L’huile de palme, vraiment mauvaise pour la santé?

Cachée dans les biscuits, les plats préparés, les viennoiseries du supermarché, la mayonnaise en tube, le pain de mie, la fameuse pâte à tartiner aux noisettes, les céréales et bien d’autres produits, y compris bio, elle est rendue coupable de mille maux. Souvent considérée comme un ingrédient «politiquement incorrect», elle est accusée d’être un des grands ennemis de la santé. Qui est-elle? L’huile de palme bien sûr!

Tout d’abord, qu’est-ce donc au juste que cette graisse tant décriée? Il s’agit d’une huile végétale naturelle, issue d’un palmier spécifique, le palmier à huile Elaeis guineensis. Comparée aux autres huiles, elle est très riche en acides gras saturés (50%), accusés de s’accumuler dans les artères et de favoriser le cholestérol.

Mauvais gras bien caché

Dans son avis sur la “réévaluation des apports nutritionnels conseillés en lipides: ni trop, ni trop peu” rendu public en mars 2010, l’ANSES, Agence nationale de sécurité sanitaire, précise:

“les acides gras saturés sont consommés en excès par la population française (16 % des apports énergétiques en moyenne alors que l’apport nutritionnel conseillé est inférieur à 12%). Ils sont notamment constitués d’acides laurique, myristique et palmitique qui, en excès, sont athérogènes”.

Justement, vous l’aurez deviné, un des composants essentiels de l’huile de palme est l’acide palmitique. Il est donc athérogène, c’est à dire qu’il favorise les dépôts graisseux à l’intérieur des vaisseaux sanguins. Et augmente par conséquent les risques cardio-vasculaires quand il est consommé de manière excessive.

L’ANSES jette clairement la pierre sur l’huile de palme en expliquant:

«les lipides ont des effets bénéfiques sur la santé à condition de diversifier les apports en graisses végétales et animales pour respecter l’équilibre des apports entre les différents acides gras. A l’exception de l’huile de palme (très riche en acide palmitique et présente dans de nombreux produits manufacturés), il est conseillé de consommer et de diversifier les huiles végétales (les huiles de colza et de noix sont les sources principales d’acide alpha-linolénique).”

Autre problème, l’huile de palme n’est pas facilement identifiable: le manque de transparence des étiquettes est la règle dans ce domaine. Ainsi, la mention «huile végétale», connoté positivement dans nos esprits de consommateurs, cache bien souvent l’utilisation de l’huile de palme.

L’huile de palme et ses dérivés peuvent apparaître sous des noms divers. Adrien Gontier, chimiste qui a vécu un an sans huile de palme (en le racontant ici, une mine d’info), a dressé une liste des appellations que l’on peut rencontrer dans les rayons des supermarchés: graisse palmiste, oléïne de palme, stéarine de palme…

Dans son petit guide vert, il propose une liste des produits (alimentaires mais aussi d’hygiène ou de ménage) identifiés contenant de l’huile de palme ou des dérivés, impressionnante et pouvant évoluer de jour en jour.

Et ailleurs?

Ceci dit, il s’agit quelque peu de soucis européens… L’huile de palme non raffinée, utilisée dans des plats traditionnels en Afrique, au Brésil ou encore en Indonésie a quelques avantages en plus. Adrien Gontier explique qu’elle est “rouge, avec une odeur forte. On la trouve dans un plat de riz au poulet en Afrique par exemple. Mais là elle est utilisée additionnée, comme un plus, et pas pour masquer un goût ou créer une texture”.

Le jeune chimiste précise dans son dernier billet que l’huile de palme vierge – souvent consommée dans les pays producteurs – est particulièrement riche en carotènes. Mais elle perd la plupart de ces carotènes lors du raffinage – qui fait changer sa couleur vers le blanc – pour une utilisation dans l’industrie agro-alimentaire. L’huile de palme non raffinée est également riche en tocophérols, un antioxydant important. Par contre, raffinée ou pas, elle est toujours très riche en acides gras saturés.

Alain Rival, chercheur qui travaille sur le sujet de l’huile de palme au Cirad (Centre de recherche agronomique pour le développement), explique d’ailleurs qu’il faut “raisonner en termes d’habitudes alimentaires. Je vais souvent à Djakarta. Presque toute la nourriture est frite à l’huile de palme: riz, poisson, poulet… Mais les gens ont d’autres habitudes que les Européens, mangent des fruits, ignorent les fast-foods et les plats tout prêts” .

Une question de quantité

En 2010, la marque Findus a publié une étude sur le sujet en partenariat avec le nutritionniste Jean-Michel Cohen. Cette enquête évoque une consommation moyenne individuelle de 57 grammes d’huile de palme par mois, soit 1,9 grammes par jour. Cela représente environ 10% des apports maximum en acides gras saturés. Cependant, les adeptes du grignotage et du réchauffage de surgelés peuvent dépasser les 300 g d’huile de palme par mois.

Pour Findus, il s’agit d’une consommation «inconsciente et non maîtrisée». La marque en profite d’ailleurs pour annoncer à grand renfort d’outils de communication la suppression de l’huile de palme dans ses produits

Pour l’ANSES, les acides gras saturés laurique, myristique et palmitique ne doivent pas dépasser 8% de l’apport énergétique total. En sachant que le total des lipides recommandé est de 35 à 40% de l’apport énergétique total.

Ce n’est donc pas une recommandation, mais un seuil juste avant l’excès. Pour l’Efsa (l’Autorité de sécurité alimentaire européenne), comme il existe une relation entre l’apport en acides gras saturés et l’augmentation du cholestérol, «un seuil d’apport d’acides gras saturés en-dessous duquel aucun effet indésirable n’est observé ne peut pas être défini. Dés lors un apport maximal tolérable ne peut pas non plus être fixé».

Il s’agit donc d’être raisonnable… La diététicienne Brigitte Coudray explique que «ces acides gras saturés présents dans l’huile de palme ne sont pas des amanites phalloïdes! Il y a des risques cardio-vasculaires en cas d’excès. Mais il ne faut pas oublier que l’augmentation du cholestérol est multi-factoriel».

Penser global

L’huile de palme est un lipide «caché» (entrant dans les recettes de l’industrie alimentaire) en opposition aux lipides «visibles» (huile de cuisson, beurre, qu’on utilise en tant que graisse). Brigitte Coudray déclare en effet que «l’huile de palme est décriée car on ne la trouve pas dans le commerce à l’état brut. Elle entre dans la composition de plats cuisinés, biscuits, etc. Le problème c’est que l’on en consomme sans s’en apercevoir. Il faut donc lire les étiquettes ou cuisiner soi-même!»

Il faut également penser global, car il y a des acides gras saturés dans les autres huiles. Même si l’huile de palme en contient 50%, l’huile d’olive en contient 15%, l’huile de tournesol 11,5% l’huile de colza un peu plus de 7,5%… Autrement dit, si on consomme beaucoup d’huile de tournesol avec des légumes, on peut ingérer plus d’acides gras saturés que quelqu’un qui consomme une petite tartine de Nutella à l’huile de palme chaque matin!

Près de 60% du gras contenu dans le beurre est également saturé. Mais celui-ci a l’avantage d’être riche en vitamine A…

Pour la diététicienne Ariane Grumbach,

«il y a des matières grasses saturées naturellement dans l’alimentation, dans la viande par exemple. Celle qui compose l’huile de palme n’est pas mauvaise en soi, elle est devenue mauvaise par les quantités consommées, qui ont beaucoup augmenté depuis 20 ou 30 ans. L’important, c’est de limiter la consommation d’aliments industriels. Ou au moins, regarder la liste des ingrédients, et comme le conseille Michael Pollan, ne pas manger ce que votre grand-mère n’aurait pas connu… »

Et de préciser: «l’huile de palme bio ou durable a exactement les mêmes conséquences sur la santé! Il vaut donc mieux acheter des aliments bruts à cuisiner… C’est mieux d’un point de vue économique, gustatif, nutritionnel. Mais c’est comme tout, l’huile de palme occasionnellement n’est pas dangereuse!». Comme on ne mange pas une demi-plaque de beurre par jour, il ne faut donc pas abuser d’huile de palme.

Alors, est-ce qu’il y a des matières grasses à privilégier? L’ANSES a proposé une nouvelle classification distinguant les acides gras “indispensables”, dont font partie les oméga 3 et 6 par exemple, et les “non indispensables”, comme les acides gras saturés. On n’a donc absolument pas besoin d’une dose de Nutella quotidienne, par contre il est indispensable de manger régulièrement du poisson…

Et Ariane Grumbach conclut que “le tout huile d’olive n’est pas non plus une solution. Alors j’encourage une consommation de gras raisonnable et surtout variée!”. Le meilleur moyen de prendre conscience des quantités de graisses qu’on consomme est donc extrêmement simple: cuisiner.

Lucie de la Héronnière

A suivre dans les prochains jours: Plantations d’huile de palme, quelles conséquences pour la planète?… Et, pourquoi on met malgré tout de l’huile de palme partout?

Photo: Jukwa Village Palm Oil Production, Ghana/ oneVillage Initiative via FlickCC License by

12 commentaires pour “L’huile de palme, vraiment mauvaise pour la santé?”

  1. Je vis en Tanzanie depuis 8 ans, je suis né en Afrique, je constate que les populations préparent leur nourriture quotidienne à base d’huile de palme et que je n’ai jamais rencontré autant de centenaires qu’ici! Alors, je me dis que nous ne pouvons pas juger, ni dénigrer un aliment parce que nos habitudes alimentaires ne sont plus les bonnes parce que trafiquées.
    Il faut que nous retrouvions les modes de nutrition de nos aïeux… Equilibrées même si jugées non équilibrées par des “nutritionistes” de quel aloi? Qui peut juger de ce que l’orgnisme de chacun, différent de tous les autres, a besoin?
    Qui peut se permettre de savoir mieux que chacun ce qu’il doit faire ou manger ou penser?
    Ces théoriciens de la bouffe, comment sont-ils personnellement… En pleine forme? Je crois que la seule théorie valable dans ce domaine est l’écoute de soi et aucune théorie “faiseuse de pognon” ne pourra jamais se prévaloir de savoir mieux que l’individu les besoins de son propre métabolisme.
    Nous sommes des animaux qu’on le veuille ou non et en regardant la nature et ces habitants il n’y en a aucun qui suit le moindre régime spécifique! Tous se laissent guider par leur besoin physiologique du moment.

  2. cuisiner oui…..mais à l’huile, les margarines étant riches en huile de palme le plus souvent…

  3. L’huile de palme n’est pas seulement mauvaise pour la santé mais aussi écologiquement pas correct . Car il déforeste un forêt entière pour planter ces palmier qui détruit l’habitat de la faune et la flaure.

  4. Attention :

    “On n’a donc absolument pas besoin d’une dose de Nutella quotidienne, par contre il est indispensable de manger régulièrement du poisson…”

    Il n’est absolument pas indispensable de manger régulièrement du poisson ; c’est une façon parmi d’autres d’obtenir des omégas 3. Une cuillère de lin suffit à couvrir les apports journaliers recommandés. On en trouve aussi, notamment, dans les noix, le soja, les haricots rouges et l’huile de colza. Quant aux autres nutriments du poisson, ils se trouvent eux aussi dans d’autres aliments.

  5. Un Strasbourgeois s’est astreint à tenir un an sans consommer d’huile de palme… eh ben vive la galère compte-tenu du peu d’information disponible.
    http://www.rue89strasbourg.com/index.php/2012/07/03/societe/un-an-sans-huile-de-palme-un-strasbourgeois-a-revolutionne-sa-consommation/

  6. Je trouve cela assez cocasse et déroutant de voir a quel point les pays européens sont prêt a tout pour protéger leurs intérêts financiers et économiques. La question que je me pose est la suivante? Quel aliment, consomme en excès, est bon pour la sante? Aucun! Même la surconsommation d’eau est néfaste pour l’être humain. Pourquoi ce débat ne concerne pas aussi le beurre de cacao qui contient 60% d’acides gras satures?

  7. Pourquoi ils mettent de l’huile de palme partout ?? Devinez…………. c’est super original !! Ben…….ça pousse très vite, gros rendement par pied, traitement industriel facile, très bon marché [ et puis il faut qu’elle soit bien transparente bien aseptisée pour que le plus grand nombre ne sente rien hein !…D’ailleurs……le sucre blanc ultra rafiné,—- je l’appelle le sucre aryen ………..qui sert à rien….ah!: ah! qu’est ce qu’on rigole!!——- le glucose est le mème genre de poison………..
    Bref…….. la cupidité humaine , les psychopathes économiques………comme d’hab………..
    Salut les internautes……………….O
    l

  8. Super article, intelligent, bien renseigné, très bonne explication et surtout une pépite pour les personnes intéressées par les questions nutritionnelles: Ne mangez pas ce que votre grand mère n’aurait pas connu. Conseil à ajouter d’autres tels que: on ne mange que quand on a faim et uniquement la quantité nécessaire. Merci pour cet article que j’ajouterais sur twitter à la série #santé.

  9. […] Deuxième épisode de notre enquête sur l’huile de palme (premier épisode: l’huile de palme, vraiment mauvaise pour la santé?) […]

  10. @ Michael : vous n’avez apparemment pas lu l’article : le problème de l’huile de palme est que l’on en mange sans s’en rendre compte ! Le chocolat, quand on en mange, on le voit… D’où sort cette phrase “Je trouve cela assez cocasse et déroutant de voir a quel point les pays européens sont prêt a tout pour protéger leurs intérêts financiers et économiques”… Vous dites donc qu’il n’y a pas de problème avec l’huile de palme ? Donc les publications sur le sujet sont des mensonges et celles allant dans votre sens non… bien entendu ! Et vous n’avez donc vous aucun intérêt dans l’huile de palme…?

  11. […] épisode de notre série de papiers sur l’huile de palme (premier épisode: l’huile de palme, vraiment mauvaise pour la santé? et deuxième: pourquoi met-on de l’huile de palme […]

  12. J’ai fait toute ma carrière professionnelle en Afrique Centrale et je dois dire que j’apprécie beaucoup la cuisine à l’huile de palme brute pour sa saveur et sa texture. De plus je suis un professionnel de la production et de la transformation de l’huile de palme.
    Lucie, je trouve votre article bien fait, sans passion, faisant bien ressortir les bienfaits de cette huile, et les problèmes de santé entraînés par une consommation abusive. Tout et dans la pondération et surtout un manger sain, sans abuser des produits tout prêts.
    Je suis pour ma part un fervent défenseur de cette huile qui permet un apport culinaire à des milliards d’êtres humains en Afrique, Indonésie, Chine , Inde, Malaisie, Brésil et autres; qui du fait de sa haute productivité permet de limiter les surfaces plantées de palmiers, en comparaison du colza.
    Mon commentaire viendra à la lecture très attendue du prochain billet sur les conséquences pour la nature.

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