Face aux critiques sur le Nutella, Ferrero contre-attaque

L’affaire de la «taxe Nutella» n’est pas encore terminée. Comme le rapporte France info, l’amendement sur l’augmentation de la taxe sur l’huile de palme a été adopté mercredi par le Sénat… Avant d’être rejetée jeudi.

En effet, cette proposition était intégrée au budget 2013 de la Sécurité sociale. Or ce budget n’est pas passé, les communistes et la droite ayant voté contre. Le texte fera l’objet d’un nouvel examen à l’Assemblée Nationale, mais d’ici là, rien ne changera pour pour les entreprises agro-alimentaires utilisant de l’huile de palme, sauf si «un député s’empare du dossier et relance la taxe Nutella».

En attendant, Ferrero contre-attaque, sentant les critiques pleuvoir, avec ou sans taxe. L’entreprise publie dans plusieurs quotidiens (le Figaro, le Parisien…) une double page pour défendre son produit culte. Le slogan “Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour” tombe vraiment comme un cheveu sur la soupe au bas de la communication.

Une jeune femme demande: «Nutella, c’est délicieux, mais pourquoi y a-t-il de l’huile de palme?», à côté d’une explication-justification… Notamment sur les acides gras saturés, accusés entre autres de favoriser des maladies cardio-vasculaires, présents en grande quantité dans l’huile de palme et donc dans le Nutella:

«Contrairement aux idées reçues et à certaines communications opportunistes, dans le cadre d’une alimentation équilibrée, l’huile de palme n’est pas dangereuse pour la santé. Elle présente, en termes de matières grasses, un profil nutritionnel proche de celui du beurre»

Sauf que l’on ne consomme pas du tout de la même manière l’huile de palme, cachée dans mille produits industriels, et le beurre. Et que l’avis de l’ANSES, c’est qu’il faut absolument limiter l’acide palmitique, présent dans l’huile de palme.

Ensuite, pour les défenseurs du Nutella, l’huile de palme permet d’éviter les acides gras trans, également très nocifs selon les autorités sanitaires.

“Aujourd’hui Nutella se retrouve de manière injuste, au cœur d’un débat sur l’huile de palme(…). Nous l’utilisons parce qu’elle permet de garantir l’onctuosité et consistance souhaitée sans avoir recours au processus d’hydrogénation des matières grasses, qui peut occasionner la formation d’acides gras trans”

Cette comparaison est quelque peu bancale… “Au petit jeu du «l’autre c’est pire, M’sieur c’est pô moi»  chacun se justifie pour faire en sorte que l’on ne lui impose rien” écrit Adrien Gontier, jeune chimiste qui a vécu un an sans huile de palme et aborde le sujet de manière approfondie sur son blog.

L’huile de palme est aussi la moins chère du marché. Ferrero ne l’utilise donc pas seulement pour préserver l’onctuosité de son produit…

En tous cas, la marque s’est sentie attaquée “de manière injuste” et a lancé ce grand plan de com’. Ce qui prouve qu’elle ne compte pas abandonner l’huile de palme, l’ingrédient essentiel de son produit phare, avec ou sans taxe.

Pendant ce temps là, le nageur Yannick Agnel raconte sur Eurosport qu’il est «uniquement dopé au Nutella» et un «nutelliste anonyme» livre au Plus Nouvel Obs son expérience d’addiction rapide au Nutella, qui lui a fait prendre 16 kilos en un mois…

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Ferrero digère mal “l’amendement Nutella”

Suite de l’affaire de «l’amendement Nutella», évoquée ici mercredi… Après une proposition d’augmentation de 300% de la taxe sur l’huile de palme, Frédéric Thil, directeur général de Ferrero France, s’exprime ce samedi dans le Parisien, avant l’examen du texte à l’Assemblée nationale à partir du 12 novembre.

Il défend bien sûr son produit phare, le Nutella, symbole des excès d’huile de palme dans l’industrie agro-alimentaire.

Pour lui, il s’agirait d’une augmentation de taxe injuste:

«On s’attaque à un produit fabriqué en France depuis cinquante ans qui est l’un des préférés des Français. Les répercussions sont catastrophiques alors que les arguments avancés sont injustes».

Ensuite, il évacue les arguments sanitaires à l’encontre de l’huile de palme. Il se contente de la comparer aux huiles hydrogénées (très mauvaises également selon l’ANSES):

«L’huile de palme, comme le beurre, le fromage, contient des acides gras saturés. Il ne faut pas en abuser. Mais, contrairement à d’autres huiles, on n’est pas obligé pour la travailler de passer par une phase d’hydrogénation qui crée des acides gras trans qui sont, eux, très mauvais pour la santé. Et c’est essentiellement pour cela qu’elle est utilisée dans le processus de fabrication».

Bon, en vrai, il y a sans doute pas mal d’autres raisons, comme son prix très faible par rapport aux autres gras et ses propriétés physiques qui donnent cette texture bien particulière au Nutella…

Enfin, pour rassurer les fans et hérisser les anti-Nutella, Frédéric Thil explique dans les colonnes du parisien que «même si cette taxe est votée, nous n’allons pas modifier notre recette. Nous allons l’expliquer à nos consommateurs. Nous allons aussi montrer les démarches que nous menons auprès de nos producteurs en Malaisie. Depuis 2005, nous nous sommes engagés dans la labellisation internationale RSPO. Notre objectif est d’avoir à l’horizon 2015 une production 100% durable en évitant notamment les problèmes de la déforestation».

Avec cette éventuelle taxe, le kilo de Nutella devrait augmenter de 6 centimes, mais le directeur assure qu’il souhaite «essayer de trouver des solutions pour que les consommateurs et notre outil de production soient pénalisés le moins possible».

Cette première réaction de Ferrero fait  donc un peu douter de l’efficacité de cette fameuse “taxe Nutella”. Reste à voir, si le projet de loi est voté, quelles seront les réactions de ses collègues de l’industrie agro-alimentaire.

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Le Sénat prépare une “taxe Nutella”

L’huile de palme est loin d’être le gras idéal, ni pour la santé, ni pour l’environnement. Elle contient beaucoup d’acides gras, accusés par l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire) de favoriser entre autres des maladies cardio-vasculaires. Or, elle entre dans la composition d’un tas de biscuits, plats industriels, pains de mie, margarines, mais aussi (en très grande quantité!) dans l’icônique Nutella.

Le Monde rapporte que la Commission des affaires sociales du Sénat a adopté cet après-midi un «amendement Nutella» au projet de budget de la Sécurité sociale, visant à augmenter de 300% la taxe sur l’huile de palme. Elle cible donc une immense gamme de produits, bien plus large que la pâte à tartiner choco-noisette, symbole des excès d’huile de palme dans l’industrie agro-alimentaire.

L’auteur de l’amendement, le rapporteur de la Commission Yves Daudigny (PS), précise à l’AFP qu’il s’agit d’un signal, “non à destination des consommateurs, mais à destination des industries agroalimentaires pour qu’elles substituent à ces huiles de nouvelles compositions plus respectueuses de la santé humaine”.

Avec cet amendement au projet de loi de financement 2013 de la Sécurité sociale (PFLSS, qui sera examiné au Sénat à partir du 12 novembre), les producteurs devraient ajouter 300 euros par tonne à la taxe déjà existante sur «les huiles de palme, de palmiste et de coprah destinées à l’alimentation humaine, en état ou après incorporation dans tous les produits». 20 Minutes précise que pour un pot d’un kilo de Nutella, la taxe s’élèverait à 6 centimes… Est-ce que cela sera dissuasif?

En France, on consomme 126 000 tonnes d’huile de palme à usage alimentaire par an. Du coup, cette augmentation de la taxe additionnelle rapporterait environ 40 millions d’euros.

Après, on peut se demander si l’huile de palme à usage non alimentaire sera également taxée? Car cette huile, dont la production pose des problèmes de déforestation, est aussi beaucoup utilisée dans des produits d’hygiène et de ménage.

En outre, est-ce qu’elle sera appliquée à l’huile de palme portant le label RSPO, censée être produite de manière plus respectueuse de l’environnement et des hommes? Comme souvent en matière de taxes sur les produits alimentaires (bière, sodas…), l’affaire est très complexe.

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Plantations d’huile de palme: quelles conséquences pour la planète?

Dernier épisode de notre série de papiers sur l’huile de palme (premier épisode: l’huile de palme, vraiment mauvaise pour la santé? et deuxième: pourquoi met-on de l’huile de palme partout?)

Le palmier à huile est cultivé en Afrique, en Amérique du sud, mais surtout dans les deux principaux pays producteurs, l’Indonésie et la Malaisie. C’est l’huile végétale la plus consommée au monde, plébiscitée par l’industrie agro-alimentaire. En plus des conséquences sur la santé comme nous l’avons déjà vu ici, l’huile de palme pose un certain nombre de problèmes écologiques…

Déforestation massive

L’huile de palme est extraite par pression à chaud de la pulpe des fruits du palmier à huile. 85% des plantations d’huile de palme sont en Indonésie et en Malaisie. Boris Patentreger, chargé de programme conversion forestière et papier au WWF souligne:

«c’est un gros enjeu de développement dans ces deux pays, et en Afrique et en Amérique latine aussi, dans une moindre mesure. Mais on estime qu’en Malaisie et en Indonésie, 60% des plantations se sont développées à la place des forêts vierges. En Indonésie, 4 millions d’hectares sont menacés par les palmiers à huile».

Pour Greenpeace, en Indonésie c’est même “l’équivalent d’un terrain de foot de forêt qui disparaît toutes les 15 secondes. Les plantations de palmiers à huile sont l’un des principaux moteurs de cette catastrophe écologique”.

Le rapport de cause à effet n’est pas forcément direct pour tous. Alain Rival, chercheur au Cirad (Centre coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement), déclare:

«le plus souvent, quand les compagnies forestières coupent du bois, par la suite soit la forêt dégradée est laissée telle quelle, soit les villageois s’y installent, soit on y met des plantations. La conversion de la forêt en plantations de palmiers n’est pas systématique, mais la tendance s’accélère depuis quelques années dans des régions comme Bornéo ou le bassin du Congo, qui réclament une vigilance accrue.”

Biodiversité en baisse

L’inquiétude va aussi vers la disparition d’espèces animales et végétales. Pour Boris Patentreger du WWF, «une plantation, c’est 1 ou 2% de biodiversité par rapport au 100% de biodiversité d’une forêt vierge qu’elle remplace. Et cette perte de biodiversité menace des animaux comme les orangs-outangs ou les éléphants de Sumatra». L’orang-outang est d’ailleurs devenu un symbole des campagnes de lutte contre la déforestation en Indonésie.

Les organisations écologiques soulignent que cette production engendre aussi de fortes émissions de gaz à effets de serre et une utilisation massive d’engrais chimiques, croissant en même temps que la production, c’est à dire très rapidement. D’ici une dizaine d’années, la demande mondiale d’huile de palme devrait devrait doubler.

Alain Rival du Cirad explique que le problème de pollution majeur vient des déchets d’huilerie: “Le fruit du palmier doit être traité très vite, sur le lieu de plantation. Le mélange eau/huile produit par les huileries doit être traité comme les eaux usées d’une ville, dans des bassins de décantation. Mais cette fermentation rejette des gaz à effet de serre”.

Il existe un système de bassins couverts pour récupérer le méthane produit, permettant en même temps de produire de l’énergie, installé seulement dans les usines nouvelles pour le moment. Pour le Cirad, qui défend “une intensification écologique” profitant aux petits exploitants, ce système est “en passe de devenir la norme”.

Villages et villageois

La production d’huile de palme peut être perçue comme un facteur d’éradication de la pauvreté. Pour Alain Rival,

«un hectare en Indonésie, c’est 3000 dollars par an pour le planteur. Cette attractivité place le palmier à huile bien devant d’autres cultures, mais entraine une ruée vers l’or dans les campagnes tropicales. Les problèmes fonciers, sociaux sont aigus et les gouvernements doivent s’impliquer dans la filière, pour légiférer, normaliser et encadrer cette culture en plein boom ».

Boris Patentreger du WWF, explique que ces plantations engendrent aussi «de fortes pressions sur les communautés locales. Les forêts appartiennent souvent aux Etats, qui octroient des permis de planter. Cela entraîne des délocalisations forcées, voire des conflits armés».

Selon le quotidien indonésien Kompas repris par Courrier International en 2011, le nombre de conflit entre les gros producteurs de palmiers et les paysans s’opposant à l’extension de cette monoculture sur leurs terres a “pratiquement triplé en un an, passant de 240 à 660, et ont coûté la vie à 3 personnes”.

Des réactions diverses

Alors les associations ne restent pas les bras croisés. Début 2010, Nestlé a été la cible d’une campagne de Greenpeace dénonçant l’utilisation de l’huile de palme dans ses barres Kit-Kat. Avec un spot choc montrant que faire une pause Kit Kat revenait (presque!) à tuer un orang-outang…

L’association voulait dénoncer Sinar Mas, le premier producteur indonésien d’huile de palme, qui fournissait le géant de l’agro-alimentaire sans grand souci de l’environnement. Peu de temps après, Nestlé a cessé de se fournir auprès du producteur accusé de couper des arbres à tour de bras. Burger King a fait la même chose.

Evidemment, cela permet de faire passer une image d’enseigne soucieuse de la santé de la planète. Mais l’enjeu médiatique et financier est des deux côtés: ainsi, en juin dernier, l’Association Ivorienne des producteurs de palmiers à huile a porté plainte contre le groupe Système U (groupe qui s’est engagé à réduire ses produits contenant de l’huile de palme), à cause d’une publicité résumant schématiquement les dégâts de l’huile de palme. L’association affirmait alors au figaro.fr que «cette campagne est diffusée à des fins uniquement mercantiles, et sans conviction écologique aucune, ni analyse scientifique sérieuse».

Huile durable ?

Pour répondre à la demande en diminuant les conséquences négatives sur la planète, la production s’oriente doucement vers l’huile de palme durable. La Roundtable on Sustainable Palm Oil (RSPO), rassemblant producteurs, industriels et des ONG, cherche à développer une production certifiée durable depuis 2004.

Cette table ronde a mis en place un  certain nombre de critères, comme la transparence, le respect des lois locales, nationales et internationales, l’usage raisonné d’engrais, des bonnes conditions de travail, le recyclage des déchets…

Selon ces critères, les nouvelles plantations ne doivent pas remplacer des forêts primaires ni occuper des «zones ayant une ou plusieurs hautes valeurs pour la conservation» et des cultures ne doivent pas être mises en place sur le sol d’une population locale sans son consentement libre et informé.

Pour Alain Rival, cette table ronde a «l’avantage d’établir une communication entre des acteurs multiples, aux intérêts souvent divergents. Elle a permis dans des délais relativement courts de mettre en place des principes et critères partagés, en constante évolution afin de les rendre adaptables à des types de plantation très différents».

Dans un rapport publié en mai 2011, les Amis de la Terre dénoncent «l’arnaque de l’huile de palme durable». Greenpeace n’est pas non plus enthousiaste et parle de cette affiliation RSPO comme d’une «belle illusion» ou d’un «cache-sexe écologique», à cause d’une «mise en œuvre lacunaire et défaillante» des critères, sans mécanisme de contrôle sérieux.

De nombreuses entreprises agro-alimentaires (comme par exemple en France Pasquier, Cémoi, Brossard, Nestlé, Saint- Hubert,Saint-Michel…) sont membres de la RSPO et s’engagent à utiliser plus d’huile de palme durable dans les prochaines années. Greenpeace parle de greenwashing: une recherche d’image marketing écolo pour les industriels utilisant une huile de palme “certifiée durable”…

Quid du boycott ? La question se pose souvent. L’échelle française ne ferait pas beaucoup bouger le marché, puisque 50% de la production va en Inde, Chine et Indonésie. Entre 12 et 17% de la production va en Europe. Pour les défenseurs de la RSPO, le boycott cesserait de tirer la filière vers le haut. De plus, arrêter de la consommer pour avaler de l’huile de coprah, produite dans des conditions similaires, ne ferait que déplacer le problème.

Au WWF, on pousse surtout, comme l’explique Boris Patentreger, à «avoir une alimentation non transformée, de saison. Car l’huile de palme se trouve en grande majorité dans les aliments industriels! Mais il restera toujours une dose d’huile de palme à utiliser. Alors elle doit être certifiée durable et tracée».

Lucie de la Héronnière

Photo: Oil palms/ Allen Gathman via FlickCC License by

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Pourquoi met-on de l’huile de palme partout?

Deuxième épisode de notre enquête sur l’huile de palme (premier épisode: l’huile de palme, vraiment mauvaise pour la santé?)

La production d’huile de palme est utilisée à 80% dans le secteur alimentaire. Le reste sert à fabriquer des produits d’hygiènes, cosmétiques ou de ménage. Comme on l’a vu ici, c’est donc loin d’être le gras idéal, tant au point de vue nutritionnel et sanitaire qu’écologique et social.

Mais alors, pourquoi les usines agro-alimentaires continuent à l’utiliser aussi largement? Tout d’abord, le prix influence bien sûr les industriels… Le palmier à huile est exceptionnellement rentable. Parmi les huiles végétales, celle de palme est la moins chère du marché.

Pas chère, la palme

Selon l’USDA (le Département de l’agriculture des Etats-Unis), l’huile de palme avait un prix moyen de 1052 dollars par tonne entre octobre 2011 et mars 2012. Sur la même période, l’huile de soja était côtée 1234 dollars à Rotterdam, l’huile de tournesol 1229 dollars et l’huile de coprah 1389 dollars. Les industriels arguent donc que l’huile de palme leur permet donc de rester compétitif sans augmenter les prix…

Mais l’huile de palme est aussi beaucoup utilisée dans l’industrie agro-alimentaire à cause de ses «qualités» technologiques. D’abord, elle reste semi-solide à température ambiante dans nos climats tempérés. Elle est donc pratique à transporter, et donne  un côté onctueux aux produits comme la margarine.

Le chimiste Adrien Gontier, qui a contacté de nombreux industriels pour documenter son blog sur une année sans huile de palme, explique les propriétés séduisantes du produit:

«cet aspect semi-solide apporte du fondant, de la longueur en bouche aux chocolats. Cet argument n’est pas forcément valable puisque le beurre de cacao apporte aussi du fondant… Autre exemple, dans les soupes en poudre, l’huile de palme permet de mettre du gras sans que la poudre colle au sachet, mais reste bien sèche».

Croustillant et fondant

Mais l’huile de palme peut aussi donner du croustillant aux pâtes à tarte toutes prêtes. Pour Adrien Gontier, «ces arguments ne sont pas toujours vérifiés. Un biscuit à l’huile d’olive peut être très croquant aussi! En fait, les arguments des industriels sont vrais, mais les propriétés vantées ne sont pas inhérentes à la palme».

Ces aspects de texture sont étroitement liés au goût des produits. L’huile de palme, c’est entre 20 et 30% d’un pot de Nutella. On ne connaît pas le pourcentage exact, c’est un «secret de fabrication»… En substituant l’huile de palme à du beurre ou à une autre huile, la texture onctueuse changerait, tout comme le goût. Il faudrait donc habituer les consommateurs à la nouveauté gustative, un gros risque à prendre pour les industriels…

L’huile de palme «tient bien à la cuisson, elle est moins fragile que l’huile de colza, souligne Adrien Gontier. Mais aujourd’hui, la majorité des chips sont désormais frites à l’huile de tournesol, c’est un bon exemple de substitution progressive». En outre, elle s’oxyde peu et se conserve facilement. «Mais veut-on forcément faire des gâteaux qui tiennent 10 ans dans un placard?» se demande Adrien Gontier.

Des remplaçants potables?

Cécile Rouzy, diététicienne à l’Ania (Association nationale des industries alimentaires), expliquait en 2010 à l’AFP qu’ «aucune autre matière grasse végétale ne peut remplacer l’huile de palme sans modifier la recette». Tout du moins «pas au même prix, ni avec les mêmes délais de conservation».

Des gros groupes tentent quand même le “sans huile de palme”. Findus assure ainsi avoir supprimé l’huile de palme de tous ses produit depuis le 1er décembre 2010, après avoir commencé par les produits phares comme les poissons panés.

En 2010, Casino a pris l’engagement de substituer petit à petit l’huile de palme par d’autres graisses pour les produits alimentaires de sa marque (et seulement alimentaires: les savons et produits de ménage ne sont pas concernés par la suppression).

Philippe Imbert, directeur de la qualité du groupe, affirme que «sur les 571 produits alimentaire de la marque Casino, 75% sont aujourd’hui sans d’huile de palme. Pour certains, comme la margarine, la substitution est plus compliquée, la R&D fait un gros travail. Il y a la question du prix aussi…»

Les recettes sont changées, la matière grasse devient une huile plus liquide comme de tournesol ou de colza, ou du beurre. Quels sont les produits les plus difficile à fabriquer sans huile de palme? «Les pâtes à tartiner, la margarine, les fonds de tarte, les fourrages des biscuits» selon Philippe Imbert. «Si on ne trouve pas de solution pour certains produits d’ici 2015, on utilisera de l’huile de palme durable», explique-t-il.

Bonne volonté ou marketing, de plus en plus de groupes se lancent. Mais les données du problème sont nombreuses et le rendent presque insoluble: une huile de palme bio ou durable a exactement les mêmes effets qu’une autre sur nos artères. Parallèlement, si on utilise une huile de palme durable dans l’alimentation sans se soucier des produits ménagers et d’hygiène, la démarche écologique n’est pas complète.

En même temps, si on choisit d’acheter des biscuits sans huile de palme, il convient de vérifier sur les étiquettes si le gras controversé n’est pas remplacé par exemple par une autre huile, partiellement hydrogénée pour la rendre plus solide. En effet, les huiles hydrogénée contiennent des acides gras trans, qui augmentent aussi les risques cardio-vasculaires.

Sur ce sujet, les entreprises agro-alimentaires  mettent en avant dans les faits et le marketing, soit l’aspect nutritionnel, soit l’aspect environnemental. Aux consommateurs, donc, de voir ce qu’ils veulent privilégier.

Lucie de la Héronnière

Pour des infos sur l’usage de l’huile de palme dans les produits de ménage, d’hygiène ou les cosmétiques, pas traité sur ce blog sur l’alimentation, vous pouvez consulter le blog très bien documenté d’Adrien Gontier!

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L’homme qui vivait sans huile de palme

Adrien Gontier, 26 ans, est chimiste. Depuis juillet 2011, il traque l’huile de palme partout, pour vivre sans ce gras contesté pour ses dommages sur la santé et l’environnement. Considérée comme moins chère par les industriels, elle est très utilisé dans l’alimentation (biscottes, biscuits, pâte à tartiner…). Adrien Gontier raconte ses tribulations sur son blog, Vivre sans huile de palme, avec des chroniques rigoureuses, scientifiques, et très drôles.

Pourquoi vous-êtes vous lancé ce défi ?

A la base, j’étais déjà assez sensibilisé à ce que je consommais, citoyen attentif sans être vraiment militant. Un jour, j’ai eu une discussion avec des amis, ils ne connaissaient pas l’huile de palme. Le lendemain, j’ai lu un article dans Courrier International sur une journaliste qui avait vécu un an sans Made in China. Et j’ai eu un déclic… J’ai donc commencé mon année sans huile de palme et ses dérivés en juillet 2011, pour faire un bilan à ce sujet, dénicher l’huile de palme où elle se cache et réfléchir à la manière dont on peut s’en passer.

Pourquoi avez-vous choisi l’huile de palme comme élément à éliminer ?

L’huile de palme a des conséquences sur la santé qui dépendent des antécédents de chacun, et aussi provoque des problèmes sociaux et environnementaux. Mais cette démarche est surtout un bon moyen de se poser des questions pour mieux consommer de manière générale. Les industriels ne vont pas arrêter l’huile de palme du jour au lendemain. C’est la même chose pour beaucoup d’autres problèmes, la déforestation, la surconsommation. Je me demande par exemple aussi s’il est normal de jeter un tiers des aliments produits…

Comment ça se passe dans la vie courante pour éviter l’huile de palme ?

En fait, c’est un processus, je dois chercher beaucoup d’infos, je suis plutôt en année de transition car l’huile de palme se cache partout. Je l’élimine au fur et à mesure. Au quotidien, ça ne change pas trop car je faisais déjà beaucoup la cuisine et n’achetais pas trop de préparations industrielles, mais il faut juste faire plus attention. Des dérivés de l’huile de palme et palmiste sont aussi souvent présents dans les savons, shampooings, déodorants, et même les produits ménagers… Alors je cherche des alternatives. Il faut remettre en question toute sa consommation. Par exemple, dans une purée en sachet, je voyais qu’il n’y avait pas explicitement d’huile de palme dans les ingrédients. Mais des mono et diglycérides d’acides gras, qui peuvent peut-être provenir de l’huile de palme… On ne peut le savoir qu’en contactant les industriels! J’ai découvert comme ça 140 dérivés de l’huile de palme et palmiste, et ce nombre peut encore grandir. C’est une vraie boîte de Pandore!

Avez-vous des astuces spéciales ?

Je suis chimiste alors j’ai des idées et j’adore tester… Je cuisine depuis longtemps et je cherche donc des alternatives. Par exemple je fais du Nutella maison, qui n’a pas le même goût que le vrai bien sûr. Mais c’est génial, car il n’est pas standardisé… Et contrairement à ce qu’on peut penser, ça ne coûte pas plus cher de manger sans huile de palme. J’ai fait un calcul sur une semaine, et j’ai obtenu une moyenne de 2,60 euros par repas, ce qui est assez raisonnable…

Comment réagissent les industriels quand vous leur écrivez pour avoir plus d’informations ?

Les grandes marques répondent souvent, mais pas forcément de manière claire. Il ne faut pas trop leur en demander! Je dois vraiment insister pour avoir des précisions sur le terme «matière grasse végétale»…

Et vous partagez toutes les informations que vous récoltez…

Oui, une connaissance non partagée ne vaut rien! Alors j’ai décidé d’écrire ce blog pour raconter cette expérience. J’ai aussi écrit un Petit Guide vert pour aider les gens qui se posent des questions sur leur consommation d’huile de palme. En fait, c’est assez simple, il suffit de connaître 4 mots clés pour retrouver tous les dérivés «palmés». Quand on commence à lire les étiquettes, c’est un engrenage…

Propos recueillis par Lucie de la Héronnière
Photo: Jukwa Village Palm Oil Production, Ghana/ oneVillage Initiative via FlickCC License by

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Vous ne saviez pas que le Nutella était si gras? Demandez un remboursement à Ferrero!

Athena Hohenberg est une maman américaine. Son histoire est racontée par le Monde.fr: elle vit à San Diego et gave son enfant de Nutella. Jusqu’à ce qu’elle se rende compte que la pâte à tartiner n’est pas vraiment un produit diététique et sain… En février 2011, elle décide alors d’intenter une action en nom collectif contre l’entreprise Ferrero, en argumentant que la publicité montre le Nutella comme «un exemple de petit déjeuner équilibré et savoureux» et une pâte «plus saine qu’elle ne l’est en réalité».

Athena a été «choquée de découvrir que le Nutella était une nourriture ni saine ni nourrissante, mais à peine mieux que des bonbons, et qu’il contenait des niveaux élevés de graisses saturées». En effet, le Nutella est composé essentiellement de sucre, d’huile de palme, de cacao et de lait écrémé. Même si très savoureux, le Nutella n’est pas tout à fait ce qu’on appelle un”petit déjeuner équilibré” (et Athena n’a pas dû beaucoup lire les étiquettes pour ne pas s’en rendre compte avant).

Ferrero nie les accusations et décide de «conclure un accord avec les parties impliquées». Alors Ferrero USA, filiale du fabricant de pâte à tartiner, versera jusqu’à 4 dollars par pot de Nutella acheté en Californie entre août 2009 et le 23 janvier 2012, ou dans le reste des Etats-Unis entre janvier 2008 et le 3 février 2012. Les consommateurs doivent envoyer leur demande avant le 5 juillet, mais le remboursement ne peut pas excéder 5 pots… Au total, cela correspondrait à la coquette somme de 3,05 millions de dollars. Le monde.fr ajoute que cette somme ne va pas beaucoup pénaliser l’entreprise, qui est largement bénéficiaire. La filiale USA s’engage aussi à «modifier certaines déclarations marketing sur le Nutella» et à mieux détailler les informations nutritionnelles…

Précisons que l’accord ne concerne pas le reste du monde. Donc dommage, un aficionado européen ne pourra pas se faire rembourser sa consommation de Nutella des trois dernières années… Et nous n’aurons pas non plus droit à des mesures spéciales pour de meilleures informations nutritionnelles. Les publicités vont continuer à décrire le Nutella comme faisant partie intégrante d’un «petit déjeuner équilibré», aidant les enfants à avoir de l’énergie toute la journée et comme un produit contenant des jolies noisettes, du lait et du bon cacao. Et bien sûr sans jamais mentionner dans les spots télévisés un des principaux ingrédients, l’huile de palme.

Photo: Nutella. 38-365./ PV KS via FlickrCC License by

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Nutella: miam, la bonne huile de palme!

Nutella adulé, Nutella décrié. La pâte à tartiner engraisse l’entreprise Ferrero et… les enfants. Owni a enquêté sur le Nutella, « l’acropâte »… Pour parer aux critiques sur son rôle dans l’obésité enfantine, Nutella a récemment orchestré une belle campagne de com’, et pas seulement en distribuant des crêpes gratos.

 

En janvier, un communiqué de presse de Ferrero enfonçait le clou sur une étude réalisée par le Credoc – en 2003!- pour prouver que la consommation n’était pas excessive en France. Selon Ferrero, les 2/3 des enfants consommateurs de Nutella ne dépassent pas les 5 tartines par semaine (mais je suppose que comme moi, vous connaissez de nombreuses personnes – enfants, ados et adultes- qui engloutissent plutôt 5 tartines par goûter…).

La nutritionniste Béatrice de Reynal explique à Owni qu’il n’existe pas de réelle dépendance au Nutella, mais plutôt que les fans d’aujourd’hui ont été biberonnés à la pâte à tartiner : « Les saveurs de l’enfance sont imprimées durablement dans le cerveau comme étant les référents de ce qu’il y a de mieux ! (…) Ils [Ferrero]prétendent que la quantité recommandée sur 30 g de pain est 15 g de Nutella. Je vous mets au défi de trouver des adolescents qui ne mettent que 15 g de Nutella sur du pain ». J’avoue que j’ai tenté avec une balance électronique. Une tartine agrémentée de seulement 15 g de Nutella a en effet l’air bien maigrelette et radine.

Alors le problème pour ces petits et gros consommateurs, c’est que l’huile de palme (qui compose environ 30% du Nutella) n’est pas le meilleur gras du monde, au contraire… Owni cite l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail): « À l’exception de l’huile de palme (très riche en acide palmitique et présente dans de nombreux produits manufacturés), il est conseillé de consommer et de diversifier les huiles végétales (les huiles de colza et de noix sont les sources principales d’acide alpha-linolénique). »

Sauf que le l’huile de palme est consubstantielle du produit, car elle lui donnerait une telle texture irrésistible… Le Nutella ne peut exister sans ce gras saturé qui augmente le mauvais cholestérol dans le sang. En plus, l’huile de palme est l’oléagineux le plus productif à l’hectare…

Rappelons qu’une rumeur de la disparition pure et simple du Nutella avait plané en juin 2010… Et ce via une nouvelle réglementation européenne sur l’affichage nutritionnel, qui aurait obligé Ferrero à étiqueter son produit phare d’un « Attention, danger, favorise l’obésité ». En fait, le Parlement européen n’avait aucunement l’intention d’interdire ou de limiter la commercialisation du produit. En attendant, Nutella se porte au mieux. Comme le rapporte l’express.fr, des Nutelleria viennent d’ouvrir en Italie et en Allemagne : des « fast-food 100% Nutella ». Que les fans ne s’emballent pas, que les anti-Nutella se rassurent : pour l’instant, il n’y a aucun projet d’ouverture de Nutelleria en France.

Photo: Nutella. 38-365./ PV KS via FlickrCC License by

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