La sélection du Globule #43

– La catastrophe de la centrale nucléaire de Tchernobyl, c’était le 26 avril 1986. Un quart de siècle plus tard, alors que le monde vient de connaître un nouvel incident nucléaire au Japon, beaucoup de médias se souviennent : Le Monde, Le Figaro, Libération, Arte, Sciences et Avenir, etc. A lire aussi, un point de vue de Ban Ki-moon publié par le New York Times.

– Autre anniversaire : il y a un an, l’éruption du volcan islandais Eyjafjallajökull provoquait l’annulation de cent mille vols au départ de ou vers l’Europe. Beaucoup de questions s’étaient posées sur l’utilité de ces mesures et notamment pour savoir s’il ne s’agissait pas d’un abus du principe de précaution. Douze mois plus tard, une étude de chercheurs islandais et danois montre que les particules projetées par le volcan étaient effectivement dangereuses pour les avions.

Le nombre de communes françaises soumises à des normes de construction parasismiques passe de 5 000 à 21 000, nous apprend Le Figaro. Le sous-sol hexagonal ne s’est pas soudain transformé mais ce sont les exigences pour les constructions neuves qui ont été renforcées.

– Un portfolio sur le site de Libération, consacré aux tornades qui ont provoqué la mort de centaines de personnes aux Etats-Unis. Les villes sinistrées, dit Le Monde, ressemblent à “des zones de guerre”.

J’ai déjà parlé dans ce blog des ambitions spatiales chinoises. Pékin vient de réaffirmer son intention de construire une station orbitale d’ici dix ans.

– Autre grande ambition, celle du projet scientifique Explaining Religion : caractériser les aspects du sentiment religieux et en comprendre les causes. Un point d’étape est fait par The Economist.

– Le SETI Institute, principal acteur de la recherche de signaux provenant d’une civilisation extra-terrestre, a des soucis budgétaires. Si ET appelle la Terre, il risque d’entendre que la ligne a été coupée suite à une facture impayée…

– Pour terminer, si les cochons se vautrent dans la boue, c’est parce que c’est essentiel à leur bien-être.

Pierre Barthélémy

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Questions autour du phénomène anti-vaccin

Jusqu’au 2 mai, c’est la semaine européenne de la vaccination. Une nouvelle fois, c’est sur le vaccin contre la rougeole (auquel sont associés les vaccins contre les oreillons et la rubéole, d’où l’acronyme ROR) que l’accent sera mis car la France n’arrive pas à se dépêtrer d’une épidémie qui a commencé en 2008 et ne cesse de prendre de l’ampleur, comme le montre le graphique ci-dessous, tiré d’un bilan effectué par l’Institut de veille sanitaire (InVS) :

Ce bilan indique que 14 500 cas ont été déclarés. Le nombre réel de cas est probablement bien supérieur. La principale raison expliquant pourquoi le virus court, au point que la France est accusée de contaminer ses voisins européens, tient à une vaccination trop parcellaire, que déplore l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Pourtant, la vaccination n’est pas du luxe car la rougeole n’est pas bénigne : comme l’explique l’OMS, “les complications les plus graves dues à la maladie sont notamment la cécité, l’encéphalite, des diarrhées graves et la déshydratation qui s’ensuit, des infections auriculaires et des infections respiratoires graves comme la pneumonie. Jusqu’à 10% des cas de rougeole s’avèrent mortels chez les populations atteintes de niveaux élevés de malnutrition et ne pouvant recevoir des soins de santé adéquats.”

En 2010, sur les quelque 5 000 personnes touchées par la maladie en France, 30% se sont retrouvées à l’hôpital. Selon L’Express, la très grande majorité d’entre elles (95%) n’étaient pas vaccinées ou n’avaient subi qu’une seule injection alors que deux sont nécessaires pour être protégé. Depuis le début de l’épidémie, on compte également quatre décès. On sait par ailleurs qu’une vaccination de 95% de la population peut à terme permettre la disparition de la maladie comme c’est le cas en Amérique du Nord et du Sud. On est, en France, bien loin de ce chiffre puisque, selon les chiffres de l’InVS de 2005-2006, seulement 44% des enfants de 6 ans avaient été soumis à la double injection.

La question qui se pose donc est la suivante : si des pays moins riches et moins bien équipés sur le plan sanitaire que la France sont parvenus à se débarrasser de la rougeole, pourquoi n’y arrivons-nous pas ? Pourquoi la couverture vaccinale est-elle mauvaise ? Il y a bien sûr toujours une part de négligence, notamment dans le fait que beaucoup de parents se contentent parfois d’une seule injection alors que le calendrier vaccinal en prévoit deux, la première entre 9 et 12 mois, la seconde entre 12 et 24 mois. Mais cela ne suffit pas à expliquer le phénomène.

Etant donné que le ROR n’est pas obligatoire, mais simplement recommandé (ce qui en réalité devrait signifier “indispensable”), chacun est libre de vacciner ou pas ses enfants. Certains ne le font pas car ils pensent, à tort, que la rougeole est une maladie bénigne. D’autres parce qu’ils craignent les effets secondaires, alors que le rapport risque-bénéfice est clairement en faveur du vacciné. Autre raison que décrit Catherine Ducruet dans Les Echos, l’individualisme bien français qui aboutit au raisonnement suivant : « Je n’ai pas besoin de faire vacciner mon enfant, les autres le sont. » Enfin, comme le dit Didier Houssin, directeur général de la santé, cité dans le même article, « à la sous-estimation des maladies s’ajoute la perméabilité du public – mais aussi d’une partie du corps médical – aux médecines alternatives, voire aux courants anti-vaccination ».

Ce mouvement anti-vaccin est une réalité et il gagne du terrain aux Etats-Unis et en Europe. Pour ce qui concerne la France, le fiasco gouvernemental dans la communication sur le vaccin contre la grippe A/H1N1 en 2009-2010 n’y est sans doute pas étranger mais les racines de ce mouvement sont plus profondes. On se souvient notamment de la controverse, à la fin des années 1990, sur un éventuel lien, jamais prouvé, entre le vaccin contre l’hépatite B et la sclérose en plaques. C’est à la même époque qu’une étude, dirigée par le chercheur britannique Andrew Wakefield, fait le rapprochement entre le ROR et des cas d’autisme. On sait aujourd’hui que ce médecin, qui touchait de l’argent de l’industrie pharmaceutique, avait délibérément falsifié ses données, raison pour laquelle personne n’était parvenu à reproduire ses résultats. Wakefield a depuis été interdit d’exercer la médecine. Mais le soupçon a mis une dizaine d’années à être lavé et, comme toujours dans ce genre de cas, le mal est fait et les médias ont été beaucoup moins bruyants lorsque le scandale s’est évaporé que lorsque l’article original est paru dans The Lancet

Le problème, c’est que cette atmosphère de soupçons et de rumeurs, contre laquelle il est déjà par nature difficile de lutter, est entretenue par un petit courant d’activistes anti-vaccins. Aux Etats-Unis, on y retrouve des promoteurs de médecines dites naturelles comme Mercola.com ou le National Vaccine Information Center. Tous les deux viennent d’ailleurs de s’offrir une campagne publicitaire sur un des fameux écrans de Times Square à New York, ce qui a provoqué un tollé dans le monde médical outre-Atlantique. L’égérie de ce mouvement est l’ancienne modèle de Playboy Jenny McCarthy, qui a vu un lien de cause à effet entre la vaccination et l’autisme de son fils. En France, pas encore de “célébrité” pour brandir le même étendard, mais un groupuscule recruté, comme l’a montré une enquête de Conspiracy Watch, chez les habitués des théories du complot, pour la plupart d’extrême-droite. Certains craignent que les médecins profitent de la vaccination pour injecter des puces sous la peau qui serviront aux juifs à prendre le contrôle de l’humanité, d’autres que les vaccins eux-mêmes soient des armes bactériologiques déguisées, le tout dans le but de réduire drastiquement le nombre d’humains sur la planète. Ce genre d’argumentation prêterait plutôt à rire mais, par la magie d’Internet, ces idées diffusent. Ainsi, une de leurs vidéos sur le vaccin de la grippe A/H1N1 a-t-elle été visionnée plus de 800 000 fois.

Chacun est évidemment libre de se faire vacciner ou pas. Ce que je crains cependant, et ce que l’on constate en partie avec cette épidémie de rougeole, c’est que ce genre d’élucubrations se nourrisse du rejet des experts auquel une partie de la société française s’adonne depuis quelques années. Nous sommes passés d’une image sans doute caricaturale où le progrès scientifique et technique allait apporter joie et prospérité à tous et où la figure du chercheur était respectée, car auréolée d’objectivité, à un autre extrême dont j’ai déjà parlé, une image où le savant joue les apprentis-sorciers au service secret de firmes industrielles puissantes qui le payent pour promouvoir les vaccins, les médicaments dangereux comme le Mediator, les téléphones portables aux ondes mortifères, le wifi, les OGM et les produits phytosanitaires, le nucléaire, les nanotechnologies et, maintenant, les sacrifices à faire pour lutter contre le réchauffement climatique. Tous ces produits de la science ne sont pas forcément inoffensifs. Mais pour évaluer leurs vrais risques, il faut s’informer sans sombrer dans la paranoïa.

Pierre Barthélémy

Petite mise au point : après la publication de ce billet et ma participation, sur le même sujet, à l’émission de Mathieu Vidard, la Tête au carré, beaucoup d’auditeurs et de lecteurs s’en sont pris à moi en m’accusant d’avoir fait un gros amalgame avec le mouvement anti-vaccination et d’être vendu à l’industrie pharmaceutique (tout comme certains m’ont accusé, gratuitement, d’être vendu à Areva lorsque j’ai dit que la catastrophe nucléaire japonaise n’aurait pas de retombée significatives en France). Lisez attentivement mon texte (que j’ai repris en très grande partie dans l’émission) et vous vous apercevrez qu’il n’en est rien. J’ai bien spécifié qu’il y avait deux choses différentes : d’un côté ceux qui pour X raisons, ne faisaient pas vacciner leurs enfants contre la rougeole et, de l’autre, ceux qui faisaient la promotion active et souvent délirante de l’anti-vaccination. Et j’ai bien dit que chacun était libre de ses propres choix mais que, pour ma part, je préférais les choix qui résultaient d’une analyse objective. Voilà. Alors, oui, je pense que le vaccin contre la rougeole est une bonne chose parce qu’en seulement dix ans, il a évité le décès de millions d’enfants dans le monde. En revanche, je ne me prononcerais pas sur le vaccin contre la grippe A/H1N1 parce que 1/ il a été fait très vite 2/ on a vu aussi, très rapidement, que la dangerosité de cette grippe n’était pas celle qui nous avait été annoncée. Donc, j’aimerais bien qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit, parce que c’est pire que l’amalgame dont on m’accuse.

Pour ce qui est de ma “complicité” avec l’industrie pharmaceutique. Je dirais tout d’abord que si j’étais payé par cette industrie, je ne serais probablement pas à écrire des piges les jours et des billets de blog la nuit pour nourrir ma famille. C’est un premier point. Ensuite, l’angle de ce billet (qui n’est même pas un article, on est sur un blog), c’était d’exposer les raisons de la non-vaccination contre le virus de la rougeole et pas du tout d’enquêter sur les industries pharmaceutiques avec lesquelles je n’ai aucun conflit d’intérêt, pas plus que j’ai de conflit d’intérêt avec le nucléaire comme d’autres lecteurs l’ont soupçonné.

D’un autre côté, il est vrai qu’il me serait beaucoup, mais alors beaucoup plus facile, d’écrire des petits billets pleins de sous-entendus ironiques sur les potentielles collusions entre Big Pharma et l’Etat : pas besoin de lire des articles de recherche, pas besoin de dénicher de rapports et d’études, de les lire, des les mettre en lien. Non, juste du jus de crâne et c’est bâché en une demi-heure. Si c’est cela que vous cherchez, du café du Commerce qui ne fait pas mal à la tête et ne fait que conforter l’ère du soupçon généralisé, vous ne le trouverez pas ici. Parce que, de la même manière que je déteste qu’on m’accuse sans preuve, je déteste accuser sans preuve.

Un dernier point : c’est tellement facile et lâche, dans l’anonymat des commentaires, d’attaquer gratuitement ceux qui osent prendre la parole pour défendre publiquement la science quand elle assume correctement sa mission, que je commence à en avoir plus qu’assez de tous ces internautes soi-disant experts qui ne donnent jamais aucune référence, ne signent pas de leur nom et s’adonnent avec délices au dénigrement et à la diffamation quand ce n’est pas carrément de l’insulte. Je suis pour le débat à partir du moment où il se fait de manière équitable et cordiale. Les lecteurs ne sont pas obligés d’être d’accord avec moi, et heureusement d’ailleurs. Simplement, pour le dire, il faut qu’ils y mettent et les formes et des arguments valables parce que je déteste la mauvaise foi et les preuves bidon qu’on me balance sans arrêt.
Quant à ceux qui me disent qu’ils sont très déçus et qu’ils ne me liront plus parce que je n’ai pas lissé leurs convictions dans le sens du poil, c’est leur choix. De toute manière, il y a des années que j’ai réalisé qu’on ne prêchait que les convaincus et que ce genre de texte ne pouvait faire changer d’avis qu’à une fraction infinitésimale de la population. Il est des jours où je me demande encore pourquoi je les écris alors que je pourrais passer mon temps à flotter sur mes petits textes rigolos et sans conséquence. Mais c’est précisément parce que je m’en prends plein la tête pour pas cher que je persiste, parce que si un journaliste scientifique ne parle pas des gros problèmes auxquels la science est confrontée, personne ne le fera.


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Le Coca tue-t-il le sperme ?

 

Il y aura 125 ans le 8 mai que John Pemberton, un pharmacien d’Atlanta, a inventé le Coca-Cola. Vendu à l’époque en pharmacie, le soda est supposé avoir les vertus bénéfiques des boissons gazeuses et son créateur dit qu’il soigne l’addiction à la morphine (dont Pemberton était lui-même victime), la neurasthénie, les maux de tête et… l’impuissance. Deux de ses composants originels étant les feuilles de coca (contenant de la cocaïne) et les noix de cola (contenant de la caféine), on lui prête également des effets stimulants pour le cerveau.

La firme d’Atlanta dut d’ailleurs à ce sujet endurer un marathon juridique il y a un siècle, après avoir été poursuivie par le directeur du Bureau de chimie du département de l’agriculture. Ce dernier, Harvey Washington Wiley, menait une croisade contre la caféine qu’il accusait d’être un poison et une drogue. Après cinq ans, l’affaire se termina devant la Cour suprême des Etats-Unis, qui donna tort à Coca-Cola, exigea que l’entreprise paye les frais de justice et réduise le taux de caféine de son soda. Pourtant, le fabricant de boissons s’était adjoint les services de chercheurs pour montrer que son produit-vedette n’était pas dangereux. Des décennies plus tard fut commercialisée une version sans caféine.

On le voit à ce résumé historique, la réputation “sanitaire” de la boisson la plus connue du monde a toujours oscillé entre “tonique” et “poison”. Ce que personne n’aurait imaginé, c’est que certaines femmes s’en serviraient comme… spermicide post-coïtus. Comme le rapportait en 2008 Deborah Anderson, professeur de gynécologie-obstétrique et de microbiologie à Boston, dans le British Medical Journal, cette utilisation peu conventionnelle du soda s’est rencontrée surtout dans les années 1950 et 1960 par manque de moyens contraceptifs et notamment avant l’autorisation de la pilule. Cela dit, l’auteur souligne que cet usage perdure aujourd’hui. Même si le produit n’est pas dénué d’aspects pratiques (agitez la bouteille et insérez-la, le liquide gazeux fera le reste…), il n’est pas vraiment conseillé de se faire une douche vaginale au Coca-Cola.

Tout d’abord, le soda attaque les cellules de l’organe femelle de la copulation et leur fait perdre une partie de leur imperméabilité, le tout rendant le vagin plus sensible au virus du sida. Ensuite, le sucre contenu dans la boisson peut favoriser les infections fongiques ou bactériennes et avoir des effets négatifs sur le lactobacille, un élément important de la flore vaginale (ce n’est pas une raison suffisante pour remplacer le Coca classique par du Light…). Enfin, et c’est sans doute le plus important, les effets spermicides du Coca-Cola ne sont pas vraiment avérés. Une première étude, menée en 1985 par une équipe dont Deborah Anderson faisait partie, avait montré, in vitro, qu’avec un rapport de cinq volumes de soda pour un volume de sperme, les spermatozoïdes étaient immobilisés en une minute. Une seconde étude, menée deux ans plus tard à Taïwan, toujours in vitro, a révélé une efficacité bien moindre.

De toute manière, même si les qualités spermicides du Coca étaient bonnes, étant donné que les spermatozoïdes parcourent jusqu’à 3 millimètres par minute, nul doute que la douche vaginale après le rapport sexuel ne pourrait venir à bout de tous les prétendants à l’ovule et que certains se seraient déjà mis à l’abri dans le col de l’utérus (où d’autres dangers les attendent). Une manière de remédier à cela serait d’utiliser la charmante petite bouteille avant le rapport. Mais, comme le fait remarquer non sans humour Deborah Anderson, hormis le fait que ce serait un peu dégoûtant pour Monsieur, “tout comme peut en témoigner quiconque a jamais essayé d’avoir des rapports sexuels dans une piscine ou dans la mer, un excès de fluide trop liquide dans le vagin peut affecter la lubrification de manière négative”. Pour ma part, je trouve que cette explication manque de références scientifiques mais je suis disposé à croire une femme de l’art… Conclusion : même si, comme l’avait montré le film Les Dieux sont tombés sur la tête, on peut faire beaucoup de choses avec une bouteille de “Coke”, en matière de contraception mieux vaut laisser le Coca dans sa bouteille et sa bouteille dans le frigo.

Pierre Barthélémy

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La sélection du Globule #42

– Nous ne sommes qu’en avril mais c’est déjà la sécheresse dans le nord de l’Europe ainsi qu’en Suisse. Un certain nombre de limitations d’usage de l’eau sont déjà entrées en vigueur en France. La carte Meteo France ci-dessus montre les cumuls de précipitations en mars : on voit que le rouge (déficit de précipitations par rapport à la moyenne) est beaucoup plus répandu que le bleu (excédent de précipitations par rapport à la moyenne).

Dans le dossier des gaz de schiste, que l’on croyait refermé après l’abrogation des autorisations d’exploration et d’exploitation , la commission nommée par le gouvernement vient de rendre son rapport d’étape. Celui-ci préconise, relate Le Figaro,  «la réalisation de travaux de recherche et de tests d’exploration» dans les régions françaises les plus «prometteuses». L’affaire n’est donc pas définitivement close.

– Et si on remplaçait vos bougies de voiture par un laser ? Résultat escompté : meilleur rendement et moins de pollution.

– Avec la mise à la retraite des navettes spatiales, que vont bien pouvoir faire les astronautes américains ?

On vous classait selon votre groupe sanguin ? On pourra peut-être le faire selon vos bactéries intestinales

– C’est un reportage que j’avais toujours voulu faire et reporté à des jours meilleurs : un tour dans l’antre de Jack Thiney, taxidermiste depuis plus de quatre décennies au Muséum national d’histoire naturelle, un artiste au service de la science. Finalement, c’est mon ancienne consœur du Monde, Florence Evin, qui s’en est chargée…

Une peinture d’automobile qui pourra se réparer toute seule après une rayure (à condition d’être exposée à des UV, tout de même), c’est une invention de chercheurs suisses rapportée dans Le Temps.

– Un joli portfolio sur les baleines, dû au photographe Charles Nicklin, sur le site de Time.

Pour finir : toujours dans Time, un article que j’aurais pu écrire pour compléter mon billet sur la taille du pénis suivant les pays (billet qui a battu tous les records d’audience, bande d’obsédés !). Selon des chercheurs, en dehors de la chirurgie, il existe vraiment au moins une méthode efficace pour augmenter la longueur du membre viril… Prendre une loupe ? Non, tirer dessus.

Pierre Barthélémy

 

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Comment on date un cadavre

C’est une mode macabre qui semble saisir les meurtriers ces temps-ci : découper et cacher les cadavres de leurs victimes, comme dans l’assassinat de Lætitia Perrais ou dans l’affaire, plus récente, de cette famille nantaise disparue, dans le jardin de laquelle au moins un corps démembré a été découvert ce jeudi 21 avril. La première question qui se pose, lorsque l’on retrouve des restes humains est : à qui appartiennent-ils ? Et, tout de suite après, les enquêteurs veulent savoir quand et comment la personne est morte.

Pour le savoir, il faut reconstituer ce que Patricia Cornwell a nommé la séquence des corps, titre de l’un de ses romans : la décomposition d’un cadavre se fait dans un ordre biologique bien précis et prend plus ou moins de temps suivant les conditions dans lesquelles elle se déroule. En découvrant un corps, la police scientifique peut remonter le temps et donner une date voire une heure du décès. Pour y arriver, il a fallu étudier toutes les manières dont un corps mort retourne à la nature. En général, ces travaux de recherche sont effectués sur des cochons, qui sont de bons analogues au corps humain. Mais il existe un endroit unique dans le monde où ces études sont réalisées sur de vrais cadavres humains : l’Anthropological Research Facility (ARF), à Knoxville (Tennessee), plus connue sous le nom de The Body Farm, littéralement “la Ferme des corps”, qui est aussi le titre anglais du livre de Cornwell que j’ai cité plus haut.

En lisant ce roman, j’ai senti que l’endroit dont parlait l’auteur n’était pas un lieu de fiction et j’ai décidé d’y partir en reportage. J’ai donc été le premier journaliste français à mettre les pieds dans ce lieu de science incroyable qu’est la Ferme des corps de l’université du Tennessee, laquelle est avant tout le domaine du chercheur qui l’a créée, le docteur William Bass, Bill pour ses invités. C’était en septembre 2000 et l’article est paru quelques jours après dans Le Monde. Voilà comment il commençait :

« Vous n’avez jamais vu de mort ? Eh bien, dans un instant, vous ne pourrez plus prononcer cette phrase ! » Les cheveux blancs coupés en brosse, jean, polo et tennis comme pour un pique-nique à la campagne, William Bass descend du pick-up climatisé qu’il vient de garer sur le parking étouffant de l’hôpital universitaire de Knoxville. Même en septembre, l’été a de beaux restes au Tennessee, et ce n’est pas la meilleure saison pour franchir la porte que le docteur Bass débarrasse de ses chaînes et cadenas. Un grand papillon jaune folâtre. Le grillage est doublé d’une haute palissade surmontée de rouleaux de fil barbelé.

Trois acres boisées à flanc de colline, surplombant la Tennessee River. La quarantaine de locataires que compte en permanence cet endroit si secret ne se lèvent jamais. A plat ventre, torse nu, la barbe éparse, un homme nous regarde. Arrivé récemment, il se parchemine au soleil. Les autres s’en protègent sous des bâches que le maître des lieux soulève sans répugnance. La cage thoracique de celui-ci (ou peut-être est-ce « celle-là », comment savoir ?) ne soutient plus rien, ne contient plus grand-chose. Chair, muscles et organes ont coulé entre les os, qui barbotent dans une bouillie brunasse. Ici dépasse un pied cramoisi. Là, un squelette blanc, presque poli, touche à la fin du voyage. Ils sont partout. Ailleurs, enfin, ne reste plus qu’un scalp, gisant sur une tache noire en forme de silhouette. Le cadavre a été emporté mais ses fluides ont empoisonné le sol, l’herbe a disparu, les arbustes alentour agonisent d’avoir aspiré la mort par les racines. Bienvenue à la Ferme des corps. « Si vous ne vous sentez pas bien, vous n’avez qu’à marcher un peu », avait conseillé Bill Bass. Marcher, pour aller où ? Ils sont partout, par terre, sous terre, peut-être dans le coffre de la vieille Chevrolet ou de l’Oldsmobile blanches qui rouillent près de l’entrée. Ils sont partout et surtout dans l’air. Car même si l’on réussit à fixer ses yeux sur une zone vierge, on ne peut faire abstraction d’une chose : l’odeur. Une pestilence insoutenable comme celle qui doit régner sur un champ de bataille quelques semaines après les combats. Contrairement aux autres sens, l’odorat n’a pas de transcription directe dans le langage. Il existe autant de référents qu’il y a d’odeurs. Cela fleure bon le jasmin, mais cela ne sent pas rouge, ni grave, ni amer, ni rugueux… Ici, cela sent plus que la charogne, parce que l’on sait qu’il ne s’agit pas d’un simple chien crevé. Une puanteur douceâtre, insidieuse et agressive à la fois, presque insoutenable, qui semble regrouper toutes les odeurs de la vie quotidienne et dont on croit retrouver ensuite un composant dans son eau de toilette, dans le papier d’un livre que l’on feuillette, dans la viande que l’on mange ou dans sa propre sueur.

Bill Bass a créé la première version de l’ARF en 1971 car la littérature scientifique manquait de données pour aider la police scientifique à déterminer la date du décès pour les cadavres en décomposition. Huit ans plus tard, après s’être aperçu qu’il devait multiplier les expériences dans toutes les conditions imaginables, il obtient un grand terrain proche du centre-ville où la véritable aventure scientifique de la Ferme des corps commence, ainsi que je l’écrivais en 2000 :

P OUR analyser les processus post mortem, les facteurs biologiques et environnementaux participant à la décomposition d’un cadavre, plusieurs centaines de corps ont séjourné sur l’ARF. Habillés, nus, enveloppés dans du plastique ou dans un tapis, au soleil, à l’ombre, sous l’eau, sous terre, dans le coffre des deux Américaines blanches, toutes les situations ont été testées et le sont encore. Grâce à ces recherches, la « séquence » des morts est désormais bien établie, explique le docteur Bass : « Cela commence de manière interne. Les enzymes du système digestif commencent par manger les tissus, ce qui engendre la putréfaction. La première chose que vous voyez, c’est la décoloration de la région intestinale. Puis le corps saigne et entame sa décomposition. S’il se trouve à l’air libre, les insectes vont y avoir ac1cès. Ils sont là pour aider à la disparition des tissus morts. Leurs oeufs vont donner naissance à des larves qui mangeront la matière. Au bout de trois semaines, elles seront devenues adultes. C’est pour cela que, en général, si vous découvrez sur un cadavre les cocons vides ayant contenu les pupes de ces mouches, vous pouvez dire qu’il s’est écoulé au moins vingt et un jours depuis la mort. »

Les habitants de la Ferme des corps y séjournent en moyenne une année. Et tels des Attila involontaires, là où ils ont couché, l’herbe ne repousse pas avant deux ans, en raison des acides gras qui l’empoisonnent. Le sol est ainsi analysé de manière à savoir, même en l’absence de cadavre, combien de temps celui-ci y a résidé. Idem pour l’odeur. Directement importés de l’industrie du parfum, des nez artificiels reniflent les arômes pestilentiels et dessinent les courbes de différents marqueurs chimiques au fil du temps. Si l’ordre des événements advenant après la mort ne varie jamais, la vitesse du processus, elle, est sujette à des fluctuations, avant tout en raison de la température. Un corps pourrit moins vite à Chicago qu’à Miami.

William Bass a pris sa retraite en 1998 mais, aux dernières nouvelles, il est toujours actif. Il a raconté ses souvenirs dans un livre co-écrit avec le journaliste Jon Jefferson et intitulé La ferme des corps. Les deux hommes ont poursuivi leur collaboration en publiant plusieurs romans policiers qui parlent beaucoup d’ossements. Après m’avoir montré son “domaine”, Bill Bass m’avait invité à prendre un verre chez lui. J’avais profité de ce moment de détente pour lui demander à quoi il rêvait la nuit. Il m’avait répondu : “C’est curieux, vous êtes le premier à me poser la question. Je ne l’ai jamais dit à personne – y compris à ma troisième épouse, Carol – mais, de temps en temps, je rêve que je tue quelqu’un et que je tente de cacher son cadavre dans la Ferme des corps.”

Pierre Barthélémy

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Comment le sexe vient aux jouets

Il n’aura pas échappé à ceux qui suivent ce blog avec assiduité que je viens de déménager. Ma grande famille (nous avons deux garçons et deux filles) a quitté Paris pour une non moins grande maison charentaise qui présente notamment l’avantage d’avoir une salle de jeux. Tous les cartons contenant de quoi amuser nos quatre bambins y ont donc atterri. Il y avait donc des cartons étiquetés “Jeux des garçons” et ceux marqués “Jeux des filles”… Un sexisme tout autant inconscient qu’assumé (les parents ne sont pas à un paradoxe près), qui reflète, me suis-je dit très vite, celui de la société, qu’elle soit de consommation ou pas.

Pour me conforter dans mes certitudes, j’ai trouvé ce billet de Crystal Smith, une Canadienne qui vient de publier The Achilles Effect, un livre montrant l’influence de la “culture pop” sur la construction de la masculinité chez les jeunes garçons. Sur son blog, elle a rassemblé dans des “nuages de mots” le vocabulaire promotionnel utilisé par les marchands de jouets pour vendre des petites autos, des panoplies de Spiderman ou de cow-boy, des figurines de chevaliers, des robots, des circuits et autres bidules pour mâles en herbe. Au total, Crystal Smith a intégré 658 mots extraits de 27 spots télévisés et voici ce que cela donne :

Même si l’on n’est pas parfaitement anglophone, l’image est suffisamment parlante. Pour faire bonne mesure et ne pas léser la gent féminine, Crystal Smith s’est livrée au même exercice en retenant 432 mots de 32 pubs conçues pour allécher les petites filles :

Comme cela se passe de commentaires, je suis allé défaire d’autres cartons et j’ai fini par mettre la main sur mon échiquier. Etant donné que j’étais d’humeur sexiste, je me suis rendu compte que je n’avais toujours pas appris à jouer à ma fille de huit ans alors que ses frères connaissaient la marche des pièces et les règles du jeu bien avant cet âge-là. Je me suis également rappelé cette conversation que j’avais eue, il y a quelques années, avec une collègue du Monde qui avait découvert que je tenais un blog sur les échecs. Elle m’avait demandé pourquoi aucune femme n’était jamais devenue championne du monde tous sexes confondus, étant donné que les échecs sont un des rares sports où ces dames peuvent soit jouer entre elles, soit se confronter à ces messieurs. En bref, elle voulait savoir pourquoi les échecs, où seule l’intelligence est censée entrer en ligne de compte, étaient un jeu masculin.

La réponse machiste (“c’est normal, les hommes sont plus intelligents que les femmes”) ne tient pas, pour deux raisons : la première, c’est qu’elle est fausse ; la seconde, c’est que, contrairement à un cliché qui a la peau dure, avoir un gros QI n’est pas nécessaire pour devenir un champion d’échecs… Les réponses “biologiques” (“les femmes se fatiguent plus vite au cours d’une partie” ou “c’est une question d’hormones car il faut être agressif dans ce jeu de stratégie guerrière”) n’ont guère plus de fondement. En réalité, si peu de femmes brillent aux échecs, c’est tout simplement parce qu’elles sont très peu nombreuses à jouer : dans n’importe quel tournoi, 95% des participants, si ce n’est plus, sont des hommes. Et comme l’a très bien montré une étude britannique, même si, sur le plan statistique, deux groupes de population ont le même niveau moyen et la même variabilité, les individus enregistrant les meilleures performances ont toutes les chances de provenir du groupe le plus nombreux : “Plus grande est la différence de taille entre les deux groupes, plus grande est la différence prévisible entre les champions des deux groupes.”

Comme me l’a expliqué la meilleure joueuse d’échecs de tous les temps, la Hongroise Judit Polgar (en photo ci-dessus dans une partie l’opposant au champion du monde, l’Indien Anand) qui fut n°8 mondiale, si les filles sont si peu nombreuses dans la discipline, c’est uniquement pour des raisons sociologiques : les stéréotypes guerriers et virils du jeu (même si la dame est la pièce la plus puissante…) dissuadent les parents d’inscrire leurs demoiselles dans les clubs d’échecs. Judit et ses deux sœurs constituent l’exception à la règle, leur père ayant décidé de fabriquer des championnes pour prouver que le talent n’est pas inné mais qu’il s’acquiert à force d’entraînement…

On pourrait donc croire aisément que si le sexe vient aux jouets et aux jeux, c’est sous l’influence de la société, de ses clichés bien ancrés dans les esprits et du marketing hyper-efficace des fabricants de joujoux. Si, dans un magasin, votre garçonnet se précipite vers les petites voitures ou si votre petite fille est aimantée par le rayon poupées, si l’attirance pour tel ou tel type de jouet fait partie des comportements sexués les plus robustes de l’espèce humaine, c’est sous l’effet d’un conditionnement social intensif et permanent, renforcé par les publicités à la télévision qui incitent les enfants à s’identifier à leurs alter egos de réclames. Oui, sans doute. Mais il n’y a peut-être pas que cela et cet article serait bien trop consensuel et trop attendu s’il s’arrêtait là.

Le meilleur moyen de savoir jusqu’à quel point s’exerce l’influence culturelle et sociétale sur le choix des jeux consiste à présenter ces mêmes jeux à des individus sans aucune référence de ce type. C’est ce qu’a fait une équipe américaine en offrant deux familles de jouets (jouets à roues d’un côté, peluches de l’autre) à… une tribu de macaques rhésus, le tout sous l’œil d’une caméra. Le nombre d’interactions de chaque individu du groupe avec les jouets et le temps passé à les manipuler ont été scrupuleusement notés. En moyenne, les mâles ont beaucoup plus tripoté les camions, voitures et autres wagons que les Winnie l’ourson et les Scoubidou en peluche (9,77 interactions contre 2,06 !). Les femelles ont “évidemment” préféré les peluches mais la différence est bien moins marquée : 6,96 interactions avec les jeux à roues et 7,97 avec les peluches.

Pour expliquer ces préférences des macaques rhésus pour des objets qui n’ont à priori aucune connotation sexuée pour eux, les auteurs de l’étude émettent l’hypothèse que les hormones sexuelles mettent en place “des préférences pour des activités spécifiques, qui à leur tour structurent une préférence pour des jouets qui facilitent ces activités”. Pour caricaturer, les petits mâles primates, qu’ils soient humains ou macaques, sont conditionnés par leur testostérone pour faire des courses de monster trucks, tandis que les petites femelles des mêmes espèces sont programmées par leurs ovaires pour coiffer leurs poupées. Je vous laisse méditer cela, j’ai d’autres cartons à déballer.

Pierre Barthélémy

Post-scriptum : étant donné le nombre de commentaires qui sous-entendent que ma conclusion est celle d’un gros macho, je précise que ce n’est que la caricature ironique de l’hypothèse audacieuse avancée par l’étude en question. J’aurais sans doute dû être plus explicite parce que le deuxième ou le troisième degrés n’ont pas l’air de bien passer. De mon point de vue, l’explication est multifactorielle : on se trompe sans doute en ne retenant que le contexte socio-culturel, et on se trompe tout aussi sûrement en ne retenant que le biologique. C’est ce que montrent à la fois l’exemple des joueuses d’échecs et celui des macaques rhésus…

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La sélection du Globule #41

Après quelques jours d’absence et de silence pour cause de déménagement, le Globule est de retour sur le Net. Merci pour votre fidélité… Pour tous ceux que cela pourrait intéresser, l’auteur de ces lignes a fait l’objet d’un portrait sur Knowtex, signé par Marion Sabourdy.

Je le dis souvent dès que j’ai un problème technique, “l’informatique, c’est bien quand ça marche”. Et quand ça ne fonctionne pas, soit, dans le cas le plus fréquent, vous avez un affreux écran bleu ou noir qui refuse d’obéir à toute commande, soit vous obtenez de la poésie en image comme vous pouvez le constater sur la photo ci-dessus. Le fameux outil Google Earth a quelques problèmes lorsqu’il veut reconstituer les ponts en 3D : personne ne lui a expliqué que les ponts avaient des piles… Une série d’images aussi étranges qu’amusantes à voir sur le site de Clement Valla.

– La supraconductivité vient de fêter ses cent ans. Un dossier à lire sur lefigaro.fr et un autre dans le Journal du CNRS.

– Un autre anniversaire, celui du premier vol d’un homme dans l’espace. C’était il y a un demi-siècle, le 12 avril 1961, et l’homme en question s’appelait Youri Gagarine.

L’or bleu, c’est ainsi que l’on surnomme les ressources en eau douce qui, dans les régions méditerranéennes, manquent souvent. En Provence, des chercheurs traquent les rivières souterraines.

– C’est un petit groupe, probablement de 1 à 3 % de la population, qui peut se permettre de ne dormir que 4, 5 ou 6 heures par nuit, en étant toujours frais et dispos, toujours d’attaque et plein d’énergie. Rageant…

– Dans le “buisson” de l’évolution, tous les êtres vivants actuels se trouvent au bout des ramifications. Depuis combien de temps les différentes branches se sont-elles séparées ? L’ancêtre commun du chien et du chat vivait il y a 57,5 millions d’années. Celui de l’homme et du grand requin blanc il y a 523 millions d’années. Et celui du crapaud et du bolet satan il y a 1, 322 milliard d’années. Tous ces résultats sont obtenus grâce à un site fascinant, Time Tree.

– Les vélociraptors vivaient la nuit, selon des chercheurs qui ont analysé la forme des yeux de ces petits dinosaures.

Pour finir, une vidéo étonnante. En voyant une araignée Goliath, la plus grosse mygale du monde, on aurait plutôt tendance à ne pas trop s’approcher. Ce n’est pas ce que font ces enfants vénézuéliens : ils la chassent… pour la manger !

Pierre Barthélémy

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Comment on cartographie la taille du pénis

 

Si vous n’avez pas vu cette carte, c’est parce que vous étiez en vacances en Antarctique au cours des deux dernières semaines ou qu’un cambrioleur a embarqué votre ordinateur (ou les deux). Il s’agit de la carte mondiale de la taille du pénis en érection publiée sur le site de cartographie TargetMap, vue par plus de 4 millions et demi de personnes en moins de quinze jours. Un planisphère où l’on s’aperçoit que l’inégalité des sexes n’est pas une vue de l’esprit. Même si, comme je l’ai expliqué dans un billet précédent, l’homme est mieux doté par la Nature que ses frères primates, de substantielles différences subsistent entre individus et, apparemment aussi, entre nations. Ainsi qu’on peut le voir sur la légende de la carte, plus la couleur du pays vire au rouge, plus les mâles dudit pays portent court. A l’inverse, plus le vert est prononcé, plus les membres virils gagnent en centimètres.

Dans ce très poétique tour du monde de la quéquette, la palme de la plus grande revient à la République démocratique du Congo, avec un beau 17,93 cm (la carte est erronée sur ce point ; voir toutes les données ici). A l’autre bout (si je puis m’exprimer ainsi), la Corée du Sud est le seul pays à passer sous la barre des 10 cm, avec un 9,66 cm sur lequel je ne ferai aucun commentaire. Dans la catégorie des biloutes, comme dirait Dany Boon, sont d’ailleurs rassemblés beaucoup de pays asiatiques. C’est en Afrique et en Amérique latine que se trouvent les plus beaux arguments.

J’ai également noté un regroupement suspect de deux pays bien verts en Europe occidentale : comme un fait exprès, la France et l’Italie se distinguent dans un environnement de pénis moyens. D’où ma question (et la présence de ce billet sur un blog habituellement à consonance scientifique) : d’où proviennent les données ? Qui a fait les mesures ? La carte de TargetMap n’a pas été réalisée par des chercheurs mais elle renvoie à une série de références longue comme, euh, comme le bras, et d’inégale valeur (par comparaison, il n’y a aucune référence pour la carte mondiale du volume des seins établie à partir des bonnets de soutien-gorge…).

On y trouve, un peu pêle-mêle, des articles de presse magazine, des résultats de sondages commandés par des fabricants de préservatifs, des textes de revendeurs de matériel destiné à agrandir les pénis et, quand même, un certain nombre d’études publiées par des revues scientifiques tout à fait respectables telles que le New England Journal of Medicine, European Urology ou Nature Genetics. J’ai, en farfouillant un peu dans les articles, notamment découvert un “papier” au sujet savoureux : le mythe selon lequel la taille de la chaussure préfigure la taille du sexe de celui qui la porte est-il fondé ou non ? (Pour ceux que cela intéresse, la réponse est non : vous pouvez chausser du 47 et rentrer dans le small de chez Durex.)

En regardant d’un peu plus près les données qui ont été utilisées, on s’aperçoit qu’elles sont de deux types : d’un côté les tailles réellement mesurées pour des études et, de l’autre, les données auto-déclaratives. Dans ce second cas de figure, un questionnaire, souvent anonyme, est envoyé à une cohorte d’hommes qui le remplissent, plus ou moins honnêtement, double ou triple décimètre à la main. Or, la différence entre les deux catégories saute aux yeux : aucun chiffre auto-déclaré ne descend sous les 13,5 cm et rares sont les nations qui reconnaissent d’elles-mêmes des zizis de moins de 15 cm… Pour m’amuser et tenter d’estimer ce biais, j’ai donc pris 20 pays au hasard dans la liste, 10 dans la catégorie “mesuré par le gouvernement” et 10 dans la catégorie “fait à la maison”. En moyenne, il y a plus de 15 millimètres d’écart, en faveur de la seconde. D’où l’intérêt, quand on présente des statistiques, d’éliminer tous les biais possibles, à commencer par la manière dont sont recueillies les données.

Comme par hasard, les données sur les braquemarts français et italiens sont issues d’enquêtes de ce genre tandis que les pénis helvètes, allemands ou ceux appartenant aux sujets de sa Majesté la reine d’Angleterre ont été mesurés par des professionnels objectifs. Avec un généreux 16,01 cm de moyenne, ses messieurs les (vantards) Français ne sont néanmoins pas parvenus à entrer dans la catégorie reine, celle des plus de 161 millimètres. La prochaine fois, il faudra tirer un peu plus dessus.

Pierre Barthélémy

Post-scriptum : le chiffre pour la République démocratique du Congo étant issu d’un sondage déclaratif, il est sans doute plus correct, scientifiquement parlant, de juger que l’Equateur est sur la première marche du podium…

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Qui a découvert le clitoris ?

C’est en voyant l’intitulé de l’étude que je me suis arrêté. D’ordinaire, les articles des revues scientifiques ont des titres tout à fait appétissants comme“Protecting group and switchable pore-discriminating adsorption properties of a hydrophilic–hydrophobic metal–organic framework” ou “Reconciling the hemispherical structure of Earth’s inner core with its super-rotation”. Là, rien de tel. C’était court et clair : “Colombo and the clitoris”. Pendant un court instant, j’ai eu la vision grotesque du héros de série TV de mon enfance enquêtant dans un sex-shop de Los Angeles, se promenant avec son imperméable miteux et son cigare nauséabond entre des piles de magazines pornographiques et parlant de sa femme devant un étalage de godemichés. Jusqu’à ce que je me rende compte que le patronyme du lieutenant Columbo s’écrivait avec un “u” et non avec un “o”. Qui était donc ce Colombo-là et que diable avait-il à voir avec le clitoris ?

Publiée dans l’European Journal of Obstetrics & Gynecology and Reproductive Biology, l’étude de Mark Stringer et Ines Becker, qui travaillent à l’université d’Otago à Dunedin (Nouvelle-Zélande), évoque la figure de l’anatomiste italien du XVIe siècle Realdo Colombo, qui affirma avoir découvert et la circulation pulmonaire et le clitoris. Evidemment, il est toujours présomptueux de déclarer ce genre de choses (comme si les femmes ne connaissaient pas leur corps…) et cela m’a fait penser à Christophe Colomb qui avait découvert l’Amérique alors même que les “Indiens” y vivaient depuis plus de dix millénaires.

Realdo Colombo enseigna l’anatomie à Padoue, Pise et Rome, où il fut également l’un des chirurgiens du pape Jules III. Il pratiqua de très nombreuses autopsies (dont celle du fondateur de la Compagnie de Jésus, Ignace de Loyola), ce qui lui donna une véritable familiarité avec le corps humain. Dans l’unique ouvrage qu’il a laissé à la postérité, sobrement intitulé De re anatomica et qu’il a rédigé de 1542 jusqu’à sa mort en 1559, Realdo Colombo explique à son lecteur (lequel est forcément un homme) où est situé le clitoris et que cet organe “est le siège principal du plaisir des femmes pendant les rapports sexuels”. Tel un conquistador plantant son drapeau sur une terre nouvelle, Colombo ajoute que “s’il est permis de donner un nom aux choses découvertes par moi, cela devrait être appelé l’amour ou la douceur de Vénus. On ne peut dire à quel point je suis surpris par le fait que de si nombreux remarquables anatomistes ne l’aient pas détecté (…)”.

A une époque où l’anatomie fait sa révolution et où les médecins se jalousent et rivalisent d’annonces fracassantes, cette forfanterie est presque normale. Il n’empêche. En se déclarant le découvreur du “bouton d’amour”, Colombo va déclencher une véritable bataille du clitoris ! En effet, un de ses rivaux italiens, Gabriele Falloppio, lui aussi connaisseur de l’appareil génital féminin puisqu’il a découvert les trompes qui, chez nous, portent son nom francisé, Fallope, explique dans ses Observationes anatomicae, parues deux ans après la mort de Colombo mais qu’il a écrites aux alentours de 1550, que le clitoris “est si caché qu’[il a] été le premier à le découvrir… et que si d’autres en ont parlé, sachez qu’ils l’ont pris de moi ou de mes étudiants.”

En réalité, ni Colombo ni Falloppio n’a raison. Tout comme Christophe Colomb n’était pas le premier Européen à fouler le sol américain puisqu’il avait été devancé par les Vikings cinq siècles plus tôt, les deux médecins italiens, n’en déplaise à leur ego, avaient été précédés sur le terrain clitoridien. Ainsi que le rappellent Mark Stringer et Ines Becker dans leur étude, “le clitoris était connu des auteurs grecs, persans et arabes qui écrivaient sur la médecine et la chirurgie, même s’il y avait de nombreuses idées fausses sur sa fonction”. On le trouve chez Hippocrate, Avicenne et Aboulcassis, un chirurgien arabe qui vivait en Andalousie au tournant de l’an mil. Mais le clitoris, très discret par nature puisque sa plus grande partie est enfouie dans les chairs, a eu, pendant des siècles et des siècles, l’incroyable capacité à se faire oublier et redécouvrir par la médecine. Même au XXe siècle, il disparut de nombreux ouvrages d’anatomie, non pas par oubli scientifique mais pour des raisons d’idéologie, de tabou et de conventions culturelles, avant de retrouver petit à petit sa place dans les planches consacrées aux pudenda.

Au bout de l’enquête, on ignore toujours quel savant “découvrit” cet organe si mal connu. Mais il y a du comique à voir ces anatomistes de la Renaissance se disputer et emboucher les trompettes de leur propre renommée à son sujet. Tout comme il y a du comique à lire, un siècle après Colombo et Falloppio (le duo du “clito”), l’anatomiste néerlandais Reinier de Graaf décrire avec un tantinet d’exagération l’importance et le rôle de ce qu’en argot on nomme – entre autres – le berlingot : “Si cette partie des organes génitaux n’avait pas été doté d’une sensibilité si vive au plaisir et à la passion, aucune femme ne voudrait assumer la fastidieuse affaire de gestation longue de neuf mois, le douloureux et souvent fatal processus d’expulsion du foetus et l’angoissante tâche d’élever des enfants.” Sic.

Pierre Barthélémy

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Le million du Globule

Même en rêve, je n’aurais jamais envisagé que ce blog atteindrait si vite le million de pages lues. C’est pourtant ce qui est arrivé aujourd’hui. Un peu moins de huit mois après son lancement officiel, le 9 août 2010, Globule et télescope a passé ce cap symbolique. Un grand merci donc aux quelque 900 000 visiteurs qui, au total, sont venus me lire. Puisque je suis dans les statistiques, j’ajoute que plus de 150 000 d’entre vous ont fréquenté ce blog au moins deux fois (certains beaucoup plus…). Certains jours, le taux des fidèles qui s’en retournent par chez moi dépasse les 25% et cette fidélité est ma récompense. Je la prends à la fois comme un cadeau et comme un défi, celui de ne pas décevoir les lecteurs qui, dans l’océan immense et mouvementé qu’est Internet, surfent avec assiduité vers mon petit phare. Pour ceux qui aiment les “best-of”, les trois “papiers” qui ont le mieux marché sont, dans l’ordre, le très futile De quel côté embrassez-vous ? (plus de 150000 pages lues !), L’affaire des irradiées du New Jersey et, avec la médaille de bronze, Le plus mystérieux manuscrit du monde.

Ce billet est le 124e et j’ai essayé de diversifier les thématiques le plus possible, même si je suis loin d’avoir abordé tous les pays de ce continent passionnant qu’est la science. Du côté des commentaires, 1 581 sont inscrits au compteur des publiés. Quelques-uns, une minuscule minorité, sont restés sur le carreau, non pas que je me sente une vocation de censeur mais je dois répéter ce que j’ai déjà écrit plusieurs fois, soit à l’occasion de papiers “sensibles”, soit lorsque j’ai émis des remarques qui n’ont pas eu l’heur de plaire, notamment aux climatosceptiques et autres révisionnistes de la science : ce blog est modéré a priori et le restera, même si les commentaires se font toujours plus nombreux et me prennent de plus en plus de temps. La principale raison qui explique ce choix est légale. Je suis co-responsable de ce qui se publie sur ce blog, y compris dans les commentaires dont je ne suis pas l’auteur. Je bannis donc impitoyablement ce qui tombe sous le coup de la loi : insultes, diffamation, allusions racistes, etc. Par ailleurs, je suis ici chez moi et, si j’accepte volontiers le débat contradictoire et la critique, je ne suis pas non plus masochiste et prêt à me laisser cracher au visage par des courageux anonymes, surtout ceux qui pratiquent le mensonge avec la plus éhontée des mauvaises fois… Ils se reconnaîtront.

Un dernier chiffre pour la route. Comme vous pouvez le lire tout en bas de l’article (et en avant-première), en avril, Globule et télescope est deuxième dans le classement Wikio des blogs de sciences, derrière l’excellent blog de mon confrère Sylvestre Huet, de Libération. Autant il est naturel que Sylvestre, qui a commencé à défricher le terrain du blog scientifique il y a plusieurs années, reçoive les dividendes de son labeur, autant je trouve anormal qu’un blog comme le mien, alimenté deux ou trois fois par semaine, soit déjà numéro 2 de sa catégorie quelques mois seulement après son apparition. Ne croyez pas que je boude mon plaisir, mais ce score traduit surtout une chose à mes yeux : que le paysage francophone de l’information et de la vulgarisation scientifiques reste décidément pauvre, surtout si on le compare avec son homologue anglo-saxon.

Je parlais de rêve au début de ce billet. Parfois j’imagine qu’un média généraliste investira ce créneau sur le Web, qu’il comblera enfin la demande dans ce secteur, une demande réelle que j’ai pu mesurer lorsque je travaillais au Monde. J’aime à raconter l’anecdote suivante : c’était le 13 juillet 2006 et, le lendemain, Jacques Chirac allait participer à sa dernière fête nationale en tant que président de la République. Pour mes confrères, il fallait anticiper ce symbole évident, cette annonce de pré-retraite et il a donc été décidé de consacrer une pleine page à cet événement. Dans le même temps, dans la page Sciences et Environnement, il y avait un article sur un tétraplégique qui, à l’aide d’une électrode implantée dans son cerveau, déplaçait un curseur sur un écran par sa seule pensée. Ce n’était pas un scoop mais la simple recension d’une étude publiée dans une revue. Nous avons comptabilisé le nombre de reprises sur Internet des deux articles. Le dernier 14-Juillet de Jacques Chirac, n’en déplaise à ceux qui y voyaient un événement important sur le plan symbolique, n’a été cité qu’une centaine de fois. L’article sur le tétraplégique a dépassé les vingt mille reprises. CQFD, non ? Eh bien, non. On m’a expliqué que cela ne voulait rien dire.

Parfois, donc, je rêve que l’information scientifique est valorisée au même titre que l’information politique, diplomatique, économique ou culturelle. Qu’elle constitue bien, aux yeux des patrons de presse, une grille de lecture du monde dans lequel nous vivons. Qu’elle donne des éléments de compréhension de la société à l’honnête homme du troisième millénaire. Qu’elle l’aide à se positionner sur des débats de société importants comme l’action à entreprendre vis-à-vis du changement climatique, de la perte de biodiversité, de l’impact général de l’homme sur la planète, de l’effet de la mondialisation sur les terres arables, les ressources minérales et les déplacements de population, ou sur des débats plus ciblés comme ceux sur la bioéthique, le nucléaire, les nanotechnologies ou les OGM. Je songe à cela et puis, comme le personnage principal d’Inception incarné par Leonardo DiCaprio, je fais tourner la petite toupie qui est dans ma tête pour vérifier si je suis dans un rêve ou dans la réalité.

Pierre Barthélémy

Classement Wikio des blogs de sciences pour avril 2011 :

1 {sciences²}
2 Globule et télescope
3 Bibliomancienne
4 Technologies du Langage
5 Guy Doyen
6 SCIENCE pour vous et moi
7 En quête de sciences
8 Baptiste Coulmont
9 La Science au XXI Siècle
10 Le blogue de Valérie Borde
11 Une heure de peine…
12 Bibliothèques [reloaded]
13 Planet Techno Science
14 Scriptopolis
15 Pris(m)e de tête
16 Choux romanesco, vache qui rit et intégrales …
17 Knowtex
18 Points de vue sur l’information
19 Science étonnante
20 Polit’bistro : des politiques, du café
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