Entre confiance et méfiance dans l’assiette

Avec cette affaire de lasagnes à la viande de cheval, la confiance (ou pas) dans ceux qui font notre alimentation est questionnée. A l’occasion du Salon de l’Agriculture à Paris, le baromètre Ifop pour Dimanche Ouest-France sur les agriculteurs montre que les Français font majoritairement confiance à ceux qui cultivent et produisent leurs aliments bruts.

77% (c’est + 3 points par rapport à 2012) des sondés pensent qu’ils peuvent avoir confiance dans le travail des agriculteurs. 69% (+ 5 points) pensent qu’ils sont respectueux de la santé des Français.

Les agriculteurs sont jugés “modernes” par 80% des Français. Mais aussi “compétitifs” par 58%, chiffre en baisse de 6 points. Par contre, seulement 54% estiment que les agriculteurs sont respectueux de l’environnement.

Côté industries

La confiance dans les produits bruts et l’image des agriculteurs semblent donc préservées. Ces dernières semaines, c’est plutôt l’image de l’industrie agro-alimentaire qui s’est dégradée.

Comme le souligne La Tribune, un Français sur quatre déclare ne plus vouloir consommer les marques mises en cause dans l’affaire de la viande de cheval. En outre, pour 70% des Français, ce scandale n’est pas un accident isolé, et est “révélateur d’une réelle détérioration de la qualité des produits alimentaires”.

Toujours selon la Tribune, une étude menée par Tilder/OpinionWay pour LCI montre que 56% des Français ne font pas confiance aux indications sur la composition indiquées sur les étiquettes des produits.

Confiance?

Cette confiance (ou méfiance) envers ceux qui fabriquent et transforment le contenu de nos assiettes est en ce moment au coeur des débats. François Hollande a insisté sur la confiance, hier, lors de l’inauguration du Salon de l’Agriculture: “Je suis venu délivrer un message de confiance dans l’agriculture française” affirmait-il en arrivant, rapporte Ouest-France.

Le Président s’est déclaré partisan d’un « étiquetage obligatoire sur les viandes qui sont insérées, introduites dans les produits cuisinés. D’ici là je soutiendrai avec le ministre de l’Agriculture et les ministres concernés toutes les initiatives qui seront prises pour des démarches volontaires d’étiquetage de manière à ce que le consommateur puisse être informé de la provenance des produits qu’il consomme, et notamment des viandes »

Seule une évolution de la législation européenne pourra permettre cet étiquetage obligatoire de l’origine de la viande dans les plats préparés. Une transparence qui pourra sans doute rassurer…

Il est encore question de confiance quand, interviewé par BFMTV, José Bové explique que «les consommateurs sont inquiets aussi de savoir comment sont nourris les animaux. (…) Je pense aux farines animales dont on dit qu’elles vont être réintroduites, il faut clairement là aussi que ce soit étiqueté !».

Des inquiétudes et indignations se sont faites entendre à l’annonce de la Commission européenne affirmant que les poissons d’élevage pourraient à nouveau être nourris avec des farines de porcs et de volailles à partir du 1er juin. Malgré cela, François Hollande a déclaré hier que la France ne réintroduira pas les farines animales dans l’alimentation d’élevage. De quoi rassurer un peu?

Photo: CHAMPS/ Hrvoje Go via FlickCC License by

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La Good Food March est en route vers Bruxelles

Depuis fin août, des milliers d’Européens marchent vers Bruxelles. Une centaine d’organisations (paysannes, environnementales, mais aussi des associations de consommateurs) de 15 pays participent à la Good Food March, et convergent vers le Parlement Européen, où se tiennent les discussions sur la réforme de la PAC (Politique agricole commune).

L’objectif est d’ «alerter l’opinion sur les négociations en cours et inviter les citoyens à faire entendre leur voix pour défendre une agriculture plus équitable, plus verte, plus humaine». En France, les partenaires de l’opération sont donc liés à cette thématique: la Confédération Paysanne, la Fondation Nicolas Hulot, le Mouvement des AMAP, Slow Food France, WWF, Attac… Tous partent du principe qu’une alimentation de qualité passe d’abord par une agriculture de qualité. Et qu’il faut donc essayer de peser sur les orientations de la PAC.

A pied, à vélo ou en tracteur, les volontaires vont vers la Belgique avec 4 grandes «caravanes», en faisant tout le parcours ou juste des étapes départementales. Pierre-Alain Prévost, coordinateur de la manifestation en France, est dans la caravane partie du Pays Basque, aujourd’hui près d’Alençon. Il explique que chaque jour, les marcheurs participent à «des conférences, des fermes ouvertes, des tables rondes, des goûters à la ferme ou encore des soirées-débat sur la PAC»…

«Nous voulons lier production agricole et alimentation », souligne l’organisateur. Les constats de départs de la Good Food March sont que l’agrobusiness supplante le monde rural, que le système agricole actuel détruit les sols et réchauffe le climat, que la crise de production favorise la concentration des exploitations. Et que la malbouffe est liée à nos modes de production…

Alors Pierre-Alain Prévost et ses compères marcheurs veulent arriver à «une souveraineté alimentaire» et «trouver une alternative à la concentration agro-industrielle, développer le tissu agricole des petites et moyennes fermes», car celle-ci «sont plus respectueuses de l’environnement, créatrices d’emplois, et s’adaptent aux territoires». Pour tout cela, il faudrait donc «réorienter les aides de la PAC».

11 «demandes fondamentales» sont ainsi formulées par les organisateurs. Ils appellent entre autres à une PAC qui «valorise notre patrimoine culturel, naturel et gastronomique», «accompagne la transition vers une agriculture plus verte et plus durable, et promeuve des méthodes de production agro-écologiques», ou encore «garantisse la culture des protéines locales pour l’alimentation animale plutôt que le soja importé»…

Pendant la durée de la Good Food March, des évènements sont aussi organisés «hors caravanes», comme une journée de mobilisation le 13 septembre dans les Pyrénées Orientales, ou un grand pique-nique à Paris le dimanche 16, sur l’Esplanade des Invalides.

Au final, les caravanes parties de toute l’Europe arriveront en même temps à Bruxelles, le 19 septembre, pour une journée de discussion avec les élus européens, dans le but de peser sur les décisions en matière d’agriculture, grâce à ce mouvement civil et à des «doléances» apportées de toute l’Europe.

Une grande campagne de demandes citoyennes en photos sera aussi montrée aux députés et commissaires… Des dizaines d’européens ont été photographiés, tenant une petite pancarte avec des inscriptions telles que «pour une PAC avec des paysans dedans», «mieux manger = mieux vivre» ou encore… «I love les tomates qui ont du goût».

Lucie de la Héronnière

Photo: Des demandes récoltées pendant la marche en France, blog de la Good Food March.

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Quinoa, la petite graine de l’Altiplano produite aussi en France?

La petite graine des hauts plateaux andins, désormais en rayon dans n’importe quel supermarché, a vu son succès mondial s’accroître très rapidement. Dans le magazine Terra Eco du mois de février, Hélène Binet nous raconte que même des producteurs français se lancent dans l’aventure…

 

La «graine sacrée des Incas» à la française…

La famille Rochefort, dans le Loiret, a expérimenté la culture bio du quinoa. Jacques, qui aime les challenges agronomiques, a acheté 10 kg de graines et les a tranquillement semées dans ses champs. Et ça a marché ! Il ne faut pas non plus se réjouir trop vite, car selon lui, «les ennuis commencent généralement la deuxième année».

Dans le Maine-et-Loire, près d’Angers, 30 agriculteurs préparent déjà leur quatrième récolte. C’est l’américain Jason Abbott qui fait en 2008 le pari d’un quinoa à la française. Après de nombreux essais, observations et analyses, la Coopérative agricole du Pays de Loire l’aide à développer l’exploitation. La première récolte est décevante… Mais grâce à des chercheurs néerlandais, des croisements et sélections sont réalisés, pour arriver à 3 variétés qui s’adaptent bien à la France.

Résultat, à l’automne dernier, 300 tonnes de quinoa on ne peut plus local on été commercialisées dans les supermarchés de la région. De quoi satisfaire les locavores amateurs de quinoa?… En tous cas, Jason explique à Terra Eco qu’il ne s’agit «en aucun cas de concurrencer le marché bolivien», puisque le potentiel de développement du quinoa est énorme et que la commercialisation va rester locale.

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“Manger mieux, manger juste”: un soir à la Ruche…

Dans un petit passage du 18ème arrondissement de Paris, des dizaines de personnes franchissent une porte, munis de cabas vides, et en ressortent avec des plaques d’œufs, des sacs de pommes, du beurre frais ou encore un joli petit lapin tout prêt à être cuisiné.

Ils viennent de se rendre dans une Ruche qui dit oui, une société qui répond plutôt bien aux aspirations locavores de nombreux consommateurs. Le principe? C’est une plateforme communautaire d’achats groupés effectués directement auprès des producteurs locaux. Des consommateurs construisent une ruche de quartier ou de village (pour l’instant, 447 ruches en France), autour d’un responsable de Ruche.

Les producteurs font des offres de produits disponibles. Puis les membres commandent, par internet. Si la commande atteint une quantité ou un poids minimal global, c’est validé et le producteur livrera sa marchandise lors d’une distribution de la Ruche…

A chaque nouvelle proposition, chaque membre de la Ruche est libre de participer ou non à la commande. Chacun compose son «menu»: le système est donc souple. Et on paye tranquillement par internet. Bref, un circuit court plutôt malin.

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Pendant que le bio ralentit, le locavorisme s’envole

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

«L’insolente santé» de l’alimentation bio risque de se ternir quelque peu, selon un article du monde.fr basé une étude du cabinet Xerfi (un document destiné aux exploitants agricoles, aux industriels de l’agroalimentaires, aux distributeurs et à la restauration). La croissance de ce marché va ralentir, pour plafonner à 5% en 2015. C’est largement moins bien que dans les dernières années: entre 2006 et 2010, les taux de croissance du secteur se situaient plutôt entre 10 et 25%…

Selon le cabinet, c’est la faute à la crise: les consommateurs établissent des priorités. Et comme les produits biologiques restent plus chers… Autre tendance du bio pour les prochaines années, la grande distribution va continuer à élargir sa gamme et à augmenter sa part de marché.

Le diagnostic établit que le locavorisme (privilégier les achats de produits locaux) va peut-être même évincer le bio… Pour Xerfi, la notion de proximité est devenue incontournable dans la filière alimentaire. Bref, le cabinet enfonce le clou sur le “made in France”, déjà installé comme un des thèmes de la campagne présidentielle. Bien sûr, bio et locavorisme ne sont absolument pas contradictoires.  Mais l’étude affirme que “ce «locavorisme» montant est une opportunité pour les acteurs du bio «made in France» mais aussi une menace dans la mesure où il représente une offre concurrente pour le consommateur souvent infidèle et zappeur”.

Xerfi avait d’ailleurs publié en 2010 une autre étude intitulée «Locavores, «Régions & terroirs», «Made in France»: les nouveaux Eldorados de la filière alimentaire?». Une tendance favorisée par deux facteurs, «la montée en puissance de tendances socio-comportementales axées autour du locavorisme» et, «en lien avec la crise, le penchant au repli sur soi qui tend à favoriser le made in France». Pour Xerfi, c’est une «aubaine incontestable pour les industriels de l’agroalimentaire, les exploitants agricoles et les distributeurs»

Mais c’est bien sûr aussi une occasion de développer d’autres modes de production, distribution et consommation des denrées alimentaires. A ce propos, je vous parlerai la semaine prochaine de la Ruche qui dit oui, un moyen de combiner circuits courts et achats groupés, pour “manger mieux, manger juste”.

Photo: Ready for the shop/ hardworkinghippy via Flickr CC License by

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Agriculture bio: les semences de la désobéissance

La réglementation du commerce des semences favorise une agriculture productiviste et gorgée de pesticides. Inadaptée aux enjeux sanitaires et environnementaux, et de plus en plus restrictive, elle finira par pousser les paysans qui veulent «cultiver la biodiversité» à désobéir.

Mauvaise graine

Clé de voûte de l’agriculture, la semence est le tout premier maillon de la chaîne alimentaire. La contrôler, c’est régner sur l’ensemble de la filière agricole et pouvoir jongler avec les marchés de la fertilisation, des produits chimiques et des équipements. Les cadors de l’agroalimentaire l’ont bien compris. Et pour s’assurer que l’agriculture conventionnelle prospère, ils se sont dotés d’un outil imparable: la loi.

En France, seules les variétés inscrites au Catalogue officiel des espèces et variétés peuvent être échangées, gratuitement ou non, en vue de cultures commerciales. Géré par le Gnis (Groupement national interprofessionnel des semences), le Catalogue a été créé en 1932 pour remettre de l’ordre sur ce marché alors désorganisé. Variétés différentes vendues sous le même nom ou variétés identiques aux appellations variables… Il était nécessaire de clarifier l’offre et d’assurer l’identité de la semence achetée par l’utilisateur.

Au fil des ans, le Catalogue est devenu une pomme de discorde entre les semenciers et les paysans non conventionnels. Pour ces derniers, il n’aurait servi qu’à évincer les variétés paysannes traditionnelles, inadaptées aux cultures intensives, à la mécanisation et aux pesticides. Freinant par ailleurs l’essor de l’agriculture biologique, dont les semences sont fréquemment éliminées par les critères DHS (distinction/homogénéité/stabilité), auxquels elles doivent répondre pour être inscrites et commercialisées légalement.

Selon Guy Kastler, membre de la Confédération paysanne, «une semence industrielle, homogène et stable, ne peut pas s’adapter aux différents territoires sans produits chimiques, contrairement aux semences paysannes, parfaites pour l’agriculture biologique». Pour le ministère de l’Agriculture, le problème ne vient pas des critères du Catalogue, mais du marché morcelé de l’agriculture bio, et des difficultés à rentabiliser son développement.

Gratin de pesticides

«Alors que la France possédait la plus forte diversité de fruits au monde il y a quelques décennies, seulement cinq variétés de pommes sont commercialisées dans l’Hexagone aujourd’hui. Celles qui résistaient naturellement aux aléas climatiques et aux insectes ont été éliminées. Pourtant fragile, la fameuse Golden a été imposée sur le marché. Réclamant une trentaine de pesticides par an, elle représentait une manne financière pour les grands groupes de l’agrochimie», dixit l’ingénieur agronome Claude Bourguignon dans le film de Coline Serreau Solutions locales pour un désordre global.

Gâteaux, produits à base de céréales, légumes et fruits frais ou en conserve… Les pesticides sont présents dans tout ce que nous mangeons, ou presque. Car le Catalogue compte essentiellement des semences «standardisées», destinées aux cultures conventionnelles.

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Avant la pizza, le ketchup a failli être considéré comme un légume

Dans les cantines américaines, subventionnées par l’Etat, la part de pizza est déjà considérée comme un légume, à condition qu’elle soit composée de deux cuillères à soupe de sauce tomate, rapporte AP. Dans le cadre de la lutte contre l’obésité, sur les recommandations de l’Institut de médecine de 2009, le département américain de l’Agriculture souhaitait augmenter cette quantité à 125 millilitres mais des lobbys agroalimentaires ont lutté activement contre le vote d’une telle mesure, estimant que cela constituerait beaucoup trop de sauce tomate pour une part de pizza. ConAgra Foods et Schwan Food Company, qui sont deux entreprises importantes dans la distribution de pizzas surgelées aux cantines américaines, plaident pour la flexibilité des options des cantines. Le Congrès leur a donné raison.

Une flexibilité qui  intervient également dans le contexte de restriction des dépenses fédérales, rappelle à ABC l’experte Jennifer Cohen de la New America Foundation.

«Des repas plus sains coûtent plus chers. Aussi longtemps que l’on restera dans une situation d’austérité budgétaire et fiscale au niveau fédéral, il est peu probable de voir un changement en faveur de repas sains à l’école le midi.»

En effet, si le département américain de l’Agriculture mettait en place les recommandations de 2009 de l’Institut de médecine, les changements apportés (notamment la restriction d’aliments riches en féculent comme les pommes de terre ou le maïs) pourraient augmenter le coût de chaque déjeuner de 14 cents.

Reagan et le ketchup

Un tel débat avait déjà eu lieu sous le gouvernement Reagan qui avait tenté de diminuer le budget fédéral alloué aux cantines des écoles publiques en classant le ketchup, moins cher que les légumes verts, comme un légume. Toute cantine subventionnée est, en effet, tenue de respecter des normes nutritionnelles fixées par le département américain de l’Agriculture. Comme le raconte la chronique The Straight Dope du Chicago Reader, peu de temps après l’arrivée au pouvoir du gouverneur californien à la Maison Blanche, un ultimatum de 90 jours avait été adressé au département américain de l’Agriculture chargé de repenser les normes nutritionnelles des cantines subventionnées par les deniers publics après qu’un milliard de dollars avait été retiré de ce budget.

Une des options proposées par le comité d’experts et de directeurs de cantines était d’inclure le ketchup dans la variété de légumes servis, un aliment connu pour être très apprécié des enfants et qui sélectionné comme légume aurait pu, de ce fait, éviter le gaspillage. Sous la pression des médias et de l’opposition démocrate, la proposition avait été écartée.

Clinton et la salsa

Cela sera de même avec la proposition du département de l’Agriculture, sous le gouvernement Clinton, d’introduire la sauce salsa dans les cantines américaines en tant que légume. Par ailleurs, un arrêt de la Cour suprême de 1893, Nix v. Hedden, avait décidé que, contrairement à la définition de la botanique qui considère la tomate comme un fruit, la tomate est bel et bien un légume selon la loi douanière.

Du côté des lobbys, l’American Frozen Food Institute a argué qu’un tel activisme «vise à s’assurer que des légumes riches en nutriments comme les pommes de terre, le maïs et les pois continuent à faire partie d’un régime alimentaire équilibré proposé par les cantines, qui reçoivent des subventions fédérales, et à reconnaître la proportion significative de potassium, de fibres et de vitamines A et C apportée par la purée de tomates, garantissant en cela que les étudiants profiteront encore de repas sains comme la pizza et les pâtes».

Comme le relate un article de MotherJones, selon les données du Center for Responsive Politics, le secteur de l’agroalimentaire aurait dépensé près d’1,4 milliard de dollars en lobbying de 1998 à 2011. Un tel investissement financier reste en deçà de celui des secteurs de la santé et de la finance mais est supérieur au lobbying du secteur de la défense.

Photo: Une bouteille de ketchup Heinz. Fernando de Sousa via Flickr CC Licence By

 

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Comment la pomme de terre a changé le monde

La patate, cinquième plus importante culture dans le monde après le blé, le maïs, le riz et le sucre de canne, pourrait symboliser la mondialisation.

Originaire des Andes péruviennes, elle est importée en Europe par les Espagnols au début du XVIe siècle et connaît des records de consommation aux Etats-Unis, qu’elle soit frite, cuite ou en purée. Comme la mondialisation, la pomme de terre, qui appartient à la famille des solanacées, est l’objet de critiques: crainte par les Français pour les flatulences que sa consommation provoquerait ou redoutée par les Britanniques qui y voient une importation du catholiscisme romain («Pas de pommes de terre, pas de papauté» était un slogan politique en 1765).

Pire, sa contamination par le mildiou, un champignon parasite, provoque une pénurie alimentaire à grande échelle entre 1845 et 1848 en Irlande où la tubercule de pomme de terre constituait la nourriture de base des paysans irlandais. Par conséquence, on doit à la pomme de terre l’émigration massive de survivants irlandais aux Etats-Unis au XIXe siècle, raconte le Smithsonian Magazine qui retrace l’histoire de la pomme de terre. Un aliment qui avait déjà été mis sur un piédestal lors de l’année internationale de la pomme de terre en 2008.

La Grande Famile irlandaise va servir a posteriori d’accélérateur de perfectionnement des techniques agricoles européennes et de sa démographie en raison des qualités nutritives des pommes de terre cultivées, entre autre, par les paysans allemands.

Dans l’article sur la pomme de terre de l’Encyclopédie, le philosophe français Denis Diderot estime que la pomme de terre «ne peut être regardée comme un aliment appétissant, mais il procure une quantité abondante d’une nourriture raisonnablement bonne pour des hommes qui veulent avant tout du consistant». Pour l’historien William H. McNeill, la pomme de terre a contribué à l’édification de vastes empires coloniaux européens:

«En nourrissant des populations qui croissent rapidement, elle a permis de garantir la prédominance d’une poignée de nations européennes sur le monde entre 1750 et 1950.»

En France, la culture de la pomme de terre s’est amplifiée grâce aux efforts du scientifique Antoine-Augustin Parmentier pour l’introduire dans l’alimentation du roi Louis XVI, dont le pouvoir été menacé par la hausse continue du prix du pain, pour montrer que la pomme de terre était une alternative tout aussi nutritive.

J.C

Photo: Des quartiers de pommes de terre avec des oignons RBerteig via Flickr CC License by

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