Dessine-moi une cantine idéale

Dans les coulisses d'une cantine du 12e arrondissement parisien / Camille Bosqué

 

 

Suite et fin notre série sur le bio à la cantine, où Camille Bosqué réinvente son éco-cantine idéale.


Ma proposition de design global pour une éco-cantine vise à réinventer le scénario de ce service, de ses coulisses jusqu’à table et enfin dans l’école en général. J’ai pris comme cantine témoin l’une de celles du 12e arrondissement, cantines en gestion directe avec cuisines traditionnelles, qui me semblait être un contexte favorable à ce type de démarche, et dont j’ai observé le fonctionnement sur le terrain.

En coulisses

En assistant à la livraison et à la gestion des stocks, j’ai constaté que les cagettes qui arrivent tous les matins sont pour la plupart dépareillées, en carton ou en bois, et jetées après livraison.

Les informations sur l’origine des produits ne sont pas toujours indiquées de la même manière, ce qui rend le travail d’inventaire plus difficile pour le personnel de service, qui doit répertorier les arrivages et archiver les références de chaque livraison.

Un label. Ma première action est d’imaginer un nouveau label pour le 12ème arrondissement de Paris. C’est une manière fiable de lier les producteurs, fournisseurs et cuisiniers et de les fédérer autour du même engagement de qualité, en le rendant visible.

Ce label figurerait sur toutes les cagettes et documents:

 

 

Grâce à un nouveau système d’étiquettes (à droite), les informations sur l’origine des produits peuvent apparaître plus clairement : on y trouve le nom du fournisseur, et le nom et l’adresse du producteur, accompagnés d’un pictogramme qui indique en un coup d’œil le type de produit concerné (fruits et légumes, viande, poulet, fromages et produits laitiers…).

Dans le cadre de ce nouveau fonctionnement, des cagettes peuvent être données à l’ensemble des fournisseurs associés, qui les transmettraient à leurs réseaux de producteurs. Elles seraient consignées et standardisées pour éviter des déchets inutiles.

La nouvelle étiquette comporte des volets détachables, à la fois pour l’archivage des références et des données liées à chaque produit livré, mais aussi pour une diffusion de ces informations sur le menu, au self, et à table:

 

 

Le menu est un des moyens principaux de communication vers les parents. Il se résume souvent à la liste des plats servis, sans plus de détails. Il peut être amélioré.

Ici, chaque jour a une colonne colorée dans laquelle les plats servis peuvent être inscrits:

 

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Mais en plus de ce menu à la semaine, on trouve aussi une feuille supplémentaire (ci-dessous).

Elle est de la même couleur que celle du jour en question et apporte des informations plus précises sur ce qui est servi aux enfants: un volet de l’étiquette-label peut y être directement associée, ainsi que des détails sur le travail des cuisiniers.

C’est une façon pour eux de ne plus être dans l’ombre et de valoriser la qualité de leur travail.

Ce deuxième volet du menu est affiché devant l’école dans l’après-midi, et peut être lu par les parents à la sortie des cours. Une partie de l’étiquette est également présente au self, où les enfants vont venir prendre leur plat:

 

 

Un nouvel aménagement. Voici l’espace tel qu’il est, et une visualisation de ma proposition. Je joins deux tables ensemble pour avoir une tablée de 12 enfants, avec une desserte en bout de chaque tablée.

C’est une façon d’optimiser l’encadrement par les animateurs, en évitant la dispersion des enfants dans le réfectoire. Des portemanteaux sont placés entre chaque rangée. Cela cloisonne l’espace et de garantit le calme dans le réfectoire.

 

 

Les tables sont liées par un élément amovible que j’appelle un cœur de tablée, où les enfants pourront trouver directement à table les couverts et d’autres éléments pour le repas.

Au cœur de tablée, le pain, les couverts, l’eau, les verres et les fruits sont placés sous la responsabilité des enfants. L’objectif est de les aider à être plus indépendants.

Une partie de l’étiquette est placée à côté des fruits pour que les enfants puissent savoir que par exemple, aujourd’hui, «les poires viennent de chez M. Abitbol, qui habite à Saint-Rémy-lès-Chevreuse»…

 

 

Sur la table, on trouve de curieux stickers, avec six différents dessins. Chaque sticker représente un rôle que chaque enfant va pouvoir tenir durant tout le repas: l’un sera en charge des fruits, un autre des couverts, de l’eau, des déchets, du pain ou des verres…

Les dessins sur les stickers sont couverts de lignes oranges, ce qui les rend presque illisibles. Ils nécessitent un filtre spécial pour être déchiffrés. Ce filtre est dans le plateau, sous le verre. Le petit jeu consiste à poser son plateau sur le sticker pour découvrir quel rôle va être le sien. Les stickers ci-dessous sont montrés tels qu’ils apparaissent une fois décodés.

 

 

Ici par exemple, François est responsable des déchets. À la fin du repas, il va passer avec le bac à compost pour collecter les petits ordures de chacun (épluchures, restes de carottes râpées…)

Ensuite, chaque enfant va mettre son assiette, plateau et autres dans la desserte, en bout de table. Être un petit éco-convive accompli se joue très symboliquement à cette étape du repas, dans la prise de conscience des déchets produits par une tablée entière:

De cette façon, les enfants sont plus responsables, ils font partie intégrante de la gestion de leur repas à l’école. Au lieu de simplement abandonner leur plateau dans un coin du réfectoire, ils sont amenés à participer jusqu’au bout, et le travail du personnel de service est facilité. La desserte, sur roulettes, passe directement du réfectoire à la plonge:

 

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Si l’école collecte de quoi constituer un compost avec les déchets produits aux tables de son éco-cantine, elle peut produire son propre engrais, et mettre en place un petit potager avec la participation des professeurs, pour chaque classe.

Imaginons que les CM1 feront pousser des tomates cerise,  les CP du basilic… chaque classe serait responsable de petites plantes,  pour lesquelles l’engrais du compost sera utilisé.

La boucle est bouclée: les enfants peuvent ainsi devenir eux-mêmes des petits producteurs… labellisés par la Caisse des Écoles de leur arrondissement! Quand les récoltes sont faites, chacun rentre chez lui avec sa part, dans un sachet sur lequel le label des écoles de l’arrondissement est apposé.

De cette façon, on peut toucher les parents, et transmettre par le biais de l’enfant l’idée que finalement, on peut retrouver le plaisir d’imaginer des bonnes recettes avec des produits simples, cultivées, pourquoi pas sur le balcon… ?

 

Texte et photos par Camille Bosqué

Camille Bosqué est diplômée du DSAA de l’école Boulle en Design de Produit, d’un Master en Design à l’École normale supérieure de Cachan et prépare actuellement l’agrégation d’Arts Appliqués.

Dans le cadre de son projet de diplôme en 2010, elle s’est penchée pendant un an sur le fonctionnement et la réalité des cantines scolaires bio de Paris, pour finalement aboutir à un projet prospectif de design global pour les cantines du 12e arrondissement de Paris. Retour à l’article.

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