L’excitation sexuelle atténue nos sensations de dégoût

Le sexe a longtemps été considéré comme “sale”. Et nombre de pratiques sont encore, parfois, qualifiées de repoussantes, dégradantes ou dégoutantes. Pourtant, il semble que ces jugements, émis en général à froid, ne correspondent pas forcément aux sensations à chaud, c’est à dire sous l’emprise d’une excitation sexuelle. L’étude publiée le 12 septembre 2012 dans la revue PLoS One par Charmaine Borg et Peter J. de Jong, du département de psychologie clinique et de psychothérapie expérimentale de l’université de Groningen, aux Pays-Bas, s’attache à montrer que les sensations de dégoût s’atténuent sous l’effet de l’excitation sexuelle chez les femmes, comme chez les hommes.

Stimulants du dégoût ou dégoût des stimulants

“La salive, la sueur, le sperme et les odeurs corporelles comptent parmi les plus forts stimulants du dégoût”, notent-ils. Et de se demander, dans ces conditions, comment les gens parviennent à ressentir le moindre plaisir dans la relation sexuelle. Pour répondre à cette interrogation fondamentale, puisqu’elle est à la base même de l’acte permettant à l’être humain de se reproduire et dont le moteur est fondé sur la recherche du plaisir, les chercheurs sont partis d’une hypothèse : “l’engagement sexuel pourrait réduire temporairement les sensations de dégoût engendrées par certaines stimulations”. Par ailleurs, ils se sont demandé si la relation sexuelle n’atténue pas l’hésitation à réellement agir face à ces stimulations.

90 femmes, trois groupes

Pour répondre à ces questions, Charmaine Borg et Peter J. de Jong ont réalisé une expérience à l’aide d’un groupe de 90 femmes en bonne santé affectées au hasard à trois groupes : celui des femmes excitées sexuellement, celui des femmes excitées non sexuellement et celui du groupe de contrôle neutre, des femmes non excitées du tout. Des films ont été utilisés pour induire ces trois états (érotique pour le premier groupe, sportif pour le second et touristique pour le troisième). L’ensemble des participantes ont ensuite effectué des tâches comportementales sexuelles, comme la lubrification d’un vibromasseur avec les mains, ou non sexuelles comme la boisson dans un verre de jus de fruit contenant un gros insecte. Le tout pour mesurer l’impact de l’excitation sexuelle sur les réactions de dégoût et les comportements d’évitement des tâches demandées. Ces dernières ne manquaient pas de piment…

Fort Boyard…

Autres exemples : retirer un papier toilette souillé d’un bocal et l’y remettre, manger un morceau d’un biscuit posé à coté d’un ver vivant, tenir un pansement utilisé sur une blessure pendant 5 secondes, frotter une brosse à dent usagée sur sa joue pendant 5 secondes, enfoncer une aiguille dans un œil de vache …  Plus sexe mais tout aussi dégoutant : enfoncer son doigt dans un bol de préservatifs usagés et toucher chacun d’eux, sortir d’un sac et serrer dans ses bras une chemise portée par un pédophile pendant un viol, lire et dire à haute voix: “j’étais si excitée de l’avoir (le chien) en moi”…

Des chercheurs pudiques

Il faut donc reconnaître que les chercheurs n’y sont donc pas allés de main morte. A leur décharge, les tests étaient truqués lorsque nécessaire et possible. Ainsi, la chemise du supposé pédophile était neuve et propre, tout comme la brosse à dents ou les préservatifs. En revanche, le ver était bien vivant et l’œil de vache bien réel, mais les participantes n’avaient, en fait, qu’à le toucher avec le bout de l’aiguille. Néanmoins, les chercheurs ont préféré exclure le détail des épreuves du corps de leur publication et le renvoyer en annexe. Les 16 tâches devaient être effectuées par ensembles de 2, chacun suivi par un clip de 2 minutes destiné à entretenir l’état d’excitation de chacun des trois groupes de femmes.

Résultats

Les chercheurs ont été récompensés de leur peine. Il ont trouvé exactement ce qu’ils imaginaient. D’abord, les femmes du groupe sexuellement excité ont jugé les stimulations à caractère sexuel comme significativement moins dégoutantes que les femmes non excitées et celles du groupe des femmes excitées non sexuellement. En revanche, les jugements de degré de dégoût ont été similaires pour les trois groupes vis à vis des stimulations non sexuelles. Ensuite, pour l’ensemble des tâches sexuelles et non sexuelles, c’est le groupe sexuellement excité qui a effectué le plus grand nombre d’entre elles. Ces résultats corroborent ceux obtenus lors d’une étude précédente avec des hommes, malgré quelques différences dans la procédure de l’expérience.

Vive les préliminaires

Les chercheurs peuvent ainsi confirmer que l’excitation sexuelle, agissant sur la perception subjective du dégoût ainsi que sur les réactions d’évitement des situations induisant ce dégoût, “facilite l’engagement dans une relation sexuelle satisfaisante. En revanche, si l’un des deux partenaires ne parvient pas à cet état d’excitation, cela peut poser problème”. Sur le plan thérapeutique, cette étude peut conduire à aller chercher du coté d’un manque d’excitation sexuelle les problèmes rencontrés par certains couples. Une façon de justifier pleinement le rôle des préliminaires qui ont justement pour objet d’induire cet état d’excitation sexuelle permettant d”éviter les réactions de dégoût ultérieures. Moralité: une fois de plus, on constate que la nature est bien faite et qu’elle a pensé à tout…

Michel Alberganti

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