Passez votre permis de ne pas conduire

Cela devait arriver aux Etats-Unis, le pays de l’automobile, du GPS et de Google réunis. Le 16 juin, le gouverneur de l’état du Nevada a approuvé une loi demandant à son Department of Motor Vehicles (qui enregistre les véhicules et les permis de conduire) de mettre en place des règles autorisant l’utilisation de la voiture “autonome”. Comme le spécifie le texte, il s’agit d’“un véhicule à moteur qui utilise l’intelligence artificielle, des capteurs et les coordonnées GPS pour se conduire lui-même sans l’intervention active d’un opérateur humain”.

Est-ce à dire que l’on pourra bientôt, dans le désert du Nevada ou dans les rues de Las Vegas, s’endormir au non-volant, comme le fait Will Smith dans I, Robot ? Parier que la réponse est “oui” n’équivaut pas à prendre de gros risques et si cette loi est passée, ce n’est pas seulement parce que Google, qui teste une voiture sans conducteur depuis quelque temps, a fait du lobbying en ce sens, mais, plus simplement, parce que les prototypes sont au point, parce que la technologie est prête. Plusieurs exemples le prouvent.

Pour ceux qui voient des militaires partout, je signalerai le Grand Challenge de la Darpa, l’agence chargée de la recherche pour le compte de l’armée américaine, dont l’engagement dans la mise au point de voitures sans pilote remonte aux années 1980.  Ce défi a permis à plusieurs instituts et universités d’outre-Atlantique, comme Carnegie Mellon ou Stanford, de développer des projets. Ainsi, l’équipe de Stanford a-t-elle présenté Stanley (vainqueur du Grand Challenge en 2005) et Junior (deuxième en 2007). Dans la vidéo ci-dessous on peut voir Junior se garer dans un créneau en effectuant un tête-à-queue en marche arrière (ce que, pour ma part, je ne m’aventurerais pas à tenter, même avec la voiture de mon pire ennemi) ! La “manœuvre” nécessite de combiner un modèle dynamique classique (la voiture roule) avec un modèle nettement plus complexe (la voiture dérape).

Avec ses caméras et tous ses capteurs, Junior a vraiment la tête d’un prototype de chercheur mais son successeur est nettement moins moche. Pour construire Shelley, les ingénieurs de Stanford se sont en effet installés dans une Audi TTS. Il s’agit évidemment d’un partenariat avec la marque aux anneaux mais le choix de ce coupé sport s’explique aussi par le test, en 2010, de la voiture sans pilote sur le parcours de la mythique course de côte de Pikes Peak, une montagne du Colorado qui culmine à 4 301 mètres d’altitude. Faire évoluer un véhicule sans conducteur sur le terrain de jeu d’une des compétitions automobiles les plus exigeantes du monde, qui combine sections asphaltées et sections en terre au bord de précipices, tient de la gageure. Cela ressemble aussi à s’y méprendre à la démarche des concepteurs de logiciels d’échecs qui ont rapidement voulu confronter leurs produits aux meilleurs pousseurs de bois, dans les conditions de la compétition. Pour ses premiers essais à Pikes Peak, Shelley a gravi la montagne en 27 minutes, soit 17 minutes de plus que les meilleurs pilotes de rallye, qui conduisent des engins autrement plus puissants. On estime que, sur la même voiture, un champion automobile aurait mis 17 minutes. Combien de temps faudra-t-il à l’auto sans conducteur pour battre les Kasparov du volant ? Sur cette vidéo, on peut voir Shelley gravir Pikes Peak, à une vitesse plus que raisonnable :

Une chose est de rouler sur une route fermée pour les besoins d’une course, sur un parking désert ou dans un pré. Une autre est de s’insérer dans la circulation. C’est ce qui a été fait, toujours en 2010, lors d’une expérience hors du commun, le projet VIAC (pour VisLab Intercontinental Autonomous Challenge). Pendant trois mois, entre Milan et Shanghai, quatre camionnettes (électriques !) ont parcouru quelque 13 000 kilomètres sans conducteur. Bardées de caméras, de lasers et aussi de panneaux solaires pour alimenter les systèmes électroniques, ces deux paires de vans orange comprenaient leur environnement : ils détectaient les piétons, les cyclistes, les feux rouges et décodaient les panneaux de circulation. Ils évoluaient en duo selon la technique du convoi. Le véhicule de tête, bien qu’autonome, pouvait être repris en main par un conducteur à chaque fois que c’était nécessaire, notamment sur les routes d’Asie pour lesquelles il n’existait pas de carte géographique électronique. La camionnette de queue le suivait visuellement mais aussi grâce aux coordonnées GPS qu’il émettait, ce qui était utile lorsqu’un véhicule s’intercalait entre les deux. Une présentation vidéo du projet ici (en anglais) :

Si l’on excepte le fait que les vans ont oublié de s’arrêter à un péage en Serbie et qu’ils ont eu du mal à intégrer le style de conduite de certains automobilistes russes, il n’y a pas eu de problème majeur. Les promoteurs de la voiture sans conducteur mettent régulièrement en avant le fait que l’électronique contrôle déjà une partie des systèmes d’une auto, que les machines sont plus promptes à réagir que l’humain et qu’elles sont capables de suivre de très près et sans risque les voitures qui les précèdent, ce qui pourrait éliminer les bouchons sur les autoroutes. De plus, le système humain fait chaque année la preuve dramatique de son imperfection avec plus de 1,3 million de morts sur les routes. Et puis, dans un monde sans conducteur, plus de “boire ou conduire il faut choisir”, SMS illimités dans la voiture et, surtout, plus besoin de passer son permis.

Pierre Barthélémy

Post-scriptum : ce billet est dédié à mon ami Eric Azan qui prend sa retraite journalistique aujourd’hui, lui qui m’a mis le pied à l’étrier en me faisant entrer, en 1991, dans un “canard” de course automobile dont il était le rédacteur en chef technique… alors qu’il n’avait pas son permis de conduire.

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De quel côté bercez-vous bébé ?

Votre corps est-il de droite ou de gauche ? Chacun d’entre nous, à condition de n’être pas manchot, sait de quelle main il écrit. Mais être droitier ou gaucher pour tenir un stylo ne préjuge pas forcément des autres latéralisations du corps. Elles sont beaucoup moins connues et pourtant, vous avez un pied préféré pour tirer dans un ballon de football (Platini du droit, Maradona du gauche) ou prendre votre impulsion avant de sauter, un œil favori pour viser et, comme je l’avais révélé dans un billet très populaire, un côté de prédilection… pour embrasser. On sait ainsi depuis quelques années que la majorité des êtres humains ayant pratiqué l’expérience bucco-buccale est droitière du patin, sans que cela ait de lien quelconque avec la main qui écrit ou le pied qui shoote.

Il existe une latéralisation tout aussi marquée que celle du baiser et aussi peu connue : le côté du corps sur lequel on berce son petit enfant. De nombreuses études ont montré qu’instinctivement, mères, mais aussi pères, portaient  leur bébé sur la gauche pour le rassurer, le câliner, l’endormir, lui chanter une berceuse… Selon les articles, de 7 à 8 personnes sur 10 présentent cette préférence. Normal, me direz-vous du tac au tac, cela correspond peu ou prou à la proportion de droitiers dans la population : les parents portent leur enfant à gauche pour garder libre leur main préférée, et pourquoi Barthélémy nous raconte-t-il tout ça ? Joliment pensé, rétorquerai-je, sauf que… Dans une étude de 1973 consacrée aux relations entre la mère et son nouveau-né, le psychologue américain Lee Salk a montré que les gauchères tenaient, elles aussi, très majoritairement leurs bébés à gauche !

Pour Lee Salk, qui s’est beaucoup intéressé aux battements cardiaques des mamans comme un moyen de calmer les bébés, le fait de porter son bébé à senestre avait une raison évidente : la gauche est le côté du cœur et y poser son enfant lui fait mieux entendre ce rythme qui l’a bercé pendant neuf mois de vie intra-utérine. En allant plus loin, James Huheey a même suggéré en 1977 que la latéralisation manuelle provenait de là : portant naturellement ses petits à gauche, l’être humain a développé l’habileté de sa main droite au cours de l’évolution… Tout ce bel édifice s’est un peu écroulé lorsqu’on s’est aperçu que la position de l’enfant bercé ne lui faisait pas beaucoup mieux entendre les battements cardiaques à gauche qu’à droite et, surtout, qu’il était beaucoup plus réceptif à la voix de sa maman qu’au “tap-poum” de son cœur.

Alors, pour quelle raison berce-t-on plus couramment son bébé à gauche qu’à droite ? Les causes de cette latéralisation subtile pourraient bien se trouver dans notre cerveau. Comme je viens de le dire, la communication entre la mère et son nouveau-né passe essentiellement par la voix (on a même remarqué que les mamans sourdes vocalisaient à l’attention de leur enfant sourd, comme si “l’instinct” leur commandait de leur parler). Or, chaque hémisphère cérébral accomplit des tâches différentes dans le traitement des signaux vocaux reçus. Le gauche (dominé par l’oreille droite) contrôle davantage la signification des mots, la grammaire, etc., tandis que le droit (dominé par l’oreille gauche) est plus sensible à l’intonation, à la mélodie. Quand le bébé est tenu sur le côté gauche, les sons qu’il produit sont davantage captés par l’oreille gauche de sa maman et, à l’inverse, lui-même, qui est encore loin de comprendre les subtilités du langage et est surtout sensible à la “chanson” vocale, a son oreille gauche “libre” alors que la droite est bouchée par le contact avec le corps de sa mère. Selon cette hypothèse, bercer son bébé sur la gauche favoriserait et développerait la communication affective entre la mère (ou le père, ne l’oublions pas) et son enfant. Le son ne serait d’ailleurs pas le seul élément déterminant de cette communication (et donc de cette latéralisation) puisque les signaux visuels entreraient aussi en ligne de compte. Chez la majorité des gens, c’est en effet l’hémisphère droit du cerveau (donc plutôt relié au champ visuel gauche) qui interprète les expressions du visage.

Tout se passerait donc dans la tête du parent. Un troublant indice supplémentaire a été apporté par les travaux réalisés sur l’état psychologique des nouvelles mamans. En cas de dépression, de violences conjugales ou de perturbations émotionnelles, les mères sont moins axées sur la communication avec leur bébé, moins à son écoute. Elles ont aussi plus tendance à le porter à droite.

Pierre Barthélémy

Post-scriptum : je ne peux pas m’empêcher de signaler que le biais de portage à gauche, comme disent les chercheurs, se retrouve chez les propriétaires de chiens. Et surtout chez les dames. Mais c’est qui le plus beau des bébés à sa maman ? C’est le petit Médor !

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La sélection du Globule #51

C’est comme un cœur qui fonctionne, mais sans battre. Il s’agit d’un système de double pompe centrifuge qui, après avoir été testé avec succès sur quelques dizaines de veaux, a été implanté pour la première fois dans la cage thoracique d’un homme gravement malade, souffrant d’amylose. Le patient est décédé au bout d’un mois, non pas en raison de problèmes cardiaques mais parce que sa maladie s’était aussi attaquée à son foie et à ses reins. L’opération a été menée au Texas Heart Institute, où le premier cœur artificiel avait été greffé en 1969.

Tous les indicateurs océaniques sont en train de passer au rouge, ce qui fait dire aux experts qu’une grande partie de la vie marine pourrait disparaître. Et cela pourrait arriver dans une génération.

– J’ai beaucoup parlé, sur Slate, du tsunami du 11 mars au Japon. La facture de cette catastrophe naturelle vient de tomber : près de 150 milliards d’euros, sans compter, lit-on sur le site Internet du Monde, “les perturbations pour l’activité économique ni les conséquences de l’accident nucléaire de Fukushima”.

Encelade, un satellite gelé de Saturne, renforce sa place de bon candidat pour la recherche d’une forme de vie extraterrestre (derrière la mythique Mars) : de plus en plus d’éléments indiquent qu’il pourrait receler un océan salé sous sa croûte gelée.

– En 2009, un fait divers peu commun avait fait couler beaucoup d’encre en Allemagne : lors du cambriolage d’un grand magasin, un des voleurs avait laissé un peu d’ADN. Un homme correspondant à l’empreinte génétique fut retrouvé mais, manque de chance pour la justice, il avait un frère jumeau… doté du même matériel génétique. Dans l’incapacité de prouver lequel des deux avait commis le forfait, on fut obligé de les laisser tous les deux en liberté, pour ne pas risquer d’emprisonner un innocent. Une telle histoire pourrait ne plus se reproduire car une étude publiée par PLoS ONE a montré que, bien dressés, des chiens policiers pouvaient faire la différence, sans se tromper, entre les odeurs de deux vrais jumeaux.

– Lundi matin, un astéroïde gros comme un autocar devrait passer à seulement 12 000 kilomètres de la Terre.

On s’en sert déjà dans des voitures mais ce “biocarburant” va passer à la vitesse supérieure en faisant voler des avions de la compagnie KLM. De quoi s’agit-il ? D’huile de friture usagée.

Pour finir, cette “expérience” originale : la construction d’une horloge géante un peu spéciale a commencé au Texas. Elle est censée donner l’heure pendant dix mille ans. Mais y aura-t-il encore quelqu’un pour la lire ?

Pierre Barthélémy

 

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Quand la canicule tuera chaque année

Il y a huit ans, en juin 2003, commençait un long épisode de canicule en Europe de l’ouest, qui allait culminer pendant la première quinzaine d’août. Entre juin et septembre, ce sont environ 70 000 décès supplémentaires par rapport à la normale qui allaient être comptabilisés sur le continent, les pays les plus touchés étant l’Espagne, la France et l’Italie ainsi que, dans une moindre mesure, l’Allemagne. A l’époque, cette vague de chaleur exceptionnelle (voir la carte ci-dessous qui montre les anomalies de température du 20 juillet au 20 août 2003) n’a pas été mise sur le compte du réchauffement climatique mais présentée comme un avant-goût de ce qui deviendra la norme d’ici à la fin du siècle, en raison de la hausse attendue des températures. L’été 2003 correspond en effet aux étés simulés par les modèles des climatologues.

Comment ces futures canicules à répétition vont-elles se traduire sur le plan de la mortalité ? C’est la question à laquelle a voulu répondre une étude publiée mardi 21 juin (jour de l’été !) dans la revue Nature Communications. Ses auteurs, espagnols, français et suisse, ont fait le lien entre température, humidité et décès dans près de 200 régions européennes regroupant plus de 400 millions d’habitants. Ils ont ensuite estimé l’évolution de la mortalité d’ici à 2100 en parallèle avec le réchauffement anticipé par les modèles des climatologues. En temps normal, dans les pays européens, la mortalité est la plus importante en hiver, avec en moyenne 955 décès par mois et par million d’habitants, contre 765 décès par mois et par million d’habitants en été. La saison froide est marquée par des problèmes d’hypothermie, des maladies comme la grippe et la pneumonie, mais aussi plus d’hypertension et de thromboses. En été, comme la canicule de 2003 l’a dramatiquement souligné, les personnes âgées sont particulièrement fragiles vis-à-vis des vagues de chaleur (problèmes de régulation thermique, cardiaques, respiratoires) surtout si elles vivent en ville, en raison de la pollution et du phénomène d’îlot de chaleur urbain.

En décalant le spectre des températures vers le haut, on pourrait s’attendre à un effet principalement bénéfique, avec une réduction marquée des morts hivernales due à la diminution du nombre de jours froids. Ce sera en partie le cas puisque la mortalité hivernale passera en 2100 à 860 décès par mois et par million d’habitants. Tout le problème, c’est que, si aucune action particulière n’est entreprise pour combattre les canicules, la mortalité estivale grimpera beaucoup plus vite et atteindra 970 décès par mois et par million d’habitants au cours de la dernière décennie du siècle. En effet, la démographie de l’Europe nous dit que c’est le continent qui a la population la plus âgée, avec un âge médian de près de 40 ans, chiffre qui passera à 47 ans en 2050 et on se souvient qu’en France, lors de la canicule de 2003, 60 % des personnes décédées avaient 75 ans et davantage. De plus, une large proportion des Européens vit en ville, où les effets des vagues de chaleur sont accentués. Si la surmortalité due à la chaleur est de 205 décès par mois et par million d’habitants, on pourrait, pour un pays comme la France qui compte 65 millions d’âmes, avoir plus de 13 000 décès par mois de canicule, soit peu ou prou ce que nous avons connu en 2003.

Que l’été, aux alentours de 2060-2070, supplante l’hiver comme saison la plus meurtrière ne sera pas anodin : l’espérance de vie baissera de 3 à 4 mois au cours du dernier tiers du siècle. Les auteurs de l’étude soulignent que cela ne sera pas le cas si les pays mettent en place des systèmes d’alerte, notamment afin de prendre soin des personnes âgées. Dans l’hypothèse la plus optimiste, l’espérance de vie européenne, au lieu de chuter, pourrait augmenter d’un an et demi d’ici à la fin du siècle.

Mais, au lieu d’essayer de traiter les symptômes, il faudrait peut-être aussi s’occuper des causes, c’est-à-dire les causes du réchauffement climatique. L’étude se base sur le scénario “prévisible” d’augmentation des températures déterminé par plusieurs modèles régionaux. Or, le risque n’est pas nul que ce scénario dérape et que le réchauffement s’emballe, par exemple si le dioxyde de carbone et le méthane contenus dans le sol (tourbières, pergélisol) sont brusquement relâchés dans l’atmosphère. Avec de pareilles hypothèses, on arrive vite à des hausses de température de +7°C, voire davantage si l’on se place à un horizon plus lointain que 2100. Dans ces conditions, certaines régions pourraient tout simplement devenir inhabitables pour l’homme qui serait incapable d’y évacuer sa propre chaleur corporelle… La peau ne peut plus jouer ce rôle quand la température extérieure dépasse durablement les 35°C. L’adaptabilité a ses limites.

Pierre Barthélémy

Photo: Des femmes se protègent du soleil en juillet 2009 à Tirana, lors d’une canicule en Albanie. REUTERS/Arben Celi

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L’insecte qui chante avec son sexe

C’est un insecte curieux et minuscule, qui va servir de modèle aux derniers des crooners lascifs. Il s’appelle Micronecta scholtzi et appartient à la famille des corises, punaises aquatiques que l’on surnomme aussi “cigales d’eau” en raison de leur chant. En réalité, parler de chant avec les insectes est incorrect puisqu’à de très rares exceptions, aucun son ne sort de leur bouche. Qu’il s’agisse de grillons, de sauterelles, de capricornes, de certaines fourmis ou de corises, ces petits animaux stridulent (mais pas la cigale, qui cymbalise). Comme l’explique le site de l’Office pour les insectes et leur environnement (OPIE), la stridulation est le résultat du frottement d’une râpe ou d’un archet sur un grattoir, comme si on faisait passer une lime ou les dents d’un peigne sur le bord d’une table : “Le son ainsi produit pourrait se comparer à celui d’un instrument à cordes, comme le violon, ou au washboard.”

La plupart du temps, ce sont les mâles qui stridulent, afin d’être choisis par une femelle. Pour ce faire, ils utilisent comme archet soit leurs élytres, leurs pattes, mais aussi leurs ailes, leurs antennes, leurs mandibules, etc. Le cas de Micronecta scholtzi est un peu particulier. En effet, même si l’affaire n’est pas bien claire car la bestiole ne mesure que 2,3 millimètres, il semblerait bien qu’elle réussisse l’exploit de striduler avec… son appareil génital, comme une réincarnation d’Elvis Presley, dont le succès auprès de ses groupies féminines tenait tant à sa voix qu’à ses déhanchements suggestifs, au point qu’on l’avait surnommé “Pelvis”. Cette corise se sert d’un paramère (sorte d’appendice situé près du pénis) qu’il frotte contre une arête de son abdomen. On peut écouter ici ce que cela donne.

Le plus incroyable, dans l’histoire, n’est pas tant que cet insecte joue du violon avec son sexe (après tout, il fait ce qu’il veut) mais que cet archet de seulement 50 microns produise autant de bruit. En effet, comme vient de le montrer une équipe franco-britannique dans une étude publiée le 15 juin par la revue en ligne PLoS ONE, Micronecta scholtzi fait beaucoup de boucan pour une bête de moins de 3 millimètres, vivant dans l’eau et dénuée d’appareil amplificateur qui plus est. On peut l’entendre à plusieurs mètres. Evidemment, si l’on s’en tient à la valeur absolue du chant émis, cette corise n’entre pas dans le Livre des record, malgré des pointes stridentes à 105 décibels. D’autres animaux, beaucoup plus gros, comme le cachalot ou l’éléphant, sont aussi plus bruyants, mais si l’on rapporte le son émis à la taille de l’animal, M. scholtzi apparaît comme un champion du monde (une “donnée aberrante” disent les chercheurs qui n’ont pas le sens de la compétition).

Pourquoi cet insecte au sexe stridulant fait-il autant de bruit ? Madame est-elle dure d’oreille ? L’idée du mâle est sûrement de brailler plus fort que les autres pour se faire détecter et choisir par la femelle. C’est une variante acoustique de la livrée chatoyante du faisan doré mâle qui est aussi voyant qu’une Ferrari dans un parking de supermarché. La stratégie a son revers de la médaille : plus on tente de se faire remarquer, plus on risque de l’être… par un prédateur. Apparemment, cela n’a pas l’air de gêner notre punaise aquatique. Peut-être les animaux qui la chassent sont-ils sourds ?

Pierre Barthélémy

(© G. Visser)

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La sélection du Globule #50

Le Soleil pourrait connaître une période anormalement calme de ses cycles d’activité, comme cela s’est produit durant le XVIIe et le XVIIIe siècles, qui ont correspondu au “Petit Age glaciaire”. A cette époque, les températures avaient légèrement baissé. Si le phénomène se confirme, cela ne sera néanmoins pas suffisant pour contrecarrer le réchauffement climatique…

– En astronomie, Mercure est une des planètes dont on parle traditionnellement le moins. Une injustice en passe d’être réparée grâce à la sonde Messenger qui, depuis quelques mois, s’est mise en orbite autour de la planète la plus proche du Soleil.

La NASA et les militaires américains prêts à donner un demi-million de dollars à qui leur expliquera comment surmonter les obstacles du voyage interstellaire et notamment comment amener des engins spatiaux à des vitesses moins ridicules que celles pratiquées aujourd’hui. Il faudra aussi trouver un moyen de financer de manière pérenne des projets prévus pour durer des décennies…

Plus de 35 ans après la fin de la guerre du Vietnam, Hanoi et Washington collaborent pour le nettoyage de zones contaminées par l’agent orange,  un défoliant contenant de la dioxine utilisé par l’armée américaine pendant le conflit. Déversé sur des millions d’hectares, ce produit a tué ou mutilé des centaines de milliers de personnes et provoqué de très nombreuses malformations congénitales.

– Je m’en doutais personnellement un peu à force de voir des tonnes de “papiers” aussi contradictoires que caricaturaux sur tel ou tel régime ou sur les qualités et les défauts de tel ou tel aliment, les quotidiens généralistes font preuve de bien peu d’exigence journalistique dans ce genre d’articles.

– En pleine vague X-Men, le Daily Mail explique que, sur le plan génétique, nous sommes tous un peu des mutants. Je me disais aussi que ce n’était pas normal, ces flammes qui me sortent des yeux…

D’ailleurs, aux Etats-Unis, des chercheurs ont réussi à transformer des cellules vivantes en sources-laser.

– Pour finir : il y a 2 500 ans, on brassait de la bière en Provence. La découverte archéologique de la semaine ? Peut-être pas, mais c’est tout ce que les médias français ont l’air d’avoir retenu grâce à une dépêche AFP qui a fait le bonheur des rédactions fainéantes. Pour ceux qui ne sauraient s’en contenter, je conseille les nouvelles quotidiennes d’Archaeology Magazine.

Pierre Barthélémy

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Le drapeau national fait-il voter à droite ?

Avec la primaire d’Europe Ecologie – Les Verts et celle, dont on parle beaucoup moins, du Parti communiste, le temps des pré-scrutins pour l’élection présidentielle de 2012 est déjà venu. L’an prochain, dans la foulée de l’élection suprême, la France aura droit à des législatives. Alors, pour qui voterons-nous ? Pour reformuler la question d’une manière un peu plus scientifique, qu’est-ce qui décide de notre vote ? La vulgate des sciences politiques et de la psychologie dit qu’en démocratie le choix d’un candidat plutôt qu’un autre est le fruit d’un raisonnement. C’est sans doute vrai dans la majorité des cas mais pas toujours. Plusieurs études ont montré que différents facteurs pouvaient influencer les électeurs sans qu’ils en aient conscience et notamment, j’imagine, ceux qui se décident à la dernière minute, dans le secret de l’isoloir. Ainsi, une étude très remarquée publiée en 2005 dans la prestigieuse revue Science a-t-elle prouvé que la photographie des candidats, et l’impression de compétence que le visage dégage, permettait de déduire avec une certaine justesse le résultat de l’élection. Aux Etats-Unis, où les noms des candidats sont présentés sur une liste, figurer au début de cette liste procure un avantage non-négligeable, en particulier dans les comtés où les électeurs ont le moins de culture politique. Enfin, le lieu-même où est installé le bureau de vote peut avoir une influence sur le choix du bulletin. Ces effets sont marginaux mais quand on sait que de nombreuses élections se jouent aux alentours du 50-50, ils peuvent avoir leur importance.

Une étude à paraître dans la revue Psychological Science s’intéresse à l’impact que peut avoir un élément tellement banal de la vie publique qu’il peut en paraître anodin voire invisible : le drapeau national. Il s’agit d’un travail de grande ampleur, avec une cohorte de plusieurs centaines de personnes, qui s’est étalé sur deux années aux Etats-Unis, avant et après l’élection présidentielle de 2008 qui a vu la victoire du démocrate Barack Obama face au républicain John McCain. Je ne vais pas décrire ici tous les détails des différentes expériences menées et j’invite ceux que cela intéresse à lire l’étude complète. Ses auteurs sont partis de l’hypothèse selon laquelle, dans un pays comme les Etats-Unis où le bipartisme est quasiment une institution et où le drapeau national est clairement associé au Parti républicain, l’exposition des citoyens à la bannière étoilée dans un contexte de tests, où ils réfléchissent activement à leurs choix politiques, les pousse inconsciemment vers la droite de l’échiquier politique.

Lors d’une première session, qui s’est tenue pendant la campagne de 2008, les “cobayes”, qui ignoraient le but de l’expérience, étaient invités à remplir un questionnaire comportant notamment quelques questions sur leur “patriotisme”, leurs choix politiques et leur demandant pour quel “ticket” ils comptaient voter lors de l’Election Day. Quelques semaines plus tard, soit juste avant l’élection, une deuxième session a commencé avec un nouveau questionnaire. La moitié des sondés reçut un formulaire électronique (voir copie ci-dessous) dans lequel figurait une question avec un drapeau américain de petite taille tandis que l’autre moitié devait remplir le même formulaire mais sans image.

Alors que les deux groupes (très majoritairement favorables aux démocrates) étaient censés avoir la même représentativité, évaluée lors de la première session, les “cobayes” ayant été exposés au drapeau montrèrent une plus grande inclinaison à voter pour John McCain que ceux n’y ayant pas été exposés. La troisième session a eu lieu juste après l’élection et l’on a notamment demandé aux deux groupes pour qui ils avaient voté. Dans le groupe sans drapeau, Barack Obama avait été choisi par 84 % des participants et McCain par les 16 % restants. Dans le groupe exposé au drapeau lors du questionnaire, le pourcentage d’adhésion au candidat démocrate, tout en restant élevé, chutait significativement à 73% tandis que John McCain, avec 27%, réalisait un score nettement moins ridicule. Au début du mois de juillet 2009, lors d’une quatrième session, les “cobayes” étaient de nouveau testés sur leur évaluation de la politique du président Obama et les chercheurs constataient que la dichotomie initiale entre les deux groupes subsistait plus de huit mois après l’exposition à la bannière étoilée, comme si elle s’était cristallisée depuis.

Pour les auteurs de l’étude, on pourrait croire que le drapeau national, montré à un Américain non pas dans la vie de tous les jours mais dans le cadre d’une réflexion sur ses choix politiques personnels, l’incite inconsciemment à s’identifier au cliché du bon citoyen patriote, représenté dans l’imaginaire collectif par le républicain moyen. Une autre hypothèse consiste à penser que le drapeau a un rôle fédérateur et pousse les extrêmes vers le centre. Comme l’échantillon était très marqué démocrate, cela s’est traduit par un glissement vers le Parti républicain. Une précédente expérience, dans laquelle le drapeau avait été montré de manière subliminale, avait mis en évidence cet effet de recentrage en Israël notamment autour de la question de la colonisation de la Bande de Gaza et de la Cisjordanie. Si cette hypothèse est correcte, le drapeau national jouerait bien son rôle de symbole unificateur.

Et la France dans tout cela ? Je n’ai pas trouvé d’étude analogue concernant l’effet du drapeau tricolore. Je note toutefois que l’article R27 du code électoral dit que “les affiches et circulaires ayant un but ou un caractère électoral qui comprennent une combinaison des trois couleurs : bleu, blanc et rouge à l’exception de la reproduction de l’emblème d’un parti ou groupement politique sont interdites”. Comme si l’appropriation par un candidat des trois couleurs nationales pouvait lui conférer un avantage électoral. Cette interdiction n’avait pas empêché Jacques Séguéla de concevoir, pour la campagne présidentielle de François Mitterrand en 1981, une affiche sur laquelle le drapeau français, reproduit dans les couleurs du ciel, servait subtilement (d’aucuns diront subliminalement) de toile de fond (voir ci-dessous). A l’époque l’article R27, quoique rédigé dans une version différente, était pourtant déjà en vigueur…

J’attends avec intérêt vos analyses sur la manière dont cette exploitation du drapeau tricolore a joué un rôle “recentrant” et permis au candidat socialiste de siphonner les voix du Parti communiste tout en rassurant une partie de la droite… A moins que vous n’estimiez, comme Reiser, que les Français ne se font pas manipuler par ce genre de détails, étant donné qu’ils ont d’excellentes raisons de voter pour tel ou tel candidat…

Pierre Barthélémy

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Le jour où des hackers pirateront le réseau électrique

La scène se passe en mars 2007 dans l’état américain de l’Idaho. Un hacker malintentionné se fraie un chemin dans le réseau relié à un générateur électrique de taille moyenne qui produit du courant alternatif. Le principe de la machine est simple : plusieurs dizaines de fois par seconde (60 aux Etats-Unis, 50 en France), le flux d’électrons va dans un sens puis dans un autre (d’où le nom d’alternateur). L’alternateur doit être parfaitement synchronisé avec le réseau électrique. En envoyant une rafale de commandes de coupures et de reprises aux disjoncteurs de la machine, le hacker la désynchronise. Le courant produit ne va plus dans la même direction que celui du réseau et cela revient un peu à passer la marche arrière alors que vous roulez sur l’autoroute. Ce qui suit, la bataille perdue de l’alternateur contre le réseau, a été filmé par une caméra. On y voit le générateur de plusieurs tonnes agité de soubresauts. Des morceaux de pièces tombent sur le sol. Puis de la vapeur et des fumées noires s’en échappent. Hors service. La scène a été filmée. La vidéo, d’abord tenue secrète, a été ensuite déclassifiée. La voici :

En réalité, le hacker en question n’était autre qu’un chercheur travaillant dans le cadre, contrôlé, d’un exercice de sécurité, le projet Aurora, réalisé au Idaho National Laboratory. On peut dire que le test a été concluant. On a l’habitude de voir les hackers s’en prendre à des systèmes virtuels. L’actualité nous le rappelle tous les jours : le 12 juin, c’est le site Internet de la police espagnole qui a été pris pour cible, juste après que le FMI eut concédé avoir été victime d’une cyberattaque. Comme l’explique, dans un article paru dans le numéro du  Scientific American publié ce mardi 14 juin, David Nicol, directeur de l’Information Trust Institute à l’université de l’Illinois où il enseigne aussi, les systèmes physiques sont désormais à la portée des pirates de l’informatique, car tous sont commandés à distance par informatique. Après le projet Aurora, le meilleur exemple en a été donné par le ver informatique Stuxnet qui, en 2009-2010, a visé le programme nucléaire iranien. Selon un rapport publié en décembre 2010 par l’Institute for Science and International Security, l’Iran a dû remplacer un millier de centrifugeuses servant à enrichir de l’uranium car Stuxnet les aurait détruites en leur commandant subrepticement de tourner trop vite…

Dans son article, David Nicol dresse la longue liste des faiblesses du système de production et d’approvisionnement en électricité et souligne combien est dépassée l’assurance que le système ne craint rien parce qu’il n’est pas connecté à Internet. De multiples points d’entrée sur le réseau électrique existent et, comme Stuxnet l’a montré, il suffit de brancher une clé USB infectée à un ordinateur pour qu’un logiciel malveillant très bien élaboré aille silencieusement chercher les failles du système tout en lui faisant croire que tout est sous contrôle. Le projet Aurora s’est glissé dans la brèche au niveau de l’alternateur mais on peut aussi s’attaquer aux postes de transformation, aux postes de distribution ou aux stations de contrôle. De quoi reproduire le film d’action Die Hard 4 – Retour en enfer… David Nicol raconte ainsi un autre exercice de simulation réalisé en 2010, au cours duquel la cible était constituée de postes de transformation qui, comme le dit de manière très pédagogique EDF sur son site Internet, “sont des lieux fermés et commandés à distance à partir de postes principaux, appelés Pupitres de Commandes Groupées”… sauf quand quelqu’un d’autre prend les commandes. L’exercice fut une “réussite” en ce sens que tout un état de l’Ouest américain fut virtuellement privé d’électricité pour plusieurs semaines. Bruce Willis n’est pas toujours là…

A travers l’exemple du réseau électrique, c’est la fragilité de tout réseau informatique (qu’il soit ouvert ou fermé) qui est mise en lumière. Leon Panetta ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Celui qui est actuellement directeur de la CIA et remplacera prochainement Robert Gates au poste de secrétaire de la défense vient de déclarer devant une commission sénatoriale que “le prochain Pearl Harbour auquel nous seront confrontés pourrait très bien être une cyberattaque” visant les réseaux de sécurité, financiers ou électriques. Jusqu’ici réservée aux scénarios de films-catastrophes ou de science-fiction, la prise de contrôle à distance d’une centrale nucléaire par un groupe terroriste s’approche lentement mais sûrement du domaine du possible. Pour avoir un Fukushima, plus besoin d’un tsunami, une clé USB pourrait suffire.

Mais il y a plus effrayant encore. Un article de recherche publié par feu la Commission internationale sur la non-prolifération et le désarmement nucléaires s’est intéressé à la possibilité de pirater les systèmes de commandes nucléaires. L’auteur, Jason Fritz, reconnaît que les sécurités mises en place sont énormes, redondantes, extrêmement robustes, mais il n’en ajoute pas moins qu’une menace subsiste toujours : “Une cyberattaque réussie nécessite de ne trouver qu’une seule faiblesse tandis qu’une cyberdéfense réussie nécessite de trouver toutes les faiblesses possibles. Alors que des individus plus jeunes et plus doués en informatique sont recrutés parmi les rangs des terroristes, ils pourraient commencer à reconnaître le potentiel de ce type d’attaque.” En clair, au lieu d’essayer de fabriquer une bombe ou d’en acheter une, pourquoi ne pas pousser un Etat nucléaire à en envoyer une ? Il serait évidemment impossible de pirater les codes d’attaque de Barack Obama ou de Nicolas Sarkozy. Mais, écrit Jason Fritz, “malgré les affirmations selon lesquelles les ordres de tir nucléaire ne peuvent venir que des plus hautes autorités, de nombreux exemples montrent la possibilité de contourner la chaîne de commandement et d’insérer ces ordres à des niveaux plus bas. Des cyberterroristes pourraient aussi provoquer un tir nucléaire en imitant les systèmes d’alarme et d’identification ou en endommageant les réseaux de communication.”

Pierre Barthélémy

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La sélection du Globule #49

– Selon le rapport de l’Internal Displacement Monitoring Centre, les catastrophes naturelles ont, en 2010, provoqué le déplacement de 42,3 millions de personnes dans le monde, contre 16,7 en 2009 qui était une année “clémente”.

– Une enquête du Guardian montre que les compagnies britanniques sont les premières à acheter des terrains en Afrique pour y faire pousser des plantes destinées à être transformées en agrocarburants. Ceux-ci, avec un baril de pétrole cher, deviennent compétitifs. Mais les terrains destinés à ces cultures sont autant d’hectares en moins pour les cultures vivrières dans un continent où la sous-alimentation est endémique.

Vous y verrez un lien avec ce qui précède… Je parle assez peu de technologies en général mais cette invention pourrait avoir un bel avenir : il s’agit d’un concept de batterie développé par des chercheurs du MIT, à base de particules solides de lithium en suspension dans un liquide. Ce qui pourrait réduire à la fois le coût et l’encombrement des systèmes. On peut même imaginer faire la purge et le plein de liquide à la station-service…

– La possibilité de produire des globules rouges de manière industrielle est en bonne voie, explique Le Monde.

Ils avaient déjà réussi à emprisonner brièvement des atomes d’antimatière en 2010. Des chercheurs du CERN sont parvenus à capturer plusieurs centaines de ces anti-atomes (qui s’annihilent dès qu’ils rencontrent quoi que ce soit) pendant 16 minutes. Cela semble peu mais c’est un exploit technologique. Surtout, les physiciens vont désormais pouvoir étudier cette antimatière et essayer de comprendre pourquoi elle a disparu de l’Univers peu après le Big Bang.

Officiellement, la bactérie tueuse qui a frappé l’Europe de psychose venait d’une ferme produisant des graines germées. Vous pouvez remanger des concombres…

Et pendant ce temps, en Argentine, naissait une vache génétiquement modifiée qui produira un lait plus proche du lait humain.

– Dans certaines régions d’Australie, le nombre de koalas, animaux emblématiques du pays avec les kangourous, a chuté de 80 % en dix ans. Ces petits marsupiaux pourraient désormais être moins de 100 000 alors qu’il se comptaient par millions il y a quelques décennies.

Pour terminer, un peu de nostalgie futuriste (c’est un oxymore de mon cru) : comment, en 1969, on voyait  la future invasion des écrans dans la maison et un réseau qui ne s’appelait pas encore Internet… La vidéo est en anglais.

Pierre Barthélémy

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Ces mots qui agissent sur votre physique

L’expérience n’est pas récente, elle fête même ses quinze ans cette année. Mais elle a toujours de quoi fasciner, notamment ceux qui, comme moi, font profession d’écrire, de vivre des mots. Elle montre leur force ; non pas leur force de persuasion, leur capacité à blesser ou à émouvoir, mais une force brute qui agit, sans qu’on s’en aperçoive, sur le physique. L’expérience en question est nichée dans une longue étude publiée en 1996 par le Journal of Personality and Social Psychology. Signé par trois chercheurs de l’université de New York, cet article veut montrer que l’activation, par les mots, de stéréotypes nichés dans nos cerveaux déclenche inconsciemment des comportements automatiques.

Comme c’est souvent le cas en psychologie, l’expérience cache ce qu’elle veut tester pour que les “cobayes” ne se doutent de rien. Ceux-ci (30 étudiants) sont donc invités, dans le cadre d’un pseudo-exercice de vocabulaire, à construire des phrases à partir de mots fournis par l’expérimentateur. Un groupe-témoin se voit présenter des mots neutres tandis que le groupe véritablement testé travaille avec des mots liés au stéréotype américain des personnes âgées (par exemple : vieux, solitaire, Floride, bingo, gris, courtois, rigide, sage, sentimental, retraité, etc.), tout en évitant soigneusement les mots évoquant la lenteur, pour une raison que l’on verra après. Chaque participant reçoit 30 jeux de 5 mots et doit, pour chacun d’entre eux, rédiger une phrase grammaticalement correcte avec 4 des 5 mots fournis. Une fois qu’il y est parvenu, il prévient l’examinateur qui lui indique le chemin à prendre pour rejoindre l’ascenseur et quitter l’immeuble.

Le “cobaye” pense en avoir terminé, mais c’est en réalité là que la partie la plus passionnante de l’expérience commence… Il ramasse ses affaires, sort de la pièce et parcourt les 9,75 mètres de couloir, sans se douter un seul instant qu’il est chronométré. Une fois arrivé à l’ascenseur, il est rejoint par l’expérimentateur qui lui dévoile le pot-aux-roses. Il lui demande s’il a remarqué que les mots sur lesquels il a travaillé correspondaient tous au stéréotype de la vieillesse et s’il croit que cela a pu influencer son comportement. Dans les deux cas, la réponse est non.

Et pourtant… Les membres du groupe-témoin ont mis en moyenne 7,30 secondes pour parcourir le petit décamètre. Un parcours qui a pris, toujours en moyenne, une seconde de plus pour le groupe testé (8,28 secondes). Un hasard ? Pour en avoir le cœur net, les chercheurs ont reproduit l’expérience avec 30 autres étudiants. Les résultats ont été surprenants de fidélité : 7,23 secondes pour le groupe-témoin, 8,20 secondes pour les “cobayes”. Pour les auteurs de l’étude, ces résultats suggèrent que le comportement physique des individus testés a été influencé de manière inconsciente par leur exposition à des mots liés à un stéréotype particulier. En l’occurrence, le stéréotype de la personne âgée a induit le ralentissement de la marche. Les chercheurs notent : “La manière dont le stéréotype activé influence le comportement dépend du contenu du stéréotype lui-même et non des mots qui ont servi de stimuli. Comme il n’y avait aucune allusion au temps ou à la vitesse dans le matériel, les résultats de l’étude suggèrent que les stimuli d’amorçage ont activé le stéréotype sur les personnes âgées contenu dans la mémoire, et que les participants ont ensuite agi en conformité avec ce stéréotype activé.” En clair, avoir pensé inconsciemment au troisième âge a mis les jeunes au rythme des vieux. “Les mots, écrivait Victor Hugo, sont les passants mystérieux de l’âme.”

Pierre Barthélémy

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