Que mangeaient les hippies?

En Californie, dans les années 1960-1970, les jeunes hippies ne font pas que l’amour, de la musique et du militantisme. Ils cuisinent et mangent aussi, souvent bio, souvent végétarien.

Dans son dernier ouvrage, Peace’n’food, la cuisine des hippies en 40 recettes, la journaliste Elsa Launay nous embarque dans l’histoire de la culture hippie, côté cuisine.

Quand les jeunes américains commencent à imposer leur contre-culture et leurs idées révolutionnaires, «tout acte quotidien devient politique: on ne peut décemment pas lutter contre la guerre et donner de l’argent aux industries qui la soutiennent, en s’alimentant de sodas et de plats préparés!».

Bio et végétarisme vont avec les idées de respect de la nature. Fermes, jardins communautaires, vente directe et recherche de l’autosuffisance commencent à s’implanter quand débarque Alice Waters, «pionnière du bio» et «mère nourricière de toute une révolution».

Chez Panisse

La jeune étudiante cherche un moyen d’appliquer les idées hippies à la réalité. Fascinée par le discours du leader Mario Savio, elle s’imprègne de sa pensée:

«Dans un de ses discours mémorables, il a dit: “l’Amérique est plus que jamais l’utopie de la stérilisation, de la satisfaction automatisée” et entendre cela m’aiderait plus tard à trouver le courage de chercher une satisfaction qui ne serait pas stérile, mais fertile et faite maison, une satisfaction que je trouverais quelques années plus tard dans la cuisine, une satisfaction qui durerait toute ma vie». (extrait de 40 years of Chez Panisse, the power of gathering, Alice Waters, Clarkson Potter, 2011, cité par Elsa Launey)

Peu après un échange universitaire en France où elle découvre de nouveaux goûts et aliments, Alice Waters, de retour en Californie, commence à écrire des recettes pour le San Francisco Express Times. Et ouvre le restaurant Chez Panisse en 1971 (en hommage aux films de Pagnol!). L’endroit devient vite un lieu de rassemblement et de réflexion, entre autres sur l’alimentation et le bio.

A la maison

En même temps, dans les foyers hippies, on mange végétarien, bio, des soupes, des ragouts, de la raw food (nourriture crue). «Le blé et le riz complets, le soja (et surtout le tofu), la luzerne et le granola jouaient un rôle important dans cette cuisine». Et le partage des tâches reste très traditionnel, note l’auteur. Les femmes font la cueillette dans le jardin et cuisinent…

On lit même quelques anecdotes culinaires sur Woodstock, en août 1969… Car 400 000 bouches à nourrir, ce n’est pas rien, et le cours du hot-dog montera très vite pendant le festival. Après quelques péripéties et problèmes d’organisation, Lisa Law, la “Queen of granola”, prendra les choses en main et servira des milliers de bols de granola et de boulgour aux courgettes.

Elsa Launay nous livre aussi quelques petites citations bien trouvées sur l’alimentation hippie, issues de ses recherches. Par exemple, un extrait de Hippie of the Haight de Sherri Cavan nous apprend qu’ “une journée hippie inclut généralement ce qu’on appelle parfois le scarffing ou le eating head food ; le scarffing est connu des membres pour avoir lieu quand quelqu’un mange une certaine nourriture, considérée par la communauté hippie comme étant particulièrement délicieuse lorsqu’on est défoncé aux drogues”.

Parmi ces aliments, sachez que l’on trouve “la glace et le beurre de cacahouètes, mais la liste peut s’étendre au gré des découvertes”.

“Hippy Hours” et “Peace of Cake”

Le livre nous propose donc aussi plein de recettes des plats communautaires, tous végétariens: granola, salade de quinoa aux airelles et amandes, corn on the cob, pois chiches à la mode cajun, chili végétarien, veggie pot pie, cookies au beurre de cacahouètes, banana bread…

Mais aussi des inventions rigolotes et référencées, comme la Tarte Peace aux framboises, le Flower Power cake ou les cocktails «Imagine» ou «Purple Haze». Des recettes accompagnées d’une playlist bien choisie, à écouter en cuisinant ou en mangeant. Il est ainsi conseillé d’écouter So long Marianne avec une salade de tomates et pastèque ou Strawberry Fields avec les quesadillas aux poivrons…

De jolies recettes pour s’imaginer en Californie. Et pour appliquer chez vous le slogan du livre: “Make food, not war”. En attendant, 40 ans plus tard, le restaurant d’Alice Waters, aux plats bio er locaux, marche toujours aussi bien.

Lucie de la Héronnière

Elsa Launey, Peace’n’Food, la cuisine des hippies, Editions Alternatives, mars 2013
Photo : Elsa Launay, image issue du livre.

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Le manifeste végétarien de Paul McCartney

L’ex-Beatles Paul McCartney a publié la semaine dernière une sorte de manifeste végétarien sur le Huffington Post, intitulé «Ma vie de végétarien – porter l’héritage de Linda».

Le petit gars de Liverpool avoue qu’autrefois, il aurait jugé les végétariens comme des «mauviettes», mais que les choses ont heureusement sacrément évolué.

Il y a 20 ans, il pouvait être «difficile de trouver des options végétariennes dans les bons restaurants. Maintenant, c’est bien agréable de voir le choix croissant, et quelques plats créatifs et brillants dans les restaurants, cafés et supermarchés». Pour l’ex-Beatles, il y a une «acceptation plus globale du végétarisme».

Il explique que sa femme Linda, aujourd’hui décédée, a joué un grand rôle dans son rapport à l’alimentation végétarienne. Elle a été persuasive et a convaincu beaucoup de gens de l’entourage des McCartney…

A l’époque, il s’agissait de respecter la vie des animaux. Aujourd’hui, «les gens sont mieux informés sur les bienfaits de la réduction de notre consommation de viande, mais aussi sur l’impact environnemental de la production de viande». Et tendent de plus en plus vers le flexitarisme

«Nous avons lancé la campagne Meat Free Monday (les lundis sans viande) en 2009, pour encourager les gens à observer leur alimentation, et à faire un changement important en renoncant à la viande un jour par semaine. Ce n’est pas une idée nouvelle, cela existe un peu partout dans le monde. Mais nous avons pensé que le lundi était un bon jour, après les excès du week-end», raconte McCartney.

Linda avait créé une entreprise de plats végétariens, qui a continué après sa disparition. Paul a voulu cette année créer quelque chose de spécial, pour rappeler son message aux gens. D’où ce joli petit clip qui sera diffusé à la télé anglaise pendant plusieurs semaines:

Et McCartney conclut: «Nous nous engageons à soutenir la vision de Linda et à faire en sorte de jouer un rôle central dans la construction d’un avenir sain, avec le végétarisme et une vie sans viande».

Lettre d’un viandard

Rien à voir entre les deux hommes, mais j’attire votre attention sur un texte intéressant défendant le point de vue opposé, publié par JP Géné dans M le magazine du Monde. Celui-ci s’adresse non pas à McCartney, mais à Aymeric Caron, qui vient de publier son ouvrage No steak.

Le chroniqueur gastronomique, qui se qualifie de «viandard» explique :

«Je sais bien qu’une poule élevée en plein air et nourrie au grain donne de meilleurs oeufs et de meilleures cuisses qu’une bestiole de batterie. Comme toi, je condamne ces élevages intensifs et ces cultures industrielles, ces camps de concentration de bovins du Middle West attendant de passer à la machine à corned-beef comme dans Tintin en Amérique. Cette monoculture sous GPS et pesticides, cette infernale mécanique agro-alimentaire qui prétend nourrir alors qu’elle ne cherche qu’à profiter. Les atteintes à la biodiversité, la disparition d’espèces et ce réchauffement climatique qui menace, je partage avec toi ces inquiétudes”.

Mais pour lui, au lieu de «supprimer l’élevage et le rosbif», il vaudrait mieux «faire autrement que les multinationales de la bouffe, de la semence et de la chimie. Qu’on puisse défendre et développer une agriculture à visage humain, respectueuse de la terre, des bêtes et des gens». Un point de vue à lire en entier. En attendant, en ce moment, l’ambiance est un peu au “choisis ton camp camarade”, non?

Image: Capture d’écran du clip réalisé par Paul Mc Cartney, avec Elvis Costello.

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Devons-nous devenir végétariens pour pouvoir nourrir toute la planète?

La population mondiale pourrait avoir à devenir quasi végétarienne dans les 40 prochaines années pour éviter des pénuries alimentaires catastrophiques. D’après le Stockholm International Water Institute, nous aurions à passer de 20% de protéines venant de produits animaux à 5% afin de réussir à nourrir les 2 milliards de personnes en plus qui seront sur terre d’ici 2050:

«Il n’y aura pas suffisamment d’eau disponible sur nos champs actuels pour produire de la nourriture pour la population de 9 milliards que nous devrions constituer en 2050 si nous nous basons sur les tendances et les changements de diète communs dans les pays occidentaux.»

Pour nous en sortir, nous devrions non seulement baisser la proportion d’aliments animaliers à 5% de nos calories consommées, mais aussi mettre en place un bon système d’échange alimentaire pour faire face à des «déficits d’eau régionaux considérables», préviennent les chercheurs dans cette étude dénichée par The Guardian.

D’après eux, devenir végétariens serait une façon d’augmenter la quantité d’eau disponible pour faire pousser plus de nourriture, puisqu’un tiers de la terre cultivable de la planète est utilisée pour faire pousser des plantes qui servent à nourrir les animaux. Pour réussir à nourrir toute la planète, on pourrait également éliminer le gâchis alimentaire ou augmenter les échanges entre les pays qui ont un surplus et ceux qui ont un déficit de nourriture.

Le Stockholm International Water Institute publient leur rapport au début de la conférence mondiale sur l’eau qui a lieu chaque année à Stockholm, en Suède, où chercheurs, politiques et ONG se retrouvent pour discuter des problèmes de ressources en eau.

Le sujet n’est pas pour autant aussi tranché que ça: il n’est en effet pas sûr que les végétariens des pays riches consomment moins des ressources planétaires que les omnivores. La Worldwide Fund for Nature a ainsi publié un rapport en 2010 sur l’impact de la production alimentaire qui soulignait que les substituts à la viande ou les aliments faits de soja importé (comme le tofu) pourraient en fait utiliser plus de terres cultivables que leurs équivalents en viande ou produits laitiers.

Photo: Abondance / popiet via Flickr CC License By

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Trompez votre boucher, devenez “carnivore infidèle”

Si vous vous nourrissez essentiellement de légumes, de fruits, de céréales et de légumineuses, mais que vous ne vous faites pas prier pour un bon barbecue ou quelques tranches de saucissons à l’apéro, vous êtes sans doute un peu flexitarien. Un mot qui vient de l’anglais flexitarian, «végétarien qui mange occasionnellement de la viande», néologisme approuvé en 2003 par l’American Dialect Society.

L’idée du flexitarisme est donc de réduire la consommation de viande, sans la faire disparaître tout à fait, en prenant en compte les bénéfices pour la santé et la planète. Un beau livre de cuisine est sorti cette année à ce sujet: Les Carnivores Infidèles, 60 recettes végés pour tromper votre boucher, publié aux Editions Cardinal. L’auteure canadienne, Catherine Lefebvre, n’est pas végétarienne, elle prône plutôt la modération et l’équilibre et explique dans l’introduction que «le but de ce livre est de mettre fin aux fausses idées à l’égard du végétarisme, d’arrêter d’avoir peur du tofu et de ses acolytes et d’essayer de manger un peu moins de viande, moins souvent».

Catherine Lefebvre est nutritionniste, auteure, conférencière et blogueuse. Grande voyageuse, elle sait que la viande n’est pas toujours la base de la cuisine du monde… Elle sait aussi expliquer les bénéfices de la diminution de la quantité de viande. En rappelant notamment que la production de viande engendre 18% des gaz à effet de serre. Et en montrant, exemples à l’appui, qu’on trouve aussi du fer et des protéines dans une alimentation sans viande…

De bien belles recettes donnent envie de tromper son boucher plus souvent. Il s’agit de créations, concoctées spécialement pour ce projet par des collaborateurs, amis, blogueurs ou journalistes: «humus des bois», «conte de féta», «risotto saignant», «guacamole nippon et pitas piquants»… Le chapitre «ils n’y verront que du feu» est particulièrement intéressant à cuisiner, avec par exemple des «faux fish n’chips et véganaise», la «côte de tofu grillée au whisky». Ou encore un «chili sin carne pour machos»… J’ai testé le «burger avec pas d’viande». Bien sûr, on ne retrouve pas le goût d’un steak saignant, même si de loin l’apparence est presque la même. La garniture est une sorte de galette aux haricots rouges, avec des champignons, du parmesan et du piment. Figurez-vous que c’était très bon (surtout avec un gros morceau de Morbier pour remplacer le fromage à burger).

Une cuisine végétarienne goûteuse et pas fade est donc un bon moyen de réduire doucement la consommation de viande, sans renoncer à vie à la côte de boeuf… Les Québécois ont plein d’autres idées pour développer le flexitarisme, comme par exemple le Lundi sans viande

Lucie de la Héronnière

Photo: Une gentille viande saignante/ Олександр via FlickCC License by

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En France, les végétariens gagnent du terrain

Ce mois-ci, Terra Eco propose un dossier intitulé “Et si les végétariens avaient raison?”… Même si “on est encore très loin d’un raz-de-marée tofu-graines germées”, le végétarisme gagne du terrain en France ces derniers temps (le nombre d’adhérents de l’Association végétarienne de France a doublé en 3 ans, Picard sélectionne des produits végétariens, les excellents restos végétariens se multiplient, des “gens de lettres” dévoilent leurs tendances végétariennes…).

Les chiffres au sujet des végétariens se font rares et le dossier de Terra Eco les actualise avec un récent sondage réalisé avec Opinion Way sur un échantillon de 1000 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Ce qui donne des données intéressantes sur le végétarisme en France:

– 3% des personnes interrogées se disent végétariennes. En 2007, l’Union végétarienne européenne avançait le chiffre de 2% pour la France… En comparaison, les végétariens sont 6% au Royaume-Uni et 9% en Suisse et en Allemagne.

– 75% des végétariens interrogés le sont pour ne pas faire souffrir les animaux… 67% veulent aussi “consommer de façon responsable et protéger l’environnement”, et 53% pensent à des questions de santé.

– 59% des végétariens jugent que leur vie sociale pâtit de leur régimes alimentaire, à cause de réflexions désobligeantes ou de marques d’incompréhension.

– 55% des non-végétariens pensent que ce régime alimentaire est dangereux pour la santé, et 57% pensent qu’il est inutile ou sans intérêt.

– 27% des non-végétariens seraient prêts à le devenir, ou au moins à devenir “flexitarien”, c’est à dire végétarien à mi-temps…

– 56% des végétariens affirment qu’ils ont du mal à se nourrir selon leur choix en France, notamment dans les restaurants et les snacks. Pour eux, il serait plus facile d’être végétarien dans un autre pays…

Enfin, notez que dans ce dossier, un article sur “la chute de l’ancien régime carnivore” permet de démonter certaines idées reçues sans doute souvent entendues par les végétariens de France et d’ailleurs. Par exemple, l’argument “Sans viande, bonjour les carences: protéines, fer, vitamine B12” est contré par une déclaration de l’Association Américaine de diététique: “les alimentations végétariennes (y compris végétaliennes) bien conçues sont bonnes pour la santé”. Les acides aminés présents dans la viande peuvent aussi être dénichés dans une combinaison de céréales et de légumineuses. On y trouve aussi du fer, comme dans les brocolis, les haricots verts, les prunes…

Autres idées reçues, “la blanquette n’est pas de la viande, c’est de la gastronomie” (mais aujourd’hui, les légumes ont toute leur place dans la gastronomie française, et la viande n’est plus la base absolue de la bonne cuisine…) ou “sans élevage, il n’y a pas d’agriculture de qualité”: mais la plupart des végétariens sont surtout contre les élevages industriels et la surconsommation, et ne veulent quand même pas éradiquer toute trace d’élevage sur la terre…

Photo: vegan pumpkin/ Elaine Vigneault via FlickCC License by

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