Doha 2012 : le climat échec et mat

Après quinze années d’efforts diplomatiques, quinze jours de négociations, prolongés de 24 heures, ont suffi pour sonner le glas des conférences internationales sur le réchauffement climatique. Comme on pouvait s’y attendre, Doha 2012 restera comme le sommet de l’enterrement des espoirs de réduction volontaire des émissions de CO2 par les pays industrialisés et les pays en développement.

Depuis le protocole de Kyoto signé en 1997 et entré en vigueur en 2005, les conférences internationales ont toutes donné le sentiment d’une lente évolution vers le blocage complet du processus. Cette fois, nous y sommes. Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner l'”accord” final de Doha 2012, publié par l”AFP le 8 décembre 2012. Sans oublier qu’il a été obtenu à l’arraché…

  • Acte II du protocole de Kyoto
    La seconde période d’engagement s’étalera du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2020. Elle concerne l’Union européenne, la Croatie et l’Islande, et huit autres pays industrialisés dont l’Australie, la Norvège et la Suisse, soit 15 % des émissions globales de gaz à effet de serre (GES) dans le monde. Chaque pays “réexaminera” ses objectifs chiffrés de réduction de GES “au plus tard en 2014”.
  • Aide financière aux pays du Sud pour faire face au changement climatique
    Le texte de Doha “presse” les pays développés à annoncer de nouvelles aides financières “quand les circonstances financières le permettront” et à soumettre au rendez-vous climat de 2013, à Varsovie, “les informations sur leurs stratégies pour mobiliser des fonds afin d’arriver à 100 milliards de dollars par an d’ici 2020”.
  • Réparation pour les “pertes et dommages” causés aux pays du sud par le réchauffement
    A Varsovie, des “arrangements institutionnels, comme un mécanisme international, seront décidés au sujet de la question des pertes et dommages liés aux impacts du changement climatique dans les pays en développement particulièrement vulnérables”. Ce point a été très disputé entre les pays du Sud, qui s’estiment victimes des actions du Nord ayant déréglé le climat, et les Etats-Unis, qui craignent qu’un “mécanisme” ne mène un jour à des actions en justice et ne veulent pas débourser plus que ce qui a déjà été prévu dans les divers accords de l’ONU sur le climat.
  • Vers un accord global et ambitieux en 2015
    L’accord de Doha réaffirme l’ambition d’adopter “un protocole, un autre instrument juridique ou un accord ayant force juridique” à la conférence de l’ONU prévue en 2015 pour une entrée en vigueur en 2020, et rappelle l’objectif de parvenir à limiterla hausse de la température à + 2°C. Contrairement au protocole de Kyoto, cet accord ne concernera pas que les nations industrialisées mais tous les pays, y compris les grands émergents et les Etats-Unis. Un texte devant servir de base pour les négociations doit être disponible “avant mai 2015” et l’accord de Doha “accueille favorablement” la proposition du secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon de réunir les dirigeants mondiaux en 2014 sur cette question.

Traduction :

  • Le nouveau protocole de Kyoto, sans engagement sur un taux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), ne concerne que 15% des émissions mondiales. Renvoi à Varsovie en 2013.
  • L’aide financière aux pays du Sud n’est pas financée. Renvoi à Varsovie.
  • La question de la dette climatique des pays n’est pas règlée. Renvoi à Varsovie.
  • Le nouveau protocole de Kyoto, “global et ambitieux”, reste vide d’engagement. Renvoi en 2014 et 2015.

L’avantage, avec les conférences climatiques, c’est que le programme peut être réutilisé à l’identique de l’une à l’autre. Pour la prochaine, il suffira de remplacer Doha par Varsovie dans les entêtes. A moins d’organiser, d’ici là, une conférence pour statuer sur la nécessité de poursuivre l’organisation coûteuse, en argent et en CO2, de tels rassemblements. La mascarade de Doha pose clairement la question. Son déroulement, comme ses résultats, se retournent contre son objectif même. Au lieu de promouvoir la prise au sérieux des enjeux climatiques, elle démontre l’incapacité totale des Etats à engager une véritable dynamique de lutte contre le réchauffement. Ce qui révèle une totale impréparation de cette réunion.

Dans la situation actuelle, ne vaut-il pas mieux arrêter les débats stériles et les dégâts qu’ils engendrent dans l’opinion publique ? C’est sans doute la question que l’on doha désormais se poser.

Michel Alberganti

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