L’ADN dit poubelle n’est autre que la tour de contrôle des gènes

Un véritable tableau de contrôle comprenant des millions d’interrupteurs régulant l’activité de nos gènes. Ce que l’on qualifiait, jusqu’à présent, d’ADN poubelle faute d’en connaître la véritable fonction, vient de livrer ses secrets. Pour obtenir ce résultat, des centaines de chercheurs de 6 pays se sont associés au sein du projet ENCODE. Leurs résultats font l’objet de pas moins de 30 articles reliés les uns aux autres et publiés en libre accès dans 3 revues scientifiques : NatureGenome Biology et Genome Research. Une orchestration rare. ENCODE fournit une carte détaillée du fonctionnement du génome qui comprend 4 millions d’interrupteurs de gènes. Cette cartographie va ouvrir de multiples pistes de recherches sur les maladies humaines.

80% du génome sert à quelque chose

Il faut dire que la découverte est de taille. Sans les millions d’interrupteurs de l’ADN ex-poubelle, les gènes ne pourraient pas fonctionner et les mutations qu’ils subiraient engendreraient de multiples maladies. “Notre génome vit tout simplement grâce à ces interrupteurs : à des millions d’endroits, ils déterminent si un gène est doit fonctionner ou être à l’arrêt”, explique Ewan Birney, coordinateur d’ENCODE à l’European Bioinformatics Institute (EMBL-EBI) en Angleterre. Le Projet génome humain a montré que seulement 2% du génome contient des gènes, les porteurs des instructions nécessaires à la production de protéines. Grâce à ENCODE, on constate qu’environ 80% du génome sert effectivement à quelque chose. “Nous avons découvert qu’une partie du génome beaucoup plus importante que prévu sert à contrôler quand et où les protéines sont produites”, précise Ewan Birney.

Découvrir des mécanismes qui jouent un rôle clé

La masse de données fournie par ENCODE va servir aux chercheurs qui travaillent sur toutes les maladies. “Dans de nombreux cas, vous avez une bonne idée sur les gènes qui sont impliqués dans une pathologie mais vous pouvez ignorer quels sont les interrupteurs concernés”, indique Ian Dunham, de l’EMBL-EBI. “Parfois, ces interrupteurs sont très surprenants car ils se trouvent à un endroit qui semble logiquement lié à une autre maladie. ENCODE nous donnent des pistes très intéressantes pour découvrir les mécanismes qui jouent un rôle clé en matière de santé et de maladies“, ajoute-t-il.

300 années de calcul

Le projet a mobilisé pas moins de 442 scientifiques provenant de 32 laboratoires situés au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Espagne, à Singapour et au Japon. Il a permis de générer et d’analyser plus de 15 téraoctets de données brutes qui sont désormais publiquement accessibles. L’étude a consommé l’équivalent de quelque 300 années de temps de calcul informatique pour l’analyse de 147 types de tissus afin de déterminer ce qui commande la mise en fonction des gènes et comment les interrupteurs diffèrent en fonction des types de cellules.

C’est donc une page importante de la biologie qui se tourne aujourd’hui. Avec, à la clé de cette compréhension approfondie de la mécanique du vivant, de nouvelles thérapies. A moins que la complexité ne rattrape les chercheurs…

Michel Alberganti

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