Un diamant dans l’intestin

Ce ne sont pas toujours des maladies que les chirurgiens vont extirper de l’intérieur du corps humain. Un certain nombre de corps étrangers y pénètrent, le plus souvent par l’une ou l’autre extrémité de l’appareil digestif, mais aussi par la trachée ou l’appareil génital féminin. Il n’est pas rare de découvrir, dans des revues spécialisées, des cas pour le moins délicats, tant pour le patient qui doit expliquer comment ces objets sont arrivés là que pour le médecin, qui doit estimer le risque de perforation et décider s’il faut intervenir ou bien laisser travailler la nature quand il s’agit de petits objets ingérés. Cette solution est retenue dans 80 à 90 % des cas. Il n’est pas rare de trouver des pièces de monnaie, des piles, des prothèses dentaires, des petits os ou des coquilles. Il arrive aussi aux pêcheurs d’avaler l’hameçon qu’ils tiennent entre leurs lèvres ou aux maladroits de gober leur brosse à dents. Si on avance dans l’exotisme, ce sont aussi des couverts que l’on retrouve à l’intérieur de certaines personnes qui ont la manie de manger des objets, comme cette dame qui avait avalé 78 cuillers et fourchettes. La preuve par l’image :

Le contenant, l’estomac.

Le contenu, l’argenterie. Il a fallu opérer pour la récupérer mais je ne pense pas qu’il y ait eu dépôt de plainte.

Puisqu’on est dans les radiographies, voici un autre cliché pour le moins évocateur :

Non, vous ne rêvez pas, il s’agit bien d’une sorte de canette et je n’ose imaginer l’embarras du monsieur qui est venu se la faire enlever à l’hôpital…

Le corps humain peut donc dissimuler bon nombre d’objets. Les narcotrafiquants (et la police) le savent depuis longtemps, avec la pratique des “mules”, qui avalent ou s’insèrent des boulettes de drogue empaquetées dans des préservatifs, comme le montrait le beau film Maria, pleine de grâce de l’Américain Joshua Marston. Le risque étant que le condom se rompe et que la mule meure d’overdose.

A tous ces exemples vient s’ajouter un nouveau cas d’école, relaté en avril par une équipe suisse dans le journal Case Reports in Gastroenterology. C’est l’histoire d’un cambriolage raté qui tourne quasiment au gag. Un agent de sécurité découvrit un voleur en train de dérober un beau diamant. Pour se défendre sans perdre le caillou, le malfrat mit la pierre dans sa bouche et l’avala, se disant sans doute que s’il s’en tirait, il finirait bien par récupérer ce Youkounkoun d’une nouvelle espèce. Mais tout ne se passa pas comme il l’espérait et ce fut la police qui, après l’avoir arrêté, se mit à guetter au trou… Ses selles furent aussi surveillées qu’une garden-party à l’Elysée. Mais le voleur avait le transit paresseux et le diamant, qui avait l’éternité devant lui, ne voulut pas se laisser évacuer. Comme le recommandent à la fois la pratique médicale et la police scientifique en cas d’ingestion d’objet dur, l’homme fut conduit à l’hôpital pour une radiographie abdominale, afin de localiser l’objet du délit :

Le diamant était bien là, quelque part dans la première partie du gros intestin. Il lui restait encore bien du chemin à parcourir avant de trouver la sortie et les médecins ne voulaient pas administrer de laxatif pour ne pas risquer de perforation intestinale. Mais la justice n’était pas patiente et la cour ordonna de récupérer la pierre précieuse. Une coloscopie fut donc pratiquée, en présence d’officiers de police, avec succès. Si l’article médical se félicite de cette première, il ne dit pas dans quel joyau ni sur quelle femme a atterri ce diamant que la médecine est allée chercher dans des entrailles…

Pierre Barthélémy

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