.

De quoi rassurer les tenants d’un déterminisme évolutif supérieur à toute réelle liberté de choix individuelle. Néanmoins, outre les fortes incertitudes qui semblent persister dans ce domaine, il est très rassurant de constater que notre comportement n’est pas uniquement dicté par des instincts ancestraux et qu’il peut être modifié par le contexte sociétal. Cela donne l’espoir de certaines améliorations. Même si ces dernières sont, elles aussi, conformes à des mécanismes programmés par l’évolution.

Michel Alberganti

Mise à jour le 7 septembre : Le choix d’un partenaire sexuel peut-il également obéir à des critères ethniques, religieux ou politiques ? La question est posée par la cinéaste française Yolande Zauberman. Avec son compagnon, l’écrivain libanais Sélim Nassib, elle a réalisé le documentaire “Would You Have Sex with an Arab ?” qui sort en salle mercredi 12 septembre 2012. En voici la bande annonce :

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Trogloraptor, l’extraordinaire araignée aux griffes de rapace

Découvrir une nouvelle espèce d’insectes ou d’arachnides est monnaie courante. Les scientifiques en connaissent un million et ils suspectent qu’il pourrait en exister 5 millions. C’est dire… En revanche, le nombre de familles, la catégorie qui se situe au dessus du genre et de l’espèce, est beaucoup plus faible. Or, un groupe de “scientifiques citoyens” (expression utilisée récemment pour la découverte d’une espèce d’insectes sur… Flickr) et d’arachnologistes de l’Académie des sciences de Californie a bien découvert une nouvelle famille d’araignées… dans des grottes du sud-ouest de l’Oregon. Le lieu, a priori, semble moins se prêter à ce type d’exploration que les forêts inhospitalières de lointaines contrées. Et pourtant !

La nouvelle venue, baptisée Trogloraptor, première représentante de la nouvelle famille des Trogloraptoridae, dispose de tous les attributs pouvant permettre de comprendre l’arachnophobie. En particulier, ses griffes fourchues rappellent fortement celles d’un rapace, d’où le nom de raptor. Difficile de ne pas penser aux Vélociraptors de Michael Crichton popularisés par  Steven Spielberg dans Jurassic Park. Seule sa taille, 4 centimètres de large, n’aurait pu lui permettre de prétendre au casting des dinosaures réincarnés. Mais grâce au microscope électronique, le spectacle est à la hauteur.

Les auteurs de l’article publié dans la revue en ligne ZooKeys le 17 août 2012, Charles E. Griswold, Tracy Audisio et Joel M. Ledford, notent que l’Amérique du Nord est une région riche en matière de diversité des araignées qui la peuplent. On y trouvent 68 familles, 569 genres et 3700 espèces différentes. La Trogloraptor s’inscrit dans la catégorie (clade) des Haplogynes et se rapproche de la famille des Dysderoidea.

Les chercheurs considèrent que la nouvelle famille qu’ils viennent de découvrir, Trogloraptoridae, est la plus primitive vivant aujourd’hui dans ce groupe. L’analyse de ses caractéristiques pourrait remettre en question leur compréhension de l’évolution des araignées au cours du temps. Pour l’instant, la géographie des lieux dans lesquels on trouve la Trogloraptor reste inconnue. Les chercheurs notent que cette découverte stimule la curiosité vis à vis de lieux dans lesquels les araignées sont plus souvent détruites qu’étudiées.

“Si une aussi grosse et étrange araignée a pu rester inconnue pendant si longtemps, qui sait ce qui peut rester tapi dans cette remarquable partie du monde”, concluent-ils. Ah! Ces Américains ! Toujours prompts à considérer leur pays comme la seule merveille de la planète. Mais, après tout, ce sont eux qui ont inventé Spiderman, il y a exactement 50 ans…

Michel Alberganti

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Des moustiques OGM “malaria free”

Le moustique Anopheles (Cellia) stephensi a été génétiquement modifié pour tuer le parasite de la malaria

Les moustiques sont responsables de 300 à 400 millions de cas de malaria (ou paludisme) et de la mort d’un million de personnes par an dans le monde, principalement des nouveaux-nés, de jeunes enfants et des femmes enceintes. D’où l’intérêt des travaux menés par Anthony James et ses collègues de l’université de Californie et de l’institut Pasteur à Paris sur la création d’une version du moustique Anopheles (Cellia) stephensi, une espèce présente en Inde et au Moyen-Orient, capable de bloquer le développement du parasite de la malaria grâce à une modification génétique. L’espoir des chercheurs réside dans la transmission de cette caractéristique de générations en générations de moustiques. Ils ne précisent pas le délai nécessaire pour obtenir un début de réduction du nombre de cas d’infection chez l’homme.

L’équipe d’Anthony James a publié cette avancée dans la revue  Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) du 11 juin 2012. Elle y explique que l’avantage de sa méthode est de pouvoir être appliquée à des dizaines d’espèces différentes de moustiques qui transportent et transmettent le parasite de la malaria, le Plasmodium falciparum. Dont ceux qui sévissent en Afrique.

La souris a servi de modèle

Les chercheurs ont travaillé à partir de la souris. Celle-ci, lorsqu’elle est infectée par la forme humaine de la malaria, produit des anticorps qui tuent le parasite. Anthony James a analysé les composantes moléculaires de cette réponse du système immunitaire de la souris. Et il a conçu des gènes capables de produire les mêmes molécules chez le moustique. Les anticorps libérés par les moustiques génétiquement modifiés tuent le parasite et évite toute propagation de la maladie lors de leurs piqures sur des êtres humains. “Nous constatons une complète disparition de la version infectieuse du parasite de la malaria”, note Anthony James. D’après lui, “le processus de blocage à l’intérieur de l’insecte qui transporte la malaria peut réduire significativement le nombre de cas de cette maladie et son taux de morbidité”. Son équipe n’en est pas à sa première modification génétique d’un moustique. Elle a également travaillé sur la réduction de la transmission de la dengue et d’autres maladies du même type.

Il reste donc à évaluer l’impact de tels moustiques OGM sur des populations de milliards d’insectes. Combien faut-il en produire pour accélérer la transmission héréditaire des gènes modifiés? Quelle est la vitesse de propagation du gène? A partir de quel moment les effets sur la transmission de la maladie se feront-ils sentir? Un bel espoir qui demande à être validé sur le terrain.

Michel Alberganti

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