Un petit verre de Cabernet galactique?

 

Le Chili est bien connu –entre autres– pour ses bons vins et ses observatoires astronomiques géants (installés surtout dans le nord du pays en raison de l’air sec et du ciel sans nuages). Le britannique Ian Hutcheon a eu l’idée de mélanger les deux éléments, en fabriquant du vin aux particules de météorites. BBC Mundo l’a rencontré dans sa bodega un peu spéciale.

Hutcheon créé le Centre astronomique de Tagua Tagua en 2007, à San Vincente, dans le centre du Chili. Un jour, un ami collectionneur américain lui offre un morceau de météorite trouvé dans le désert d’Atacama, précieux caillou qui s’est “formé à la naissance du système solaire”. Et là, c’est le déclic pour cet amoureux du vin: il décide de concocter un breuvage qui lierait ses deux passions.

Alors comment fabrique-t-on cette boisson céleste? Un morceau de météorite est très simplement introduit dans une barrique de vin. Et il ne reste plus qu’à laisser vieillir et interagir pendant 12 mois. Le potentiel et la saveur du vin changent.

Avant d’arriver à l’élixir parfait, l’astronome britannique a testé différents cépages et observé les différentes réactions… Pour arriver à la conclusion que le Cabernet Sauvignon de la Vigne Tremonte était le plus approprié.

Résultat, le «Cabernet Météorite 2010»: «quand on goûte ce vin, on déguste des éléments venant des origines du Système solaire. Il est très robuste, de bonne qualité. C’est difficile d’être objectif, mais il a une saveur plus vive, c’est comme si on s’élevait…» explique Hutcheon à Emol. Un vin qui donne une sensation… d’éternité? Car c’est en quelque sorte le plus vieux vin du monde!

Il déclare aussi au Nuevo Herald que ce vin «apporte sur terre la saveur de l’univers. Nous nous sommes rendu compte que ce processus change un peu la couleur, mais surtout le goût du vin»

La première cuvée a donné 1500 bouteilles. Aujourd’hui, Hutcheon dit qu’il a des opportunités de commercialiser son produit en Espagne, en Angleterre, au Canada, en République Tchèque et en Irlande.

Ajoutons que le britannique propose aussi de l’eau-de-vie à la météorite… Cela donne un liquide noir, très doux, ni agressif ni brûlant pour la gorge. Pas d’exportation en vue: pour goûter ce fort breuvage, il faut traverser l’Atlantique.

Photo: Eclipse/ Cristina V via Flickr CC License by

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L’Ordre des médecins porte plainte contre le Dr. Dukan

L’Ordre des médecins a déposé deux plaintes contre le Docteur Pierre Dukan, à l’origine du fameux régime du même nom, l’accusant de violer le code de déontologie médicale, selon Europe1.

La première plainte émane du Conseil départemental de l’Ordre des médecins de Paris qui lui reproche d’avoir voulu réformer le baccalauréat en instaurant l’option «anti-obésité» qui aurait rapporté des points à ceux qui, entre la seconde et la terminale, auraient réussi à garder un indice de masse corporel (IMC) dans la norme c’est-à-dire compris entre 18 et 25.

Une option pour «sensibiliser les ados à l’équilibre alimentaire» selon le Dr. Dukan, dont nous vous parlions sur ce blog:

«Le nutritionniste affirme qu’une telle option ne fera pas naître un rapport malsain à la nourriture chez les ados (répondant qu’il n’y a “rien de malsain à éduquer les jeunes à la nutrition” et que ça “motivera” ceux qui ont besoin de maigrir). Là encore, l’intention est louable, mais la réponse est un peu rapide: demander aux ados d’avoir un IMC entre 18 et 25 ne revient pas à leur demander de bien manger pour avoir des points en plus. Même si l’IMC (votre poids en kilos divisé par le carré de votre taille en mètre) est mesuré lors des trois classes du lycée, et pas seulement au moment du bac, rien ne les empêchera de faire des régimes dangereux ou d’arrêter de manger pour réussir à gagner ces points.»

Europe1 explique que le Conseil départemental de l’Ordre des médecins de Paris invoque «l’article 13 du code de déontologie médicale selon lequel “un médecin doit faire attention aux répercussions de ses propos auprès du public”» parce que la proposition peut nuire «aux jeunes filles déjà en surpoids ou à tendances anorexiques» auxquelles le Dr. Dukan n’aurait pas pensé.

Le ministère de l’Éducation nationale avait d’ailleurs rejeté la proposition, accusant le Dr. Dukan de faire «de la discrimination physique sans le savoir».

Émanant directement du Conseil national de l’ordre des médecins, la seconde plainte, émise «pour appuyer» la première, vise les 100 millions d’euros de chiffre d’affaire générés chaque année par l’entreprise Dukan, en s’appuyant sur l’article 19 du code de déontologie «qui stipule que la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce». En effet, le «régime Dukan», c’est «quatre millions de livres vendus, un site Internet qui recense quelque trente mille abonnés, une cinquantaine de produits (galettes, biscuits…) estampillés “régime Dukan”», énumère Le Monde.

Le Dr. Dukan, qui entame justement une tournée promotionnelle de son dernier livre de recettes aux Etats-Unis, doit présenter une défense écrite dans un délais d’un mois. Il risque une sanction pouvant aller du blâme à la radiation de l’Ordre des médecins.

A lire aussi sur Slate.fr:

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Photo: Lose weight now /alancleaver_2000 via Flickr CC License by

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Mangez vos épluchures et vos déchets!

Un «Osso-Bucco terre-mer au fumet de carcasses de crevettes», un «Couscous végétarien minute aux noyaux d’olives noires» ou un «Baba au sirop d’écorces d’ananas»… Voilà de bons petits plats mitonnés avec… des déchets. Un «gaspacho aux peaux de tomates et de poivrons», une «tuile de caramel à la peau de pêche» ou une «huile parfumée aux tiges de tomates»… En voilà d’autres préparés avec des épluchures.

Sonia Ezgulian, auteur de Les épluchures, 10 façons de les accommoder et Les déchets, 10 façons de les accommoder, aux éditions de l’Epure, est maître en la matière de recyclage des exclus des cuisines, la plupart du temps relégués au fond des poubelles ou donnés aux poules et aux cochons…

Quand elle tenait un restaurant, elle achetait des produits de bonne qualité et trouvait très dommage de devoir jeter une grosse partie des légumes cultivés sans traitement et avec beaucoup de soins… Elle a alors tenté de mettre les épluchures à la carte, d’en faire des plats beaux et bons, en sortant de la «cuisine ménagère» des mémés qui mettent discrètement des épluchures dans la soupe par-ci, par-là.

Une démarche originale pour bien manger… D’abord, utiliser un produit à 90% plutôt qu’à 70%, c’est écolo et économique. Sonia Ezgulian veut «rendre hommage aux bons produits» et «limiter leur gaspillage». Mais pour se permettre de cuisiner des trognons de pommes par exemple, il faut un bon produit à la base: «faire des économies, c’est acheter de la qualité».

Ensuite, les peaux des fruits et légumes abritent souvent une grosse partie des vitamines et les fibres. Donc les épluchures permettent de bénéficier davantage des bénéfices des produits. Mais pour ne pas avaler une tonne de pesticides (qui logent aussi dans la peau) au passage, il faut donc choisir des produits issus de l’agriculture biologique ou sans traitement.

Enfin, au point de vue du goût, on y gagne aussi. Selon Sonia Ezgulian, les noyaux d’excellentes olives peuvent par exemple donner un bouillon très concentré en goût. C’est donc une cuisine de crise, mais pas désespérante, plutôt joyeuse, joueuse et originale. Alors essayez de regarder vos épluchures de patates et vos arêtes de sardines avec un peu plus de tendresse !

Lucie de la Héronnière

Photo: Poires pelées/ fred_v via Flickr CC License by

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Ode au fait maison

Transformer sa kitchenette en usine de fabrication de fromages, c’est faisable. Fabriquer des pâtes dans 2 mètres carrés, c’est aussi tout à fait envisageable. Nicole Spiridakis, nous en donne la preuve dans un article publié sur Npr. Ce qu’elle veut, c’est «créer quelque chose à partir de zéro», fabriquer des produits que l’on a souvent l’habitude d’acheter tout faits.

La liste des produits de base que l’on peut bricoler dans une petite cuisine est dans fin: gnocchis maisons, barres de granola, sauce piquante, conserves de fruits, sirop au chocolat, bonbons, chips, beurre, bière voire même charcuterie… Il suffit d’avoir un poil d’intérêt pour la chose et beaucoup d’imagination. Nicole, un jour où elle achetait des concombres en grande quantité pour faire des conserves au vinaigre, a même eu une illumination devant le stand de miel. Pourquoi ne pas aussi produire du miel maison?…

Là c’était peut-être aller trop loin. Elle mit un véto à son activité d’apicultrice en herbe, pour se concentrer sur les confitures, gelées, sauces… Même sans jardin gigantesque, il suffit d’acheter en gros, sur les marchés, et à la bonne saison bien sûr, pour avoir des produits savoureux et bien moins chers… Un exemple: des mignons oignons nouveaux marinés et mis en conserve, avec un morceau de cheddar et un bout de pain, ça donne envie, non?

Bien sûr, il n’y a aucune honte à acheter de la moutarde ou à tartiner son pain de pâte chocolatée à l’huile de palme (ouf). La plupart d’entre nous n’ont ni le temps ni l’envie de créer des produits à partir de zéro. Mais il y a une satisfaction intense à fabriquer tout cela, tout comme une réduction de coûts non négligeable, surtout si on achète les ingrédients en vrac. Et bien sûr une augmentation du goût!

La clé, c’est de choisir les produits qui vous séduiront et que vous utiliserez vraiment dans la vie de tous les jours… Et de connaître vos limites, en préférant faire de la confiture de rhubarbe plutôt que de vous lancer dans l’apiculture! Aussi, si vous n’avez pas le temps ou la patience de confectionner un lot de saucisses maison, ne vous forcez pas…

Pour tenter le DIY (Do It Yourself, Faites le vous même) chez vous, Npr propose quelques recettes: le gravalax maison (saumon fumé à l’aneth, avec du sucre, du sel, du vinaigre, à déguster avec de la vodka!), la moutarde maison, les pâtes fraîches, la ricotta, et une version mi-amère du Nutella. Vous m’en donnerez des nouvelles?

Photo: Three types of mustard/ WordRidden via Flickr CC License by

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En Grèce, le “Mouvement de la patate” rapproche consommateurs et producteurs

 

 

 

 

 

 

Acheter massivement et directement aux producteurs, voilà le système simple et efficace que les Grecs ont trouvé pour s’en sortir un peu mieux. Dans un article du Guardian, Jon Henley évoque le «Mouvement de la patate» qui s’étend autour de Thessalonique.

C’est Kamenides Cristos, un prof de commercialisation des produits agricoles, qui a lancé le projet avec ses étudiants. Des milliers de tonnes de pommes de terre et d’autres produits agricoles sont ainsi vendus directement aux consommateurs…

Le principe est simple: une mairie annonce une vente. Les habitants vont s’inscrire et disent ce qu’ils veulent acheter. La municipalité annonce alors à Kamenides la quantité demandée… Et lui et ses élèves appellent les agriculteurs locaux pour voir qui peut fournir les habitants. Les agriculteurs se présentent au lieu défini et à l’heure dite, et l’affaire est bouclée.

Ces ventes directes sont de plus en plus populaires en Grèce. Le mois dernier, les bénévoles de Katerini, au sud de Thessalonique, ont reçu 534 pré-commandes de familles, ce qui a donné lieu à la livraison de 24 tonnes de pommes de terre!

Elisabet, une des acheteuses, dit que «ce mouvement est extrêmement important. Les salaires ici sont très bas, et continuent à diminuer, mais les prix restent les mêmes. Alors ici, on peut acheter vraiment moins cher…». Tsitsopoulou est bien d’accord, et pense que «l’autre avantage, c’est qu’on peut voir la qualité des produits et leur origine, ce qui n’est pas le cas dans les supermarchés. C’est un système génial!»

Côté producteurs, Apostolos Kasapis est satisfait: «je suis payé tout de suite. Le bénéfice n’est pas très élevé, juste un peu au-dessus du coût de production, mais je reçois l’argent immédiatement, ce qui est très important dans un contexte de crise».

Kamenides et ses étudiants ont en fait organisé un système très simple de circuit court. L’innovation, c’est la participation des municipalités, qui aident pour l’organisation et offrent un encouragement institutionnel… Vu le succès du mouvement et l’enthousiasme suscité, Kamenides travaille sur un programme plus large comprenant des coopératives unifiées.

Pour Jon Henley, cela pourrait peut-être devenir un nouveau modèle économique pour l’achat et la vente de denrées alimentaires de première nécessité en Grèce. Plusieurs économistes ont suggéré que c’était un moyen de rompre le «cycle de la crise» dans le pays. Pour le moment, le «Mouvement de la patate» est significatif des idées nouvelles et inventives que les Grecs ont trouvées pour vivre un tout petit peu mieux cette période de récession.

Photo: untitled/ procsilas via Flickr CC License by

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Le maté, herbe vertueuse et icône nationale des Argentins

“On boit du maté du matin jusqu’à la fin de l’après-midi, sans cesse. Si on n’a pas notre pot de maté avec nous, c’est comme s’il manquait quelque chose”, explique Amanda, la soixantaine, en sirotant l’amer liquide, dans une petite calebasse partagée avec ses amies du village de Villa Elisa. En Argentine, le maté, c’est du sérieux.

Parfumé et amer

En quoi consiste cette boisson nationale ? Sa préparation est régie par tout un tas de règles, mais en gros, il s’agit de mettre une poignée de feuilles de «yerba mate» dans une calebasse ou toute autre gourde d’origine végétale, puis de verser dessus de l’eau chaude, ne dépassant surtout pas les 85°C. Ensuite, on consomme avec une paille métallique munie d’un filtre, et on passe le pot à maté à son voisin.

Quand le niveau de liquide diminue, on ajoute à nouveau de l’eau très chaude, mais attention, jamais bouillante. Le maté a un goût très amer, herbeux, qui peut violenter les palais non avertis… Certains ajoutent donc du sucre, ce qui peut être considéré comme un crime par les puristes.

Une icône de l’identité nationale

C’est une véritable institution nationale: on le boit dans 98% des foyers argentins. Mais aussi en Uruguay, au Paraguay et au sud du Brésil… L’argentin consomme 100 litres de maté par an, contre 50 litres de boissons gazeuses, 34 litres de bières et 30 litres de vin. Du coup, les gens ont souvent une petite gourde à maté avec eux, pour le déguster n’importe où. Et ils ont le choix entre des versions douces, plus amères, aux fruits, de telle ou telle zone d’origine…

L’essence de cette tradition, c’est de siroter son maté en groupe, de passer le pot de main en main, de partager le précieux liquide et le matos… L’INYM (Instituto Nacional de la Yerba Mate) a réalisé une étude sur 5000 consommateurs de maté. La majorité répond qu’il s’agit d’une boisson pour se réunir, pendant son temps libre. Amanda confirme: “on a coutume de dire que les Argentins sont tous différents, ont beaucoup de divergences… Mais sont tous rassemblés grâce à une chose, le maté!”

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La viande rouge est mauvaise pour la santé, quelle que soit la quantité et le type

Mauvaise nouvelle pour les amoureux de viande rouge. Une nouvelle étude de longue haleine publiée en ligne cette semaine par la Harvard School of Public Health montre que manger n’importe quel type de viande rouge augmente de manière significative le risque de mort prématurée.

Contrairement à l’hypothèse de départ des chercheurs, la viande transformée n’est pas la seule responsable: la viande non transformée semble aussi augmenter le risque.

Le Los Angeles Times rapporte que manger un steak de 85 grammes, soit à peu près la taille d’un paquet de cartes, tous les jours a augmenté les chances de mourir pendant l’étude de 13%. Remplacer le steak par de la viande transformée, comme un hot-dog ou deux tranches de bacon, fait grimper ce risque à 20%.

Si la viande rouge est depuis longtemps associée à un risque accru de cancer, de diabète et de maladies cardio-vasculaires, CNN souligne que l’étude, qui a suivi 110.000 adultes pendant plus de 20 ans, est la première à montrer que ne plus en manger du tout peut rallonger l’espérance de vie. Le LA Times écrit:

«Manger une portion de noix au lieu de bœuf ou de porc fait baisser de 19% le risque de mourir pendant l’étude. Selon les chercheurs, le poulet ou les céréales complètes font baisser le risque de mortalité de 14%; des produits laitiers allégés ou les légumes de 10%; et le poisson de 7%.»

Selon le journal, au moins un chercheur, qui n’a pas participé à l’étude, a remis en question les résultats car il y a beaucoup d’erreurs potentielles dans la manière dont les questionnaires alimentaires ont été récoltés au cours des années. Mais les chercheurs d’Harvard maintiennent leurs conclusions et affirment que la viande rouge ne peut pas être bonne pour la santé humaine, dans quelque quantité que ce soit. L’auteur principal de l’étude explique:

«Si vous voulez manger de la viande rouge, mangez des viandes non transformées, et limitez votre consommation à deux à trois portions par semaine. Cela aurait un énorme impact sur la santé publique.»

Dean Ornish, un défenseur des régimes végétariens, écrit dans un éditorial qui accompagne l’étude qu’un régime à base de plantes n’est pas seulement bénéfique pour la santé humaine: ne plus manger de viande contribue à faire baisser les dépenses de santé américaines, réduit l’industrie du bétail qui contribue de manière significative aux émissions de gaz à effets de serre et ralentit la destruction des forêts liée aux pâturages.

Photo: untitled/procsilas via Flickr CC License by

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Pas besoin d’avoir une cuisine pour cuisiner

Ou l’art de la cuisine guérilla…

Quand j’étais en CE2 (3d grade aux Etats-Unis, NDLE), nous devions choisir chaque soir un mot nouveau dans le dictionnaire et recopier sa définition. Un jour, le gamin à côté de moi a oublié de faire ses devoirs. Alors que l’institutrice passait dans les rangs pour lire à haute voix nos trouvailles du jour, il m’a emprunté mon dico et a gribouillé quelque chose sur son cahier.

«Cuisiner: préparer les aliments au moyen de la chaleur», a lu l’institutrice.

Je ne me rappelle aucun autre mot de vocabulaire appris cette année-là, mais je me souviens très bien de cet incident: le dico de poche, le nom et le visage de mon camarade de classe (qui déménagea l’été suivant), le regard réprobateur de l’institutrice. Je me souviens m’être demandé pourquoi les auteurs des dictionnaires s’embêtaient avec des mots aussi banals que «cuisiner». Tout le monde savait ce que cela voulait dire. À quoi bon gâcher de l’encre?

Pourtant, cette définition a marqué mon esprit, parce qu’elle rappelle l’essence même de cette activité qui peut vite devenir complexe.

Cuisiner = aliments + source de chaleur

Aucune référence aux acides aminés ou aux Amap. Rien sur les couteaux en céramique et les machines à pain.

Tout comme on peut dormir n’importe où…

Surtout, rien sur la nécessité d’une cuisine. Les cuisines sont, il est vrai, des endroits fort pratiques pour cuisiner, comme les lits sont de super endroits pour dormir. Mais tout comme on peut dormir n’importe où quand le besoin s’en fait sentir, on peut cuisiner n’importe où dès qu’on a l’essentiel, à savoir des ingrédients et une source de chaleur. Je peux cuisiner du riz pilaf, des légumes sautés ou des tacos n’importe où, n’importe quand. J’appelle ça «la cuisine guérilla».

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Un supermarché intègre, ça existe?

Au nord-ouest de l’Angleterre, une chaîne de supermarchés familiale va à contre-courant des grands distributeurs du pays. Dans le premier numéro de L’Alimentation générale, un article du critique gastronomique anglais Jay Rayner raconte l’expérience de l’entreprise familiale Booths, qui possède 29 succursales dans le nord-ouest de l’Angleterre. Ce qui n’est pas grand-chose à côté des 2500 boutiques Tesco…

Un supermarché Booths ressemble clairement à un supermarché: on y trouve des produits de première nécessité, des offres promotionnelles, des marques familières… Alors comment les gérants de Booths ont-ils «lancé un défi moral aux colosses de la grande distribution»? Au dessus du rayon des légumes, un écriteau indique: «Nous favorisons les produits locaux provenant des champs et des serres de Cumbrie, du Cheshire, du Lancastre et du Yorkshire». Voilà.

En Angleterre, plus de 80% du marché de l’alimentation au détail est contrôlé par quelques grosses entreprises. Les producteurs n’ont souvent pas d’autre choix que celui d’approvisionner les grandes centrales, qui achètent à des prix couvrant à peine les coûts de production, ou favorisent les importations de produits qui poussent très bien localement…

Selon Jay Rayner, Booths incarne «la face respectable de la grande distribution britannique»: la chaîne s’engage auprès des producteurs et leur propose des accords raisonnables, privilégie les produits locaux, et a même investi dans la production d’ingrédients britanniques traditionnels en passe d’être oubliés. Le tout sans compromettre sa prospérité, puisque Booths continue à ouvrir des succursales.

Harry Wilson, un producteur d’agneau très tendre des marais salants, raconte que Booths paye très bien. Et que dans les magasins, un écriteau précise quel éleveur a produit telle ou telle viande. A côté de la poissonnerie, on voit même la photo du pêcheur de crevettes. En plus, le personnel de la boucherie et de la poissonnerie connait directement les producteurs.

Edwin Booth, le dernier entrepreneur de la lignée familiale, explique que l’approvisionnement local est juste une conséquence du «principe fondateur, qui consiste à vendre la meilleure nourriture que l’on puisse se procurer». «Entre 26 et 30% de nos produits proviennent de sources locales, ce qui est bien supérieur aux autres [supermarchés]. Les responsables du marketing en ont tiré parti», poursuit-il.

Les produits Booths sont un peu plus chers que dans les autres supermarchés anglais. Mais Edwin Booth compte sur la «conscience éthique» des consommateurs. Il a d’ailleurs investi dans l’antenne britannique de Slow food. Booths est partenaire d’un programme visant à soutenir les produits en voie d’extinction, comme le haddock fumé de Grimsby ou les asperges de Formby…

Alors Jay aimerait bien que Booths ouvre des succursales plus loin que ce coin d’Angleterre. Monsieur Booth répond que ce serait envisageable… mais que ce n’est pas du tout son objectif. Et le journaliste repart le cœur déçu.

Photo: vegetables / joannapoe via Flickr CC License by

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Quand manger sain devient une obsession…


Camille Adamiec est doctorante en sociologie à l’Université de Strasbourg. Elle a soutenu un mémoire de Master II sur l’orthorexie, perçue comme une nouvelle forme d’obsession alimentaire ou une nouvelle pathologie nutritionnelle, liée aux quêtes de l’équilibre et de la perfection des individus et des sociétés contemporaines. Ses recherches – réalisées en France sur un échantillon de blogs, forums et sites de partages – poursuivent celles de Steven Bratman.

Qu’est-ce que l’orthorexie ?

Camille Adamiec: Les orthorexiques sont obnubilés par l’idée de manger sain, selon des règles établies. Ils se sentent coupables dès qu’ils mangent un petit quelque chose considéré comme «malsain». Etymologiquement, c’est l’obsession de «manger droit»: les orthorexiques s’imposent de nombreuses règles, auxquelles il est impossible de déroger, par exemple dans le choix des aliments ou leur cuisson. Les grands principes de l’orthorexie sont donc la rigidité, la maîtrise (du temps, des courses, des lectures, des discussions, de l’ingestion…), et la rigueur. C’est une ascèse diététique, et donc une forme de désordre alimentaire. Il y a aussi un sentiment de supériorité, la fierté d’avoir une vie propre, soignée et ordonnée. On a la confortable illusion d’une vie plus longue. Pour les orthorexiques, la seule raison acceptable de manger, c’est la santé. C’est en quelque sorte une dictature du plaisir…

Qui sont les orthorexiques ?

C.A.: Je différencie deux profils, qui ne s’excluent pas. D’abord, le militant peut vivre en communauté, en suivant un mode de culture et de préparation des aliments. Il y a alors une volonté de prêcher l’alimentation saine. A ses yeux, cette morale devrait servir pour tous. L’autre profil, c’est le malade, qui a un désir de voir son mal-être reconnu. Il n’est pas responsable de son trouble mais en subit les conséquences sociales. Pour le processus de guérison, il doit mettre des mots sur sa souffrance. D’ailleurs, il n’y a pas encore vraiment de reconnaissance médicale, scientifique de l’orthorexie. L’orthorexie peut ainsi être considérée comme une maladie, ou comme un mode de vie. Les gens se sont emparés de cette notion, via les blogs, les forums…

Vous parlez même d’un versant spirituel de l’orthorexie ?

C.A.: Oui, on s’accroche à des valeurs morales, on veut donner un sens à sa vie… En outre, l’achat, la préparation, la cuisson des aliments correspondent presque à un rituel. L’orthorexique doit purger son corps: pour plus de légèreté, de transparence… Il recherche la tranquillité absolue, la transparence lumineuse… Il opte pour le monde des esprits plutôt que pour celui des hommes. Il a la sensation d’avoir le pouvoir de transformer sa cuisine en sanctuaire. Mais cela tue la spontanéité de la vie. C’est un idéal de spiritualité sans dieu, sans dogme, tout comme une tentative de suppression de la vieillesse.

Quelles sont les conséquences sur les relations sociales ?

C.A.: L’orthorexie tue aussi la convivialité, puisque pour pouvoir maintenir un manger «droit», il est plus simple de s’isoler. Et du coup, pas question d’accepter un resto! C’est un enfer, à cause de la nécessité constante de se justifier. On doit refuser de sortir ou emmener sa nourriture. C’est difficile de faire des nouvelles rencontres. Le contrôle isole. Quand on ne mange pas, on s’exclut du groupe.

Photo: salad/ karomanah 1980 *كارومانة* via Flickr CC License by

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