Quand on boit de la bière, attention à la forme du verre…

“Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ?” assurait Alfred de Musset. En matière de bière, il avait tort. Dans ce domaine, tout dépend… de la forme du verre. C’est, en tous cas, ce qui ressort de la très sérieuse étude réalisée par une équipe de chercheurs de l’école de psychologie expérimentale de l’université de Bristol dirigée par Angela Attwood. Motivés par la pratique du binge drinking, ou biture express, qui consiste à boire le plus possible d’alcool le plus vite possible et qui est devenue un problème de santé publique en Grande-Bretagne, les scientifiques ont réalisé deux expériences avec le concours de 160 personnes ne buvant qu’en société (social drinkers), âgées de 18 à 40 ans et sans passé alcoolique.

Verre droit ou flûte ?

Dans le premier test, les participants devaient boire de la bière ou une boisson non alcoolisée soit dans un verre de forme droite, soit dans un verre à bord incurvé, de type flûte. Le résultat est, pour le moins, surprenant. En effet, les participants ont bu leur bière près de deux fois plus vite dans le verre flûte que dans le verre droit. Plus étrange encore, ce phénomène ne se produit pas avec une boisson sans alcool…

Ensuite, les participants ont été soumis à un test sur ordinateur. Sur l’écran, leur étaient présentées plusieurs images des deux formes de verre contenant des quantités variées de liquide. Ils devaient alors dire si chacun des verres était rempli à plus ou moins de la moitié de leur contenance. Les chercheurs ont ainsi pu constater que le verre flûte induisait plus d’erreurs que le verre droit. Plus fort encore, le taux d’erreur semble corrélé à la vitesse de boisson. Ceux qui se sont le plus trompés sur l’évaluation du niveau médian de remplissage des verres étaient ceux qui avaient bu leur bière le plus vite…

Excès de vitesse de boisson

Il semble que la vitesse d’absorption d’une boisson alcoolisée influence le degré d’intoxication ressenti. C’est d’ailleurs le principe même du binge drinking. De plus, la vitesse favorise la boisson d’un plus grand nombre de verres pendant une soirée. D’où l’espoir des chercheurs: réduire la vitesse de boisson pourrait avoir un impact positif sur les individus et sur l’ensemble de la population. Il sera néanmoins difficile de trouver un équivalent des radars routiers à installer sur le comptoir des bars pour mesurer les excès de vitesse de boisson…

Carlsberg avait-il deviné ?

Cela n’empêche pas Angela Attwood de garder l’espoir d’avoir fait oeuvre utile en alertant les buveurs sur un danger qu’ils ignoraient: la forme du verre. Son étude, publiée dans la revue PLoS ONE le 31 août 2012, pourrait facilement être prolongée. En effet, il existe autant de verres que de producteurs de bière. Et à chacun sa forme… Celle que les chercheurs de Bristol stigmatisent, la forme en flûte avec coté incurvé, est l’une des plus rares. Elle est néanmoins utilisée par une grande marque, Carlsberg. Même si le verre de la 1664 s’en rapproche. De même que les verres Kwak… En revanche, les fameuses abbayes belges, Leffe et Affligem en tête, sont loin de favoriser les excès de vitesse. Certains brasseurs auraient-il découvert le secret du binge drinking avant Angela Attwood ? Désormais, tout le monde est prévenu. Un verre droit, ça va. Un verre flûte, gare à la chute…

Michel Alberganti

lire le billet