Les cantines scolaires bio en France: lentement, mais sûrement?

Une cantine bio parisienne / Camille Bosqué

En quelques épisodes, Slate publie ici une partie de l’enquête de Camille Bosqué sur les cantines scolaires bio.


Avec la crise de la vache folle et plus généralement les problèmes d’insécurité alimentaire, la restauration scolaire a souffert d’une remise en cause de la qualité des plats proposés sur le plan sanitaire et diététique. Dans ce contexte, le bio est progressivement en train de prendre de l’importance.

En 2007, le Grenelle de l’Environnement a fixé un objectif de 20% de bio à la cantine en 2012. C’est ce qui a été le point de départ d’un sursaut dans les communes de France.

Nos enfants nous accuseront, réalisé en 2008 par Jean-Paul Jaud est un film qui témoigne par l’exemple de cette cause nouvelle qui agite le monde des cantines. On y suit l’histoire d’une petite commune du Gard, Barjac, dont «la cantine scolaire, rurale, a décidé de changer l’alimentation ordinaire en alimentation bio» : débats publics, rencontres entre les agriculteurs, les producteurs locaux et la municipalité, et mise en route de cette «nouvelle meilleure cantine» dans laquelle les enfants  redécouvrent aussi le «vrai» goût de la laitue, du pain, des poires…

Ce film a été projeté dans de nombreuses communes de France comme argument de réussite de l’introduction du bio dans les repas des cantines. Selon Jean-Paul Jaud, l’urgence est de lutter contre «une agriculture chimique et mortifère indigne d’un pays comme la France».

 

La campagne Oui au bio dans ma cantine!

Le WWF France a enclenché le 18 juin 2009 une campagne nationale pour convaincre les mairies de privilégier les produits bio dans les menus de leurs cantines, en les aidant à trouver des moyens pour mettre en place des solutions concrètes, en mobilisant les parents d’élèves, les enfants et les responsables politiques autour d’un même objectif.

Selon Serge Orru, directeur du WWF, il s’agit de mettre en place une mécanique générale dans laquelle les cantines scolaires peuvent être la locomotive de la généralisation du bio en France. C’est un souci de santé publique qui suppose une modification profonde de nos modes de production agricoles, que l’État français doit être en mesure d’accompagner.

Serge Orru explique qu’à ce sujet «c’est une  campagne qui pose des questions, et nous n’avons pas toutes les réponses».

Effectivement, en France, l’agriculture bio représente actuellement seulement 12 000 paysans et 2,6% de la surface totale cultivée. L’objectif de 20% de bio dans les repas des cantines d’ici 2012 reste difficilement atteignable en moins d’un an, sachant que la moyenne actuelle de bio servi en restauration scolaire atteint actuellement difficilement les 2%… et que pour l’instant, 40% des produits issus de l’agriculture biologique sont importés hors de France, d’après le WWF.

On peut distinguer deux principaux obstacles: la rareté des surfaces agricoles dédiées aux cultures biologiques d’une part, et d’autre part le temps que requiert la constitution de filières reliant les producteurs locaux aux restaurations municipales.

Un des objectifs officiels du Grenelle pour accompagner cette volonté est d’atteindre 6% de surfaces agricoles bio en France d’ici à 2012 [PDF].

Mais, selon Jacques Boutault, maire du 2e arrondissement de Paris, ça ne suffit pas:

«Le gouvernement doit se donner réellement les moyens  d’inciter des mises en cultures selon les méthodes de l’agriculture biologique […] et pour qu’on puisse le faire dans le cadre de nos responsabilités il faut encourager des mises en production de bio, ce qui ne se fait pas parce que les paysans, et les agriculteurs si on les aide une année et qu’on ne les aide pas une autre année sont dans une situation d’insécurité, et ils se disent “je ne m’emmerde pas, (passez-moi l’expression) je balance mes nitrates, mes produits phytosanitaires, ça me sécurise, et puis comme ça j’ai un revenu”.»

Décalage entre objectifs nationaux et moyens locaux

Il y a donc un décalage que les maires dénoncent entre les objectifs fixés au niveau national, et les moyens disponibles pour les agriculteurs, pour les appliquer au niveau local. En attendant, chaque commune et chaque institution trouve des solutions à sa manière.

Huit écoles privées (écoles Montessori, écoles bilingues ou alternatives) à Paris et en banlieue se sont quant à elles regroupées autour d’une initiative commune. Ces écoles maternelles et primaires ont négocié un accord avec le prestataire de restauration SAGERE (groupe RGC Restauration, aujourd’hui filiale de SODEXO), autour d’un cahier des charges «innovant et responsable»: plus de produits bio, équitables ou Label Rouge pour tous les aliments, une suppression des produits industrialisés, et des livraisons par des camions fonctionnant au GPL, avec une reprise des emballages.

Malgré les difficultés de mise en place de ces objectifs de ces engagements, ce mouvement général en faveur de l’introduction du bio dans les cantines scolaires reste un moyen de rendre les plus jeunes sensibles à l’importance d’une alimentation de qualité pour leur santé et pour l’environnement. Selon Hélène Guinot, de la Ligue de l’Enseignement, c’est surtout un enjeu de terrain pour former des «écocitoyens pour la société de demain».

Camille Bosqué

Camille Bosqué est diplômée du DSAA de l’école Boulle en Design de Produit, d’un Master en Design à l’École normale supérieure de Cachan et prépare actuellement l’agrégation d’Arts Appliqués.

Dans le cadre de son projet de diplôme en 2010, elle s’est penchée pendant un an sur le fonctionnement et la réalité des cantines scolaires bio de Paris, pour finalement aboutir à un projet prospectif de design global pour les cantines du 12e arrondissement de Paris. Retour à l’article.

14 commentaires pour “Les cantines scolaires bio en France: lentement, mais sûrement?”

  1. Il convient de mentionner également l’action des fédérations de parents d’élèves qui partout sur le territoire se mobilisent pour demander plus de produits bio dans les cantines.
    Cf l’action menée à Marseille cette année qui a aboutit à ce que la ville impose 30% de produits bio au nouvel opérateur de la cuisine centrale.
    Pour en savoir plus:
    http://macantinebio.wordpress.com/

  2. C’est vrai ! Merci pour ce lien -> macantinebio.wordpress.com est effectivement un très bon blog d’information sur la question, qui rassemble de belles initiatives… et qui a en plus le mérite d’être mis à jour très souvent. À suivre !

  3. Bien sûr qu’il y a un décalage entre les objectifs fixés au niveau national et les moyens disponibles…mais pas que pour les agriculteurs! je voudrais bien apporter plus de Bio dans ma cantine mais les fournisseurs ne veulent pas suivre…j’ai deux grosses entreprises, une proposant du porc Bio à 48km et une de la volaille Bio à 18km; aucune des deux n’accepte de me livrer de petites quantités (10kg de viande) ou bien alors en ajoutant un prix de transport qui vient encore surtaxer le prix déjà élevé du produit! Reste à travailler en direct avec des producteurs -ce que je fais avec deux éleveurs locaux (boeuf).
    Mais, je pense vraiment que la priorité, c’est déjà de proposer des menus équilibrés et après on peut passer au Bio!

    http://maptitecantine.canalblog.com

  4. Vous avez raison, rien ne sert de passer au bio si ce n’est pas fait dans le cadre de menu équilibrés, adaptés, variés et bien conçus.
    Et même si le travail “en direct” avec des producteurs locaux reste la solution idéale, le bio n’est évidemment pas la solution à tout. Il est d’ailleurs tentant de se demander si certaines démarches dans ce sens ne sont pas faites plutôt par souci d’argument électoral que par souci de santé publique… Introduire le bio dans les assiettes des enfants doit être fait intelligemment et de manière cohérente sur toute la ligne, car il est très facile d’afficher du bio dans les menus sans se soucier ni de l’équilibre des menus, ni de l’impact écologique réel.
    Le deuxième volet de mon enquête vous éclairera peut-être sur ce point également.

  5. […] Les cantines scolaires bio en France: lentement, mais sûrement? En quelques épisodes, Slate publie ici une partie de l'enquête de Camille Bosqué sur les cantines scolaires bio. … Source: blog.slate.fr […]

  6. A quand un sujet un peu plus audacieux comme:

    “Les cantines scolaires halal en France: lentement, mais sûrement”

  7. Il existe aussi une fiche outils sur les cantines bio et la restauration collective à destination des collectivités qui souhaitent faire passer les cantines au bio. Cette fiche regroupe les essentiels sur la question : les ouvrages à lire, les sites incontournables et les adresses utiles.
    http://arehn-asso.superdoc.com/Documents/pdf/ficheoutil/Cantine%20_restauration_bio.pdf

  8. D’ailleurs:

    http://www.lavoixdunord.fr/Locales/Douai/actualite/Autour_de_Douai/De_Scarpe_en_Sensee/2011/09/13/article_le-restaurant-scolaire-confronte-a-sa-pr.shtml

    Pour ma part je mange bio à 90% pour des questions éthiques principalement, mais le principal problème relatif à la nutrition en France est la ré-introduction de la question religieuse, et des conditions d’abattage conséquentes.

    Le marché du halal a depuis longtemps dépassé celui du bio, et est une vraie problématique dans beaucoup de cantines.

  9. […] de notre série sur le bio à la cantine. Pour connaître la réalité de la situation du bio dans les cantines, Camille Bosqué est allée […]

  10. […] Les cantines scolaires bio en France: lentement, mais sûrement? En quelques épisodes, Slate publie ici une partie de l'enquête de Camille Bosqué sur les cantines scolaires bio. … Source: blog.slate.fr […]

  11. Ci dessous le lien avec un reportage sur la cantine d’Ytrac dans le cantal.
    100% bio c’est possible puisque c’est le cas depuis 2010 dans cette commune.
    http://www.youtube.com/watch?v=JZvVuTKET9E

  12. […] Les cantines scolaires bio en France: lentement, mais sûrement? En quelques épisodes, Slate publie ici une partie de l'enquête de Camille Bosqué sur les cantines scolaires bio. … Source: blog.slate.fr […]

  13. […] Les cantines scolaires bio en France: lentement, mais sûrement? En quelques épisodes, Slate publie ici une partie de l'enquête de Camille Bosqué sur les cantines scolaires bio. … Source: blog.slate.fr […]

  14. […] Le site d’information en ligne Slate.fr fait une série de reportages sur le bio dans les cantines. Dans l’article de ce jour la journaliste soulève à nouveau la question du mode de cuisson des repas et constate (encore une fois) que la production sur place pour le jour même (liaison chaude) propose des plats d’une qualité gustative supérieure à ceux produits la veille et réchauffés le jour-même. Pour lire l’autre article cliquez, ICI. […]

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