Notre assiette en 2035: un scénario (légèrement) catastrophe

Pour le Guardian, Alex Renton a imaginé ce que mangeront deux familles anglaises en 2035, l’une aisée, l’autre fauchée. Tenter de prédire de quoi sera faite notre alimentation dans plus de 20 ans revient à donner sa vision de l’avenir, souligne-t-il. La sienne n’est pas optimiste! Est-ce que l’on pourra toujours importer des aliments? Est-ce que le changement climatique va nous pousser à laisser tomber la viande? Est-ce qu’on préparera nos burgers via des imprimantes 3D? Voilà le scénario, pas forcément réjouissant…

La famille fauchée

Il y a un potager derrière la maison. Le coût des aliments revient à presque la moitié du revenu familial (pour comparer, en France en 2007, c’est en moyenne 25% du revenu d’un ménage), alors la famille jette très peu de choses… Et voilà le menu:

– du pain complet

Le gouvernement a décrété que la farine blanche, donc raffinée, gaspillait trop de vitamines et de minéraux. Et a donc interdit le pain blanc. En plus, le prix de la farine a explosé avec la disparition des terres arables en Inde, au sud de la Russie et aux Etats-Unis… Alors plus question d’importer.

– de la viande fabriquée en laboratoire

Petit nom: Frankensteak. Née artificiellement dans des labos. Une façon de limiter les conséquences de l’élevage sur la planète? Ou une utopie alimentaire? En tous cas, le père préfère les criquets d’élevage frits.

– des patates

C’est patates à tous les repas. Même les pâtes sont à base de farine de patates. Alors les experts s’inquiètent de la dépendance à cette unique culture. En plus, de nouvelles maladies apparaissent sans cesse et aucune des variétés anciennes n’a survécu.

– du riz

La partie la plus riche du monde, l’Asie du sud-est, mange tout le riz qu’elle produit. Alors l’importation est très coûteuse. Les tentatives de cultiver du riz en Europe sont des échecs… Le riz que la famille mange est donc fabriqué à partir de pommes de terres reconstituées ou d’orge. Comme le veut la loi, toutes les marques contiennent des nano-gélules de vitamines et de nutriments.

– du fromage et du beurre

Grâce à des troupeaux de vaches génétiquement modifiées, la famille tire la majeure partie des protéines et des graisses du lait, du fromage et du beurre.

– du poisson

Le saumon est devenu un luxe rare. On mange des poissons végétariens qui ont grandi bien au chaud dans des fermes aquacoles, développés à partir de variétés tropicales (tilapia, poisson-chat…) génétiquement modifiées avec du citron, de la tomate ou des herbes pour couvrir leur goût boueux. Et selon la loi encore, ces poissons suivent un régime enrichi en Oméga-3.

– des nano-fruits

La nourriture sous forme de nano-gélules est surtout pour les riches, mais le gouvernement subventionne quand même des pilules de fruits pour les enfants. Ouf, on peut choisir la saveur!

– du thé et du café

Le vrai thé et le vrai café sont des plaisirs réservés au jour de Noël. Mais les produits aux arômes de synthèse sont très convaincants! Les pubs disent utiliser les vrais substances chimiques qui étaient dans les grains de café et les feuilles de thé.

La famille aisée

L’art de manger est devenu une haute technologie. Cette famille autorise son ordinateur à établir un programme nutritionnel, à partir des analyses biologiques de chaque individu.  Les liquides et solides à ingérer sont automatiquement fabriqués grâce à une imprimante 3D, dans ce qui était autrefois la pièce appelée “cuisine”. Mais la vraie nourriture importée (pâte au blé authentique, chocolat, fruits ou légumes plein de soleil) est très appréciée…

– le frigo intelligent

Il dit au supermarché ce qu’on doit vous livrer, il surveille sans cesse l’état de la nourriture, il veille aux bactéries et aux virus qui traînent… Il peut alerter l’ordinateur de la cuisine quand quelque chose doit être mangé rapidement et aussi neutraliser des particules néfastes.

– les aliments frais

Les aliments “frais” durent beaucoup plus longtemps que ceux de nos ancêtres, grâce à des nano-films qui empêchent l’oxygène d’atteindre les aliments.

– la vraie viande

Pour la famille aisée, pas question de toucher à la viande artificielle. Mais les habitudes carnivores sont très chères et horrifient certains…  Alors, quand les parents veulent profiter d’une pièce de bœuf Angus à 300 livres (365 euros) le kilo, ils le font avec des gens qui les comprennent.

– de la nourriture qui rassasie bien!

Beaucoup de produits sont conçus pour nous donner l’llusion d’avoir mangé plus que nous avons mangé en réalité. Certains aliments peuvent envoyer au cerveau des hormones qui signalent le plaisir et la satiété. On peut même programmer notre fraisier pour se sentir vraiment rassasié après une seule part et ainsi éviter la tentation de la deuxième part.

– de l’alcool

On peut programmer notre vin pour que des agents chimiques soient libérés à une certaine heure, pour neutraliser l’alcool dans notre sang à un moment précis. Donc un buveur ivre peut passer de l’ébriété à la sobriété en quelques minutes. Si on le souhaite, on peut programmer les boissons pour libérer  aussi des sucres et des analgésiques dans notre sang, pour traiter la gueule de bois avant même qu’elle fasse effet.

– du chocolat, du thé et du café

Les pays qui produisaient ces produits luxueux ont été frappés durement par les changements climatiques. Les guerres et les sécheresses en Inde et en Afrique de l’Ouest ont pratiquement détruit le commerce du thé et du cacao. Seulement les très riches peuvent encore se le permettre…

Alex Renton a donc une vision assez angoissante… Plus de café, plus de thé, plus de chocolat, plus de steaks, plus de légumes frais, plus de pâtes, plus de plaisir de cuisiner, plus de marchés. Et à la place des mini-gélules de vitamines, un frigo qui choisit à notre place, des OGM partout, des aliments fabriqués en labo, du riz à la patate… Un scénario catastrophe non? Espérons que tout cela n’arrivera pas dans nos cuisines en 2035!

Photo: capsules/ bongo vongo via FlickrCC License by

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“Oui, les OGM sont des poisons”: les premières réactions

«Oui, les OGM sont des poisons» est inscrit sur un fond de maïs en gros plan. C’est la une du Nouvel Observateur à paraître demain jeudi 20 septembre, révélant les conclusions d’une étude qui fait froid dans le dos, publiée par la revue américaine Food and Chemical Toxicology.

On peut déjà lire quelques conclusions. L’expérimentation, menée par l’équipe du français Gilles-Eric Sérélini, prof de biologie moléculaire à l’Université de Caen, s’est faite dans la quasi-clandestinité. Les chercheurs ont particulièrement protégé leurs communications, craignant un sale coup des multinationales de la semence.

La conclusion est simple: même à faible dose, l’OGM étudié est «lourdement toxique et souvent mortel pour les rats». S’il s’agissait d’un médicament, il devrait être suspendu dans l’attente de nouvelles investigations. «Après moins d’un an de menus différenciés au maïs OGM, c’était une hécatombe parmi nos rats, dont je n’avais pas imaginé l’ampleur» explique le chercheur dans l’article de l’Obs. Des pathologies lourdes sont apparues. Les rats nourris au maïs OGM ont déclenché deux à trois fois plus de tumeurs que les rats sans OGM.

Selon l’Obs, c’est «une bombe à fragmentation: scientifique, sanitaire, politique et industrielle. Elle pulvérise en effet une vérité officielle: l’innocuité du maïs génétiquement modifié». En France, les premières réactions à chaud, demandes et recommandations pour le futur ont été vives dans la journée.

Au gouvernement: saisine des autorités sanitaires

Du côté du gouvernement, Marisol Touraine (ministre des Affaires sociales et de la Santé), Delphine Batho (Ecologie, Développement durable et Energie) et Stéphane Le Foll (Agriculture, Agroalimentaire et Forêt) ont directement saisi l’ANSES, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail mais également le Haut Conseil des Biotechnologies. En fonction de leurs avis (confirmation ou infirmation), le gouvernement demandera aux autorités européennes de prendre les mesures nécessaires.

Stéphane Le Foll a déclaré à Francetv info qu’il fallait vérifier les procédures scientifiques de l’étude et «reprendre le dossier d’une réforme profonde des homologation européenne». La Commission européenne a en même temps demandé à l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) de se saisir du dossier pour vérifier les conclusions.

Chez les agriculteurs

José Bové a saisi ce mercredi matin la Comission européenne afin de demander une «suspension immédiate des autorisations de mise en culture» accordées au maïs OGM. Au Grand Journal de ce mercredi, il demande l’interdiction de culture OGM l’année prochaine et l’arrêt de l’importation des farines animales OGM.

Céline Imart, elle aussi agricultrice, explique dans la même émission qu’il faut prendre en compte les exigences de productions et les législations plus souples chez les pays concurrents. Pour elle, «il faut qu’il y ait une analyse sur chaque variété». La FNSEA, principal syndicat agricole, a réclamé, en matière d’OGM, la “transparence” des aliments importés destinés au bétails. Et la fédération s’en remet aux autorités scientifiques.

Chez Monsanto

Selon la firme productrice d’OGM, il est trop tôt pour faire des commentaires. «Il faut évaluer la publication. Dès qu’elle sera disponible, nos experts se pencheront dessus pour l’évaluer scientifiquement» affirme sérieusement à l’AFP un porte-parole du groupe Monsanto en France.  Au passage, sur le site français, la dernière «actu» est intitulée «Colloque international: bénéfices des cultures OGM confirmées !».

L’Association française des biotechnologies végétales (AFBV) déclare, selon le Huffington Post, que «de nombreuses études toxicologiques ont évalué des effets à long terme des OGM sur la santé des animaux (…) et n’ont jamais révélé d’effets toxiques».

Chez les Verts
Les élus écologistes ont été les plus nombreux à réagir… Corinne Lepage (ex-ministre de l’Environnement et député européenne) explique au Nouvel Obs que “c’est une première mondiale, tout simplement parce qu’il n’y a pas d’étude menée sur des rats ayant consommé des OGM pendant deux ans et avec des analyses aussi poussées que celles que nous avons faites. Tout Etat normalement constitué aurait du faire une telle étude!”. Pour elle, tout le système est organisé pour que l’on n’en sache pas plus, à cause de l’inertie des Etats et de l’impossibilité d’avoir accès aux semences à des fins de recherches, due aux interdictions de Monsanto.

Alors, que faire? Selon Corinne Lepage, “la première chose à faire c’est qu’une étude similaire soit mise en œuvre avec des fonds publiques et menés par un organe indépendant, qu’il y ait un étiquetage correct permettant à chacun de pouvoir consommer des filières sans aucun OGM”.

Selon le Huffington Post, la députée écologiste Laurence Abeille a appelé à une interdiction totale de l’importation, de la production et de la commercialisation d’OGM à des fins alimentaires, car «ne pas agir de toute urgence serait totalement irresponsable».

Et les consommateurs…

Bref, il faut donc maintenant attendre des confirmations de cette étude par d’autres expérimentations, et voir quelles mesures de précaution vont être prises en attendant… Mais ces expérimentations contribuent en tous cas à mieux informer les consommateurs, et surtout à les interroger sur leur consommation d’OGM sans même s’en rendre compte. Un documentaire et un livre vont sortir dans les prochains jours. Avec un titré évocateur et glaçant: Tous cobayes.

Photo: two-color corn/ Zanastardust via FlickCC License by

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Miam, le menu du futur!

Glu de porc ou fromage synthétique? Cette semaine, le site de Basta!, agence d’infos sur les luttes environnementales et sociales, propose un charmant «menu de synthèse» décrivant la nourriture du futur concoctée dans les labos de l’industrie agroalimentaire. Voilà l’alléchante éventuelle carte de demain, pour nourrir les humains à moindre coût, sans trop prendre en compte les conséquences sanitaires et écologiques:

–       Une saucisse de glu de porc malaxée, mixture ressemblant à de la «guimauve rose liquide» faite en passant des carcasses de poulet ou de porc dans une centrifugeuse à haute température, pour utiliser absolument tous les morceaux. Le problème selon Basta!, «ce hachis liquide provient des parties les plus prédisposées à la bactérie E.coli et aux salmonelles». Ce qui rend nécessaire un traitement à l’ammoniaque, utilisé par exemple pour la fabrication d’engrais ou le détartrage des métaux… Cette substance gluante, surnommée Pink Slime (glu rose) a récemment provoqué la fronde de parents d’élèves aux Etats-Unis qui ne voulaient pas que leurs enfants touchent à cette mixture à la cantine.

–       Un plat de «viande séparée mécaniquement»: les restes de viande sont broyés, traités et compactés et réutilisés comme additifs dans d’autres viandes, pour «récupérer toute la substance comestible possible». En fait, on mange déjà de la «viande séparée mécaniquement» dans certaines saucisses…

–       Un beau plateau de fromages synthétiques, un fromage sans lait, “composé de trois amidons, d’un galactomannane (E410, 412, 417), d’un carraghénane (E407) et d’arômes”. L’avantage de cette chose répondant au doux nom de Lygomme™ ACH Optimum serait de ne pas dépendre des fluctuations du marché du lait et d’être moins cher… On le trouve déjà sur certaines pizzas.

–       Des animaux transgéniques, modifiés pour s’adapter aux besoins des industries agroalimentaires. Par exemple pour que les animaux grandissent plus vite, pour qu’ils polluent moins, pour qu’ils soient bien musclés… L’autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a lancé une consultation publique sur l’évaluation des risques environnementaux de ces animaux génétiquement modifiés. Pour une éventuelle autorisation de mise sur le marché?… Des programmes de recherches travaillent en outre sur la viande artificielle, fabriquée en éprouvette à partir de cellules animales.

–       Les vers, les scarabées et les papillons sont peut-être notre salut… Une idée pour limiter notre consommation de viande et ses conséquences environnementales… Selon Basta!, «il faut 8 kilos de végétaux pour produire un kilo de viande bovine. Et moins de deux kilos pour produire un kilo d’insectes”. Sur ce, bon appétit.

Photo: Forks/ Daniel Morris via FlickCC License by

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Agriculture bio: les semences de la désobéissance

La réglementation du commerce des semences favorise une agriculture productiviste et gorgée de pesticides. Inadaptée aux enjeux sanitaires et environnementaux, et de plus en plus restrictive, elle finira par pousser les paysans qui veulent «cultiver la biodiversité» à désobéir.

Mauvaise graine

Clé de voûte de l’agriculture, la semence est le tout premier maillon de la chaîne alimentaire. La contrôler, c’est régner sur l’ensemble de la filière agricole et pouvoir jongler avec les marchés de la fertilisation, des produits chimiques et des équipements. Les cadors de l’agroalimentaire l’ont bien compris. Et pour s’assurer que l’agriculture conventionnelle prospère, ils se sont dotés d’un outil imparable: la loi.

En France, seules les variétés inscrites au Catalogue officiel des espèces et variétés peuvent être échangées, gratuitement ou non, en vue de cultures commerciales. Géré par le Gnis (Groupement national interprofessionnel des semences), le Catalogue a été créé en 1932 pour remettre de l’ordre sur ce marché alors désorganisé. Variétés différentes vendues sous le même nom ou variétés identiques aux appellations variables… Il était nécessaire de clarifier l’offre et d’assurer l’identité de la semence achetée par l’utilisateur.

Au fil des ans, le Catalogue est devenu une pomme de discorde entre les semenciers et les paysans non conventionnels. Pour ces derniers, il n’aurait servi qu’à évincer les variétés paysannes traditionnelles, inadaptées aux cultures intensives, à la mécanisation et aux pesticides. Freinant par ailleurs l’essor de l’agriculture biologique, dont les semences sont fréquemment éliminées par les critères DHS (distinction/homogénéité/stabilité), auxquels elles doivent répondre pour être inscrites et commercialisées légalement.

Selon Guy Kastler, membre de la Confédération paysanne, «une semence industrielle, homogène et stable, ne peut pas s’adapter aux différents territoires sans produits chimiques, contrairement aux semences paysannes, parfaites pour l’agriculture biologique». Pour le ministère de l’Agriculture, le problème ne vient pas des critères du Catalogue, mais du marché morcelé de l’agriculture bio, et des difficultés à rentabiliser son développement.

Gratin de pesticides

«Alors que la France possédait la plus forte diversité de fruits au monde il y a quelques décennies, seulement cinq variétés de pommes sont commercialisées dans l’Hexagone aujourd’hui. Celles qui résistaient naturellement aux aléas climatiques et aux insectes ont été éliminées. Pourtant fragile, la fameuse Golden a été imposée sur le marché. Réclamant une trentaine de pesticides par an, elle représentait une manne financière pour les grands groupes de l’agrochimie», dixit l’ingénieur agronome Claude Bourguignon dans le film de Coline Serreau Solutions locales pour un désordre global.

Gâteaux, produits à base de céréales, légumes et fruits frais ou en conserve… Les pesticides sont présents dans tout ce que nous mangeons, ou presque. Car le Catalogue compte essentiellement des semences «standardisées», destinées aux cultures conventionnelles.

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